Alliances, mésalliances et repositionnements circonstanciels n'en finissent plus de brouiller les cartes. Bien pis, aucune formation politique n'est sortie grandie de ce triste manège. Toutes y ont laissé des plumes. Au grand dam du citoyen lambda Tout observateur averti en convient. Nous voilà partis pour de longues périodes d'instabilité politique chronique. Les Constituants en ont voulu ainsi. Et le pays en pâtit. Les derniers développements sur la scène politique en témoignent. Le topo actuel ne correspond en rien aux résultats des élections de 2014. Majorité et opposition semblent en perpétuelle instance de recomposition. Les principaux partis de la majorité gouvernementale sont aux prises avec les démons de la mésentente cordiale et des scissions internes. L'opposition se meut dans des blocs circonstanciels contre-nature. Alliances et contre-alliances scellent le sort du profil opportuniste de la classe politique dans son ensemble. Résumons. Nida Tounès et Ennahdha se sont opposés farouchement à la veille des élections législatives et présidentielle de 2014. Le sang a coulé entre eux, en 2012, lors du douloureux épisode du lynchage et de l'assassinat de Lotfi Naguedh. Des meetings de Nida avaient été pris d'assaut par des milices en furie, notamment celles desdites ligues de protection de la révolution, dissoutes depuis peu, un corps paramilitaire inféodé à l'ex-Troïka gouvernante chapeautée par Ennahdha. Les élections ont été émaillées d'actes de violence. Le choix, lors des élections, était tranché entre deux blocs distincts. L'après-élections a vu l'instrumentalisation, notamment régionaliste, de pans entiers de la population tunisienne. Des violences inouïes s'ensuivirent. Quelques mois plus tard, renversement d'alliances. Une aile de Nida Tounès a pris le parti de l'alliance indéfectible avec Ennahdha. Des dissensions internes virent le jour à ce propos, dans les deux partis. La crise de Nida frise le mélodrame. Ennahdha est incapable d'organiser son propre congrès, ajourné sans cesse dans la dernière ligne droite. Les institutions en pâtissent. Présidence de la République, gouvernement et Parlement se retrouvent directement impliqués dans la crise de Nida. Jusqu'à ce que le clan de Mohsen Marzouk décide, la semaine dernière, de rompre les amarres avec Nida. L'autre clan semble avoir la prépondérance présidentielle, gouvernementale et parlementaire. Côté opposition, les ennemis de la veille se retrouvent dans des actions communes. Notamment celles de la contestation constitutionnelle de certains articles de la loi de finances et du Conseil supérieur de la magistrature, qui ont eu gain de cause la semaine écoulée. On y retrouve les élus du Front populaire côté à côté avec ceux du CPR et du Courant démocrate, lui-même issu d'une scission du CPR. Bref, alliances, mésalliances et repositionnements circonstanciels n'en finissent plus de brouiller les cartes. Bien pis, aucune formation politique n'est sortie grandie de ce triste manège. Toutes y ont laissé des plumes. Au grand dam du citoyen lambda, blackboulé entre la fureur de passions fortuites, autant incongrues qu'inédites. De larges bases tant de Nida que d'Ennahdha, notamment, ne se retrouvent plus dans la nouvelle configuration, aux antipodes des promesses électorales et des déclarations d'intentions antérieures. La fragmentation de la scène politique revêt trois caractéristiques principales. En premier lieu, le surinvestissement politico-politicien laisse l'économique et le social en friche. En proie à la marginalisation, la stagnation et la crise. L'économie est toujours en panne. Les prix renchérissent à une allure vertigineuse. Le chômage massif persiste. Le pouvoir d'achat s'érode, la classe moyenne périclite. Les régions intérieures végètent. Les investissements et les exportations sont au point mort. La récession sévit. Les grands chantiers de la relance se font toujours attendre, les réformes de structures sont aux abonnés absents. En deuxième lieu, la crise politique semble peser considérablement sur la crise économique. Si l'économie stagne c'est parce que la politique cale. La Banque mondiale, le FMI et les agences internationales de notation souveraine en ont fait état, à maintes reprises. Last but not least, les citoyens perdent espoir, ne s'y retrouvent plus, s'abîment dans l'angoisse du lendemain. Les Constituants avaient tout fait pour enfanter un système constitutionnel d'exercice du pouvoir d'équilibre catastrophique sur fond de partitocratie dominante. Ils ont réussi dans leur douteuse entreprise. La Tunisie connaît désormais les contrecoups pervers de la politique politicienne et de la chasse effrénée des postes et des dignités. Et l'on nous promet un remaniement ministériel d'envergure. Avec les mêmes ingrédients, tout porte à croire qu'il enfantera, non pas une synthèse, mais une erreur composée.