Fermeture des frontières terrestres avec la Libye pendant 15 jours, recrutement de six mille nouveaux sécuritaires et militaires et réactivation du fonds de lutte contre le terrorisme Après l'émotion, la colère, vient le temps de la lucidité et de l'analyse. Hier, la Tunisie s'est réveillée avec la gueule de bois, mais qui s'est très vite dissipée aux premières heures de la matinée, avec un constat étonnant : les Tunisiens reviennent encore plus nombreux pour envahir les rues de la capitale. Que ce soit dans les terrasses de café ou devant les guichets des salles de cinéma qui affichent complet en raison de la tenue des Journées cinématographiques de Carthage 2015. Les Tunisiens semblent refuser de vivre dans le confinement de la peur. Non à la peur, mais oui à plus de sécurité et de précaution, oui à l'action de l'Etat dont la voix devra désormais être assourdissante. L'Etat, incarné par le chef du gouvernement et le président de la République, l'a compris. Malgré le choc, il fallait réagir sans mentir aux Tunisiens. «La Tunisie est en danger», une phrase que le chef du gouvernement Habib Essid a martelée à plusieurs reprises lors de son point de presse matinal hier à la Kasbah. Habib Essid s'est montré ferme, et devant les journalistes il a affirmé que la loi antiterroriste votée récemment au parlement sera dès à présent appliquée à la lettre. «Toutes les dispositions de la loi antiterroriste seront appliquées», a-t-il dit et répété. Treize décisons sécuritaires Au soir de l'attentat terroriste survenu au centre ville de la capitale, le président de la République avait instauré l'état d'urgence et un couvre-feu qui a mollement été appliqué le premier soir. Dans son point de presse, le chef du gouvernement a indiqué qu'à partir de mercredi soir (hier), la police sera beaucoup plus ferme dans l'application du couvre-feu à partir de 21h00. Une demi-heure après l'allocution de Habib Essid, le Conseil de la sécurité nationale s'est réuni au palais de Carthage. Et pendant plusieurs heures, comme l'avait annoncé la veille le président de la République, celui-ci s'est attelé à établir la liste des décisions à prendre dans ce moment critique. A 17h30, la présidence de la République rend publiques les décisions qui sont au nombre de treize. En plus de la poursuite de l'état d'urgence pendant une trentaine de jours et la stricte application du couvre-feu, le Conseil de la sécurité nationale a décidé de déclarer une « guerre globale » contre le terrorisme et la nécessité que toutes les parties prenantes assument leurs responsabilités. Principale source de recrutement de jihadistes, Internet est également dans le collimateur du Conseil national de la sécurité nationale, qui a décidé de s'attaquer et de censurer les sites et les pages suspects qui font l'apologie du terrorisme. Le Conseil, qui a d'ores et déjà préparé, avant même l'attentat d'hier une stratégie nationale de lutte contre le terrorisme, a décidé de la mettre en œuvre dans les jours qui suivent. Contrôle administratif Comme l'a affirmé le chef du gouvernement dans la matinée, le texte juridique de lutte contre le terrorisme ne restera pas lettre morte, il sera dès à présent appliqué. « Plus question de laxisme », a-t-il déclaré à la presse. Le Conseil a, à cet égard, fait savoir que le ministre de l'Intérieur et l'ensemble de son staff seront tenus d'opérer un « contrôle administratif pour tous ceux qui sont suspectés de terrorisme », à l'image des fiches «S» de la police française. Le contrôle sur les personnes englobera également les résidents étrangers dont la situation sera « actualisée », dit le communiqué. Selon le même communiqué, et dans le cadre de l'état d'urgence, la police prendra des mesures fermes contre les combattants qui reviennent des zones de conflits. D'un autre côté, et afin de donner un signal fort aux forces de l'ordre, premières victimes du terrorisme, le Conseil a décidé de mettre en application «le fonds national de lutte contre le terrorisme», afin de soutenir les moyens dont disposent les sécuritaires. Un soutien qui passera par le recrutement en 2016 de 3.000 nouveaux agents au sein du ministère de l'Intérieur et de 3.000 nouveaux soldats dans l'armée. Souvent critiqué par la police pour son manque de coopération, l'appareil judicaire sera désormais mobilisé dans la lutte contre le terrorisme, et ce, en accélérant l'examen des affaires terroristes en cours. L'Etat tunisien a aussi décidé de fermer l'ensemble des frontières terrestres avec la Libye pour une période de 15 jours à partir de minuit (hier), tout en renforçant la sécurité aux frontières maritimes et dans les aéroports. Une mesure attendue, puisqu'il semblerait que l'explosif qui a servi dans l'attentat vient de Libye. Enfin, conscient que la guerre contre le terrorisme est également une guerre contre la pauvreté, le gouvernement tunisien a décidé de mettre en place un programme spécial d'emploi des jeunes dans les zones frontalières et spécialement dans les zones montagneuses, où les terroristes ont pris refuge dans les maquis.