De l'avis du Dr Hechmi Louzir, directeur de l'Institut Pasteur, l'efficacité du protocole sanitaire mis en place par la FTF et ses défaillances ne peuvent être déterminées qu'en faisant une enquête scientifique. Toutefois, tout protocole sanitaire ne peut être efficace sans le respect des gestes barrières. Une prise de conscience des joueurs et de tous les acteurs du monde du football est donc plus que nécessaire. La prévention vaut mieux que n'importe quel dispositif. C'est la conclusion de l'entretien que nous avons effectué avec le directeur de l'Institut Pasteur, Dr Hechmi Louzir, que nous avons interrogé sur l'efficacité du protocole sanitaire mis en place par la FTF. Un protocole qui semble montrer ses limites face à la seconde vague du Covid-19. On ne compte plus depuis quelques jours le nombre de footballeurs contaminés (staff technique et joueurs), alors que la saison 2019-2020 était sur le point d'être clôturée. Les premiers cas semblaient pourtant isolés. Il y avait eu d'abord Yassine Chikhaoui. Le capitaine étoilé était le premier joueur à être annoncé positif au Covid-19 lors de cette deuxième vague. Dans la foulée, on a annoncé la contamination de son coéquipier Mohamed Amine Ben Amor et Saïd Saïbi, l'entraîneur de l'ES Réjiche avant que le gardien étoilé Aymen Mathlouthi ne soit testé également positif au coronavirus. Mais ces premiers cas, qui semblaient être isolés, dans le sens où les concernés auraient pu attraper le virus en dehors du cercle du football, n'étaient pas les seuls footballeurs à être contaminés. Il y a eu une contamination en masse des joueurs de l'Olympique de Béja qui sont passés en 48 heures de 4 cas positifs à 28. Une contamination collective qui a eu lieu dans un cercle professionnel, puisque l'équipe était en stage à Aïn Draham. Quand on sait que l'Olympique de Béja a affronté en amical l'Espoir Sportif de Réjiche, cela laisse place à des suspicions sur la contamination de l'entraîneur de l'équipe Saïd Saïbi, survenue durant la même période et qui pourrait ne pas être isolée comme l'impression dégagée au départ. Il y a bien eu des défaillances ! Des défaillances dans l'application du protocole mis en place par la FTF, il y en a eu sans doute. Sinon, comment expliquer que les membres des équipes de l'OB et de l'EST soient contaminés en masse. On soupçonne même la FTF d'avoir joué avec le feu et mis en péril la santé des joueurs de l'USM et de l'EST en faisant jouer la finale de la Coupe de Tunisie à la date prévue (le dimanche 27 septembre) alors que la veille, deux cas étaient suspects au sein de la délégation « sang et or », à savoir l'entraîneur-adjoint Majdi Traoui, et le médecin de l'équipe, Dr Yassine Ben Ahmed. Certes, Majdi Traoui et le docteur Yassine Ben Ahmed étaient absents au soir du 27 septembre au Stade Mustapha Ben Jannet et les membres des staffs techniques et des joueurs présents dans cette enceinte étaient testés négatifs, mais tant que certains d'entre eux, en l'occurrence les membres de la délégation espérantiste, ont côtoyé des cas suspects, le risque y était, étant que, dans beaucoup de cas, des premiers tests de dépistage se sont avérés négatifs avant que des deuxièmes tests effectués deux jours à quatre jours plus tard se sont révélés positifs car les personnes testées étaient porteuses du virus. Une donne que le médecin Wadii El Jerry est censé savoir. Par ailleurs, Mouïne Chaâbani et le reste de son staff, ainsi qu'un bon nombre de joueurs espérantistes ont été testés négatifs avant la finale et positifs après. La contamination des deux joueurs monastiriens, Okputo et Fedi Arfaoui, est la preuve que la finale de la Coupe de Tunisie aurait dû être reportée. La preuve par la science Interrogé sur l'efficacité du protocole sanitaire mis en place par la FTF, le directeur de l'Institut Pasteur estime que les défaillances ne peuvent être déterminées qu'en faisant une enquête scientifique : « Je ne suis peut-être pas le mieux placé pour en juger. Si on veut obtenir la preuve par la science, il faut faire une petite enquête, pas judiciaire bien sûr, mais scientifique qui soit faite par des médecins. A mon avis, cette enquête est du ressort de la médecine du travail, de la médecine sportive et préventive, ainsi que l'Observatoire National du Sport. Ce sont eux qui doivent enquêter en allant interroger les footballeurs testés positifs au Covid-19 pour connaître les circonstances exactes de leur contamination, quand et comment. Il faut enquêter sur les circuits qu'ils ont empruntés. Les cafés et les restaurants où ils sont allés et les personnes qui les accompagnaient. En déterminant avec certitude le circuit de contamination, cela permettra de faire une évaluation scientifique du protocole sanitaire mis en place par la FTF », note Dr Hechmi Louzir. Pour notre scientifique, les joueurs sont censés être protégés dans le cercle professionnel. Toutefois, il estime qu'« il est très probable que la contamination n'a pas eu lieu pendant les matches ou durant les entraînements, mais en dehors du terrain. Peut-être lors des repas, en dehors du cercle sportif. Des joueurs qui tissent des liens d'amitié en dehors du terrain et qui se retrouvent entre copains, partageant un repas entre amis, se saluent avec les mains, ne font peut-être pas attention et se permettent des accolades, ce qui explique pourquoi il y a eu des cas positifs de joueurs au sein de la même équipe et d'autres qui sont négatifs. Nous avons constaté cela dans le cercle médical où la plupart des cas contaminés ont attrapé le virus dans le cercle familial et amical, dans les salons de thé en fumant entre autres un narguilé », nous a-t-il expliqué, avant de conclure : « Ce n'est pas sur le protocole en lui-même qu'il faut focaliser toute l'attention, mais la prise de conscience chez les footballeurs, notamment leur comportement en dehors du terrain. Le protocole ne vaut rien sans une prise de conscience. Si on me dit que les joueurs ont attrapé le virus alors qu'ils sont en stage, je dirai que la contamination a eu lieu dans le cercle professionnel et que, oui, le protocole n'a pas été appliqué à la lettre. A la maison, au quartier, chez l'épicier du coin, on peut ramener aussi les bactéries aux vestiaires. Si on prend le cas des joueurs de l'OB, oui, le fait d'être rassemblés dans un même endroit favorise la contamination. Il suffit qu'un cas positif ramène le virus au lieu du rassemblement. C'est pourquoi je dis que le protocole sanitaire ne suffit pas tant que les footballeurs ne sont pas tous conscients de l'utilité et de l'importance de la distanciation et des gestes barrières ».