Enfin, les députés sont appelés à dire leur mot définitif, c'est-à-dire adopter le très contesté projet de loi sur la protection des sécuritaires lors de l'accomplissement de leurs fonctions. Mais en attendant que le projet de loi parvienne à arracher l'aval des députés, on assiste au réveil de la polémique : les droits accordés aux sécuritaires dans le projet de loi ne constituent-ils pas une menace sérieuse pour les droits de l'Homme et les libertés publiques et privées ? Fallait-il attendre qu'un lâche attentat terroriste se produise à Akouda pour que nos députés se rappellent qu'un projet de loi visant à protéger les sécuritaires lors de l'accomplissement de leurs fonctions dort dans les tiroirs du palais du Bardo depuis 2012, faute d'avoir réussi à être voté par les députés ? Etait-il nécessaire qu'un agent de sécurité commette une bavure à l'encontre d'un citoyen lors de son arrestation pour vérification d'identité et que cette arrestation un peu forcée soit filmées et répercutée sur les réseaux sociaux pour que les organisations de la société civile reprennent leur campagne d'information et leur mouvement de mobilisation appelant les députés à rejeter, en bloc, le projet de loi en question censé être examiné, au Parlement, entre les 6, 7 et 8 octobre, pour motif de violation, dans plusieurs de ses articles, des principes de la liberté d'expression et de manifestation garantis par la Constitution du 27 janvier 2014 et considérés comme les acquis les plus importants de la révolution du 17 décembre-14 janvier, les autres objectifs à caractère social et économique attendant toujours d'être réalisés ? Ces deux questions ont été soulevées par bon nombre d'observateurs et analystes à la veille de l'examen par l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) du projet de loi en question qui a, entre-temps, changé d'appellation pour passer de «projet de loi sur la répression des atteintes contre les forces de sécurité intérieures et de la douane» pour devenir «projet de loi sur la protection des forces de sécurité intérieure et de la douane». Le terme «répression» rappelant de mauvais souvenirs, on a décidé de le bannir du texte proposé à la discussion et à l'adoption des députés. Sauf que le changement de l'appellation du projet de loi et l'introduction de nouvelles dispositions sur son contenu dans l'objectif de convaincre les protestataires qu'il ne vise pas à garantir «l'impunité des pratiques sécuritaires illégales», mais qu'il garantit, plutôt, la protection des sécuritaires et le respect des droits élémentaires du citoyen n'ont pas trouvé un écho favorable auprès des organisations en charge de la défense des droits de l'Homme et des libertés publiques. Une loi contraire au principe d'une sécurité républicaine Ces organisations soulignent, en effet, que le projet de loi en question comprend des articles en contradiction totale avec le principe même de la sécurité républicaine, comme pratiquée dans les pays démocratiques où il existe des définitions claires et ne prêtant à aucun doute ou à aucune interprétation quant aux pouvoirs accordés aux agents de sécurité leur octroyant l'usage de la violence légale, c'est-à-dire leur donnant le droit d'arrêter, par exemple, un suspect en usant de la force physique. Et les mêmes organisations reviennent à une critique qui a toujours accompagné les divers projets de loi proposés jusqu'ici et relégués aux oubliettes depuis des années. Il s'agit du principe appelant à sanctionner tout acte de nature «à porter atteinte à la dignité des forces armées», le flou et le vague accompagnant ce principe autorisent, en effet — selon les opposants au projet de loi — toutes les interprétations possibles et ouvrent la voie pour commettre les bavures les plus inimaginables sous le prétexte de préserver la dignité des forces armées, laquelle dignité n'est pas définie clairement et reste à la merci de tous ceux qui veulent en user pour imposer leurs agendas personnels. Côté défenseurs du projet de loi en question, syndicats sécuritaires en premier lieu, on est convaincu qu'il n'est pas incompatible avec les droits de l'Homme, que la réussite de l'expérience démocratique est liée étroitement à l'instauration d'une sécurité républicaine qui garantit à la fois la sécurité des forces de police et de douane lors de l'accomplissement de leurs fonctions et la consécration des droits de l'Homme et des libertés publiques et privées.