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Saïma Sammoud, directrice générale du Centre des Musiques Arabes et Méditerranéennes Ennajma Ezzahra, à La Presse : «Nous espérons transformer le Cmam en une véritable plateforme d'opportunités…»
Publié dans La Presse de Tunisie le 26 - 10 - 2020

Devenue l'une des figures phares et désormais incontournables du paysage culturel national et même international, Saïma Sammoud a été nommée, depuis quelques mois, directrice générale du Centre des musiques arabes et méditerranéennes Ennajma Ezzahra (Cmam). Elle nous parle de ses projets et de sa vision.
Universitaire, docteure en histoire de la musique et de la musicologie, violoniste, membre de l'Orchestre symphonique tunisien, mais, surtout, agitatrice culturelle et porteuse de projets, Saïma Sammoud brille là où elle va. Que ce soit à la tête du Département musique et danse au ministère de la Culture (2016), du Pôle de Musique et Opéra à la Cité de la culture (2017-2018), du Centre international des Arts et de la Culture —Palais Abdelleya— (2017) ou en tant que membre des comités d'organisation et de programmation du Festival international de Carthage (2014), du Festival international de Hammamet (2016-2017) et des Journées musicales de Carthage (2015-2017), elle laisse une trace indélébile. Rien ne semble arrêter cette jeune femme dynamique et hyperactive qui, toujours avec le sourire, mène à bout de doigt, tout ce qu'elle entreprend. Entretien.
Être à la tête d'une structure telle qu'Ennajma Ezzahra est une lourde responsabilité. Telle que nous vous connaissons, vous portez certainement une nouvelle vision pour ce monument historique et culturel. Pouvez-vous nous en parler ?
Absolument. Notre vision globale est de rendre le Centre, avec tous ses espaces et départements, entre musée, phonothèque et bien d'autres, accessible à tous. Nous voulons, par ailleurs, être plus proches des nouvelles générations. Nous travaillons à valoriser le Cmam aux niveaux national et international et faire en sorte qu'il soit une étape cruciale du parcours et du réseau touristiques. Nous comptons aussi amorcer l'organisation des expositions et des colloques et nous ouvrir davantage aux événements privés.
Notre souci premier est de travailler sur le rayonnement d'Ennajma Ezzahra à l'échelle nationale et internationale. Nous espérons le transformer en une véritable plateforme d'opportunités artistiques et scientifiques, mettant à l'honneur le patrimoine tunisien. Pour ce faire, nous avons plusieurs projets qui seront réalisés à court et moyen terme.
Justement, pouvez-vous nous en parler ?
Actuellement, nous avons deux projets phares. D'abord il y a le lancement d'une plateforme numérique de musique tunisienne en partenariat avec la Radio tunisienne pour rendre notre patrimoine musical accessible au grand public, à tous les citoyens. Ensuite, il y a l'ouverture du Cmam sur l'artisanat avec son implication dans son écosystème proche, à savoir celui de Sidi Bou Saïd, mais aussi en collaborant avec des designers et des artisans de tous bords. Nous voulons que le Centre soit une plaque tournante de l'artisanat et de la tunisianité.
En quoi consiste précisément ce projet ?
Nous avons actuellement un atelier de lutherie assuré par M. Hédi Bellasfer qui est l'un des derniers luthistes en Tunisie, une véritable mémoire vivante. Avec l'aide du programme Creative Tunisia, financé par l'Union européenne et la Coopération italienne et mis en œuvre par l'Onudi, nous allons le réaménager, acheter un matériel plus moderne et l'élargir vers un co-working space destiné aux industries créatives, un labo créatif. Ça sera dans les anciens ateliers du Baron d'Erlanger. Nous espérons ainsi renforcer la chaîne de valeurs de l'artisanat et du design, développer entre autres un artisanat inspiré de la facture d'instruments et réaliser des produits dérivés du palais Ennejma Ezzahra. Nous comptons créer et consolider les échanges avec les détenteurs des savoir-faire ancestraux, essentiellement avec les artisans de Sidi Bou Saïd, mais aussi avec les designers. Nous allons offrir et l'espace et l'encadrement nécessaires.
