Les peintures de Bady Chouchène sont des habituées de la galerie Aïn. Elles y sont présentes aussi bien en collectif — aux côtés de celles d'artistes comme Mohamed Mtimet, Mokhtar Hnane et Hechmi Marzouk, exposées récemment dans l'espace du 7 au 25 mai — qu'en personnel à l'occasion de sa dernière exhibition débutée le 5 juin et qui se poursuit jusqu'au 25 du même mois. Diplômé de l'Ecole des beaux-arts de Tunis en 1975, Bady Chouchène retourne tout de suite après dans sa ville natale, La Chebba, où il vit, peint et enseigne les arts plastiques dans un lycée. Son sujet de prédilection est la Médina et les manifestations de la culture arabo-musulmane dans la cité. Ce thème, fréquemment traité par nos peintres, trouve dans les toiles de Bady Chouchène une expression autre et un traitement différent, rendu possible à travers le recours au semi-abstrait (entre le figuratif et l'abstrait), sous un regard tantôt expressionniste, tantôt impressionniste. Le souci de la transparence Dans ses toiles, des peintures à l'huile de différents formats, on reconnaît l'empreinte de l'aquarelliste et du céramiste. De ces deux spécialités dont la deuxième est celle de ses études, Bady Chouchène emprunte la technique qu'il transpose sur le tissu, afin d'obtenir un glacis (couche de peinture transparente), utilisé pour donner à la Médina — les maisons, les boutiques, les terrasses, les portes, les habitants, les rues — l'aspect voulu : des formes légères et une authenticité revisitée dans la réflexion. Le souci de la transparence est aussi celui de la lumière. Les couleurs en sont les principaux véhicules : le recours au blanc est accompagné de la récurrence du jaune dont la distribution sur la toile est souvent garante de la réussite de la composition. Le contraste avec le bleu, surtout dans sa tonalité outremer, lui permet de donner de la profondeur au paysage qu'il dessine. Bady Chouchène n'hésite pas à jouer de cette profondeur pour exprimer une idée qui va au-delà de la toile. Par exemple, sur un tableau montrant la porte ouverte d'une maison dans la Médina, au lieu de peindre la porte en clair et l'intérieur en sombre (pour donner l'impression de profondeur), il fait l'inverse dans le but de faire ressortir le caractère fermé de l'extérieur et ouvert de l'intérieur dans ces habitations. Rythme et dynamique Quand on dit couleurs, on dit rythme. Bady Chouchène fait du maniement de la couleur son principal outil pour créer la dynamique de ses toiles. Cela réussit sur certaines où il arrive à se positionner au juste milieu entre figurer et abstraire l'atmosphère et la vie de la Médina, tout en créant du mouvement dans l'image. Pas autant sur d'autres, où l'on a l'impression qu'il n'a pas su s'arrêter à temps, que certains éléments sont superflus et atténuent en quelque sorte la composition et l'équilibre. Cela donne des mélanges de couleurs non réussis, des toiles trop chargées à en perdre le sens. Surtout, cela peut semer des embûches à l'exposition dans sa totalité, en tant qu'unité et du point de vue de son souci de rassembler dans la complémentarité, comme un film qui se déroule image par image et où l'action se passe dans la Médina, avec chaque séquence ayant ses lieux propres et ses personnages. Cela n'en fait pas moins un plaisir pour les yeux, avec ses couleurs gaies et ses traits aussi approximatifs qu'efficaces. C'est ainsi que Bady Chouchène a voulu ses œuvres et c'est ainsi que vous pouvez les découvrir — et juger par vous-même — à la galerie Aïn jusqu'au 25 juin.