La perspective d'une exposition de ce peintre des années 70 peut sembler peu enthousiasmante à une époque, celle d'aujourd'hui. Or, les œuvres figuratives de Mokhtar Hnen tirent leur force des paysages ou des portraits auxquels le regard du public profane s'est habitué au fil du temps. La galerie Aïn consacre une belle exposition du peintre académique Mokhtar Hnen sur le thème de la Médina et des petits métiers. Ami de Mohamed El Ayeb, gérant de la galerie en question, Mokhtar Hnen est un habitué de cet espace dans lequel il a exposé maintes fois soit avec des groupes de peintres soit en solo comme c'est le cas cette fois-ci. La perspective d'une exposition de ce peintre des années 70 peut sembler peu enthousiasmante à une époque, celle d'aujourd'hui, où l'art graphique s'envole vers des sphères modernes : installations, graffiti, pop art et autres. Se retrouver face à des toiles de peinture de facture réalistes peut apparaître désuet. Or, les œuvres figuratives de Mokhtar Hnen tirent leur force des paysages ou des portraits auxquels le regard du public profane s'est habitué au fil du temps. Déambulation séduisante Il faut reconnaître que l'exposition, qui se prolonge jusqu'au 20 décembre, mérite l'intérêt. Elle met en lumière des personnages ordinaires que nous côtoyons tous les jours : un poissonnier, un vieux vendeur à la sauvette, des ruelles de la Médina, un café, etc. tout ce qui fait le bruit de la ville et surtout de la Médina, mille fois racontés mais toujours avec une énergie renouvelée. Il ne s'agit pas de production d'images, mais d'une déambulation séduisante dans un marché, une rue, la devanture d'une échoppe, une cour de maison dont le peintre tire des morceaux de bravoure aux accents mi-réalistes, mi-impressionnistes qu'il personnalise avec des couleurs presque effacées à l'image des sujets qu'il reproduit avec douceur et attachement. Il emprunte des chemins imprévus, sans doute attiré par un rayon de soleil. Il tire profit de la dégradation de la Médina de Tunis avec sa vieille pierre et ses murs fissurés pour montrer l'effet du temps sur le patrimoine. Une Médina source de lumière, un faisceau de lumière qui tombe du ciel, une aubaine pour mettre en jeu la matière et en faire une belle composition. Note poétique Tout est extérieur chez Hnen, même les personnages dont il peint le portrait se trouvent dans la rue. Ce sont des personnages masculins issus de milieux populaires : un vendeur de sacs en plastique, un charretier ou encore un poissonnier ; enfin des figures anonymes, mais si familières qu'on retrouve dans les rues de Tunis. «Le personnage dans son contexte est un sujet nouveau chez Hnen», note Mohamed El Ayeb, et d'ajouter que le peintre s'ouvre au social. Outre la Médina de Tunis, il montre les quartiers populaires comme la cité Ettadhamen. Le peintre inaugure, sans doute, une nouvelle période où le côté documentaire reste présent, mais auquel s'ajoute une note poétique, notamment dans le traitement de la lumière dans la Médina : «On n'a pas inventé mieux que la Médina pour mettre en valeur la lumière», s'extasie le galeriste devant un tableau représentant un café romantique «El Aânba» au souk Rbaâ. Fidèle à lui-même, Hnen n'a pas changé de palette. Il continue à peindre de la même manière sans trop se soucier des modes. Une touche gestuelle libre et rythmée caractérise sa peinture.