Comptez-vous lancer de nouveaux festivals ?
Vu la situation actuelle liée à la Covid-19, nous n'avons pas une très grande visibilité sur ce point. Ce qui est certain, c'est que nous allons maintenir Musiqat en essayant d'avancer un peu plus sur des versions en ligne (streaming). «Jeunes virtuoses» sera également maintenu. Nous allons lui donner davantage de consistance en lançant dorénavant un concours. La nouveauté, c'est que nous allons créer un festival destiné à la musique soufie. Ça ne sera pas un festival dans le sens de l'«entertainement», mais plutôt dans un souci de documentation. Tous les spectacles seront filmés et archivés. Nous allons mettre l'accent sur le mjarred, sur les noubas du mezoued, sur le répertoire de la confrérie Chedhouleyya, etc. Vous savez que le Cmam est le dépositaire légal du patrimoine musical et de toutes ses œuvres. Notre souci de documentation et d'archivage du patrimoine est donc de première importance.
D'ailleurs, dans ce sens, nous travaillons actuellement sur un projet de numérisation des anciennes bandes son du patrimoine musical que nous avons dans la phonothèque. Nous sommes arrivés à 50%. Cela servira à alimenter la plateforme déjà existante destinée aux chercheurs et à toute personne voulant la consulter, mais également pour la nouvelle plateforme numérique.
D'après les échos, vous ne chômez pas...
Alors là pas du tout. Parallèlement à la mise en place de nos grands projets, nous organisons plusieurs résidences à vocation patrimoniale dans le cadre du projet Bassamat. Nous pouvons citer le projet «Beb el beat» mené par Thameur Mekki à travers des résidences de création entre beatmaker et rappeurs qui utiliseraient la technique du sampling à partir d'un choix d'œuvres musicales tunisiennes des archives du Cmam. Nous encourageons vivement, par le financement et l'encadrement, les projets qui s'inspirent du patrimoine pour créer des œuvres contemporaines. En réalité, le Cmam propose d'accompagner des projets innovants alliant tradition et modernité où l'identité musicale tunisienne sera préservée, tout en s'ouvrant à des interactions inédites. Sinon, notre travail sur la collecte, la documentation, l'archivage et la valorisation du patrimoine musical oral continue. Actuellement, nous nous intéressons au stambeli et nous venons de soutenir, dans le même cadre de Bassamat, un projet portant sur la diffusion en ligne du rituel de Nefta porté par l'Association de la Culture de Stambali Tunisie «Sidi Ali Lasmar».
En partenariat avec le Goethe Institut et dans le cadre du projet Tasawar Curatorial Studios, nous sommes en train de préparer une exposition de groupe baptisée MOT (Matter of time) qui sera ouverte au public du 20 au 22 mai 2021. Une exposition avec des artistes nationaux et internationaux —sous la houlette de la commissaire Bettina Pelz— dont le but est de renforcer le dialogue entre le patrimoine et l'art contemporain en Tunisie.
Vous avez également un volet recherche et éducation...
Oui. Nous avons plusieurs livres à éditer, des livres de musicologie principalement qui ont été sélectionnés par un comité scientifique. Cela dit, nous allons essayer, dans le futur, de recentrer davantage sur le patrimoine d'une manière plus globale. Jusque-là, le Cmam a publié 17 titres et sorti 17 CD. Chaque année, nous lançons un appel à publication. Prochainement, un livret-CD d'Abderrazzek Qliw va paraître. Nous réfléchissons à un format numérique autre que le CD qui est, de nos jours, désuet. Le concert live de l'album «Icipit», de l'artiste Ahmed Benjemy qui a fait une résidence au Centre, sortira également bientôt.
