«J'ai vu de très bons jeunes se liquéfier à cause de l'importance de l'événement. Ils ont complètement perdu leurs moyens. Pour eux, le décalage entre le rêve et la réalité peut être énorme». Oussama Sellami, directeur sportif du Club Africain, connaît son sujet sur le bout des doigts. Il nous donne, ici, un éclairage de la situation du centre de formation du CA: «Même s'il fait rêver de nombreux jeunes, le football doit rester un jeu. Pour réussir, cette notion de plaisir demeure essentielle. Après tout, comment jouer à son meilleur niveau lorsque son esprit est tiraillé ? J'ai vu de très bons joueurs se liquéfier à cause de l'importance de l'événement. Ils ont complètement perdu leurs moyens. Quoi qu'il advienne et comme son nom l'indique, un centre de formation doit aider les jeunes à se former. Non pas uniquement en tant que footballeurs mais plus globalement en tant qu'adultes, avec des responsabilités collectives». Le football, un sport de contact à visage humain. Voilà comment les jeunes doivent concevoir leur apprentissage. Volet mise en valeur, il s'agit d'un travail collégial. Explication d'Oussama Sellami, «Monsieur transversale chirurgicale» (surnom de celui qui distillait des passes précises, tel un théorème de Pythagore): «Un CDF doit, avant tout, disposer d'infrastructures adaptées. Les éducateurs doivent, en parallèle, mettre la scolarité au premier plan en vue d'offrir à terme une très large palette de formation à ces jeunes. Sur le plan sportif, l'objectif sera de favoriser leur éclosion et d'intégrer les plus talentueux. En fin de compte, le passage en senior des jeunes apprentis est le signe de la qualité de la transmission du savoir et de l'expérience acquise. Voilà pour le côté formel, chapitre apprentissage dispensé, tout est question d'encadrement technique, physiologique, relatif à la préformation, à la formation, le tout sur fond de présence d'un staff médical qui exerce au quotidien, en permanence. D'un côté, les éducateurs (plateau technique), et de l'autre, un médecin, deux kinésithérapeutes, une diététicienne et un psychologue du sport». Critères fondamentaux Pour avoir exercé aux côtés des jeunes durant plus de deux ans, l'ex-régisseur du CA parle de la formation comme un vieux routier: «Les politiques de recrutement sont sensiblement différentes selon le centre de formation, mais il existe tout de même des critères fondamentaux. Nous privilégierons trois éléments: la technique du joueur, c'est-à-dire son jeu avec le ballon; l'intelligence de jeu, c'est-à-dire la faculté cognitive à analyser le jeu dans son ensemble; et enfin, l'éthique du joueur, c'est-à-dire le respect d'autrui, le sens du collectif, le respect dans l'effort et, de façon générale, la personnalité du joueur. Appliqué au CA, nous avons dressé un programme exhaustif en collaboration avec la direction technique. Des séances de détection qui englobent toutes les sections de jeunes avec des travaux spécifiques (tous les postes sont ciblés, du gardien de but aux avant-postes). A titre d'exemple, pour les portiers, l'omniprésence de Slah Fessi est un gage de réussite. On se donne toutes les chances pour aboutir et toucher au but. Nous avons pris des décisions importantes comme ne pas entraver l'évolution d'un jeune qui progresse plus que ses pairs. Si un joueur minime a des aptitudes pour évoluer en cadet. Eh bien, ce sera fait. Plus haut, si le joueur n'intègre pas les seniors, il sera prêté pour achever son cursus en bénéficiant de plus de temps de jeu. Le jeune doit évoluer en privilégiant le plaisir avant tout. Vous savez, deux ans auparavant, le CA a tout raflé chez les jeunes. Pourtant, dans la foulée, il a bouclé 14 recrutements. Miser sur des jeunes tels que Oussama Haddedi, Hamza Agrebi, Bassam Srarfi, Sabri Akrout, c'est ne pas être obnubilé par les titres. Ça viendra par la suite. C'est inéluctable, résultat d'un long processus au cours duquel les jeunes pousses bénéficieront d'un encadrement adéquat et de méthodes scientifiques et modernes d'apprentissage. Parier sur les jeunes, en football, est le meilleur investissement pour l'avenir».