La collection hiver 2012 de la galerie Aïn n'est pas différente de celle des années précédentes. Mohamed Ayeb prend presque toujours les mêmes peintres vétérans, bien armés plastiquement, et recommence. On retrouve les traces des anciens : Habib Bouabana et M'hamed Mtimet, partis au ciel il y a quelque temps, et puis les œuvres des vivants, fidèles à la galerie qu'ils fréquentent avec assiduité : Bady Chouchane, Mokhtar Hnène, Hachmi Marzouk, Mohamed Njah, Habib Saidi et Victor Sarfati. L'exposition réunit un panel d'œuvres figuratives réalisées avec des techniques assez diversifiées : aquarelle, acrylique, tapisserie, sculpture et huile. La plupart des tableaux, moins connus, sont présentés pour la première fois pour le plaisir des connaisseurs ou des collectionneurs. On pénètre dans les œuvres de Bouabana comme dans un jardin fleuri dans lequel sont installés des personnages portant une certaine mélancolie poétique. Un monde secret et impénétrable sur lequel on peut promener un regard humble. La médina de Bady Chouchane est colorée, claire et joyeuse. Elle a été peinte à la lumière du jour. Elle fourmille de touches de couleurs installées çà et là sur les façades des boutiques rangées des deux côtés du tableau. Sur le pavé, la silhouette imposante d'un homme avance vers le spectateur comme pour l'inviter à une balade guidée. Expressive est la sculpture de Hachmi Marzouk. Elle traîne ses formes massives dans l'espace étroit de la galerie pour mieux se faire remarquer. Le sujet évoqué est en soi une énigme. Les deux corps enlacés représentent-ils une lutte entre deux hommes ou une empoignade de deux bras exprimant à la fois la force et la délicatesse du matériau ? Tapisserie et aquarelle représentent les deux facettes de M'hamed Mtimet, peintre du Sud, dont l'empreinte se trouve fixée sur des pièces où les sujets et les techniques employées sont caractéristiques de ces régions désertiques. Ses œuvres sont un véritable appel du Sud où le soleil est plus éclatant, distillant une lumière forte et chargée. L'arbre sans feuille trônant au milieu de la tapisserie n'a plus que ses maigres branches. Signifie-t-il la mort ou la résurrection ? Il ya toujours quelques chose de troublant dans ces œuvres qui cachent leur vraie nature. L'aquarelle chez Mtimet prend une dimension conviviale. Structuré sur deux mouvements, le tableau avec le chien raconte l'histoire du retour d'une cueillette d'olives. En avant-plan, deux femmes, l'une blanche et l'autre noire, portent des tamis remplis d'olives. Elles sont en pleine conversation. Le chien qui les accompagne assiste à cette pause. En arrière-plan, dans la profondeur du champ, deux autres femmes sont occupées à la récolte. Cette scène se passant dans une région rurale nous donne à voir l'engagement des femmes dans la vie sociale. Avec leurs costumes traditionnels aux couleurs vives, elles se retrouvent au centre d'une œuvre dans laquelle l'auteur a mis toute son énergie et son intelligence. Mohamed Njah déploie tout son talent dans la tapisserie murale qui se décline en calligraphie ou en motifs abstraits. L'aspect domestique perd de sa valeur au profit de l'artistique. Au-delà de sa fonction décorative, la tapisserie de Njah tire vers le haut un art à part entière. La démarche artistique de Habib Saidi, quant à elle, rappelle curieusement celle de Mguedmini. Des acryliques où les personnages sont isolés de leur contexte et recadrés de manière à former des silhouettes mi-figuratives, mi-abstraites ramassées entre elles. Ici, un cercle de personnages assis en position tailleur et là deux silhouettes féminines en costumes traditionnels errant dans l'espace. Les couleurs sombres accentuent leur isolement par rapport au monde extérieur. Les aquarelles de Victor Sarfati reflètent un art de vivre qui se raréfie ou n'existe plus. Légères, harmonieuses et lumineuses, elles s'attardent sur des personnages féminins en «safsari» blanc leur donnant une évanescence qui se confond avec le fond blanc du papier. Les chevaux, l'un des sujets préférés de l'auteur, ont une place prépondérante dans ses œuvres. Dans leur chevauchée, le mouvement est si ample et aérien qu'il leur donne l'impression de voler. L'exposition se poursuivra jusqu'au 11 mars.