Sinon, côté éducation, nous allons essayer d'attirer les enfants et de les intéresser au patrimoine à travers le lancement d'ateliers consacrés à l'apprentissage des instruments typiquement tunisiens qui deviennent rares comme le oud tunisien, la zokra, le mezoued, les percussions tunisiennes, mais également le chant traditionnel et la musique soufie. Ces ateliers seront ouverts début 2021. Par ailleurs, nous avons comme objectif de monter une formation certifiante en lutherie.
Un scoop pour vous : nous comptons organiser à Tunis, en 2023, le Congrès de la Musique arabe comme celui organisé au Caire en 1932 et dont le Baron Rodolphe D'Erlanger était un des membres du comité d'organisation. Ce sera l'occasion de faire un bilan, une sorte d'états généraux de la ou plutôt des musiques, d'une remise en question des problématiques les plus épineuses de la musique arabe et d'une impulsion de l'évolution future de la musique modale.
Nous avons remarqué un changement dans votre manière de communiquer. Parlez-nous en davantage...
Effectivement, nous essayons de changer petit à petit notre stratégie de communication qui devient principalement axée sur le digital et plus ouverte au grand public. Nous sommes plus actifs sur les réseaux sociaux et via notre site web. Nous communiquons désormais dans les trois langues (arabe, français et anglais) et notre ton de communication est de plus en plus jeune, afin de nous adapter aux nouvelles générations. Nous espérons également, en empruntant le tournant du tout digital, de faire que le Centre soit ouvert même s'il est fermé. Nous allons faire visiter le musée, le palais, avec ses endroits les plus secrets ou les peu connus, virtuellement. Tous les espaces seront ouverts via le digital.
Le musée du Palais commence à prendre des rides. Avez-vous un projet de restauration ?
Vous avez raison. Le musée commence à vieillir et nous allons essayer de trouver des fonds pour le rénover sur le plan muséographique. Mais en attendant, nous allons, d'ores et déjà, ajouter une partie dédiée aux phonographes qui viennent d'être restaurés.
Sinon, nous avons entamé actuellement tout un travail de réaménagent des espaces. Nous allons restituer, entre autres, et avec plusieurs partenaires, les deux parcours privés qui mènent à la plage et qu'empruntait le Baron Rodolphe d'Erlanger. Notre objectif est de les intégrer dans le circuit touristique et de nous ouvrir aux citoyens pour qu'ils puissent profiter de nos espaces verts. Dans le même sens, nous avons un programme de signalétique avec la municipalité pour améliorer l'offre touristique au Centre et à Sidi Bou Saïd.
Est-ce que le budget qui vous est alloué vous permet de réaliser tous vos projets ?
Pas du tout. Notre budget est de deux milliards, recettes propres comprises. La moitié est destinée à payer les salaires, puisque le Cmam est un établissement public à caractère non administratif (Epna). 180.000 dinars seulement sont destinés aux projets artistiques ; ce qui est vraiment très peu. C'est pour cette raison que nous sommes continuellement dans la recherche de partenaires pour nous aider, notamment avec les PPP (Partenariat Public/Privé). Nous cherchons aussi des fonds pour entretenir les différents espaces et le jardin de cinq hectares.
En tant qu'actrice culturelle, quels sont les problèmes actuels du secteur de la culture en Tunisie, d'après vous ?
Je pense que c'est un secteur qui s'appuie essentiellement sur l'événementiel. Un secteur où il n'y a quasiment pas de marché pour les arts. C'est un secteur qui est concentré au centre, sur le Grand-Tunis, et un peu moins dans les grandes villes…
Quelle(s) politique(s) culturelle(s) voyez-vous pour la Tunisie dans un monde idéal ?
A notre avis, une bonne politique culturelle ne peut pas être efficace sans partir de la base. Il est donc primordial de préparer les artistes et le public de demain. En élaborant un plan de formation avec l'Education pour commencer avec les enfants qui vivent aujourd'hui dans un désert culturel. En gros, il faut miser plus sur la formation plutôt que sur l'organisation des festivals et des spectacles, sur l'autonomisation du secteur plutôt que sur l'assistance totale du secteur culturel...


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