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Un beau livre pour raconter la grande histoire d'une petite géographie Vient de paraitre — «Le Bardo. La grande histoire de la Tunisie. Musée, sites et monuments»
La période des fêtes est généralement consacrée à la parution des livres cadeaux, illustrés avec art et goût. La maison Alif, qui a acquis depuis plus de vingt ans un savoir-faire incontestable dans ce domaine pointu de l'édition, vient de publier un beau livre intitulé : «Le Bardo. La grande histoire de la Tunisie. Musée, sites et monuments». L'ouvrage, signé par trois éminents historiens, M'hamed Hassine Fantar, Samir Aounallah et Abdelaziz Daoulatli, n'est pas tant un livre sur le musée national du Bardo lui-même que sur les pièces qui le constituent, les civilisations dont elles sont la meilleure expression, les courants artistiques auxquels elles se réfèrent et les sites où elles ont été découvertes. Incarnant l'un des musées les plus riches du bassin méditerranéen, le second musée du continent africain après celui du Caire, connu à travers le monde pour sa collection exceptionnelle de mosaïques romaines, Le Bardo recèle aussi des chefs-d'œuvre de la Tunisie à l'époque des âges de pierre, des Temples de Carthage, des époques romaine, vandale, byzantine et arabe. Ce musée est le fidèle gardien de notre histoire, de notre identité si multiple et si mouvante. Le bâtiment qui l'abrite relate également une trace de l'architecture arabo-italo-andalouse du quinzième jusqu'au dix-neuvième siècle, les souverains régnant sur la Tunisie apportant chacun la signature de son époque sur les murs de ce palais royal. «Feuilletez ce livre comme si vous regardiez un album de famille», écrivent les deux éditeurs Viviane et Mohamed-Salah Bettaieb en guise d'introduction de l'ouvrage. Inauguré le 7 mai 1888, le musée ne cesse de récolter les fruits des diverses fouilles entreprises sur le sol tunisien depuis le dix-neuvième siècle. D'autant plus que les civilisations se succédant, les vestiges s'accumulent notamment dans les tombes puniques : des masques de terre cuite, des protomés, des vases biberon, des bijoux en or, rubis, lapis lazuri... «Les apports de Carthage touchent presque tous les domaines du matériel et de l'immatériel : il y a lieu de signaler, entre autres, la diffusion de l'écriture en Afrique et dans les îles. La langue et l'alphabet des Phéniciens sont adoptés. Sur le plan des croyances et de la pensée religieuse, Carthage fut un centre de diffusion pour les cultes sémitiques», écrit M.H Fantar. Le statuaire des Romains et leurs mosaïques sont les traces d'un art de vivre qui a rayonné bien au-delà de la mer Méditerranée. «La mosaïque reste la principale activité artisanale et artistique. Cet art, introduit en Afrique par les Carthaginois, connaîtra un grand développement dans l'Afrique romaine et les mosaïstes africains ont su très vite s'émanciper et créer un art original et pleinement affirmé. Les plus beaux tableaux proviennent des thermes publics et des demeures privées», note Samir Aounallah. Des tableaux en mosaïque exposés au Bardo racontent l'agriculture, la pêche, la faune, la flore, les fêtes, la musique, les dieux et les mythes des Romains. L'architecture et ses savoir-faire, carreaux de céramique, sculpture sur bois, décoration de chapiteaux, calligraphie, imprégneront les villes dès l'avènement des temps de la Tunisie islamique. Le musée du Bardo conserve l'un des feuillets du «Coran Bleu», chef d'œuvre du Xe siècle. Unique au monde, son écriture dorée est cernée par un mince filet brun, sa couleur bleue est obtenue grâce à l'indigo importé d'Inde. Abdelaziz Daoulatli, dans le dernier texte du livre, nous raconte l'histoire du palais du Bardo. D'une ancienne résidence de villégiature des sultans hafsides au quatorzième siècle, le palais devient une cité royale et la résidence officielle des Husseinites au dix-septième siècle. «Siège officiel de la dynastie husseinite, les beys y reçoivent l'investiture et toutes les cérémonies officielles y ont lieu. C'est au Bardo que sont proclamés solennellement le Pacte Fondamental en 1857 et la Constitution en 1861. A l'Indépendance, en 1956, il devient le siège de l'Assemblée constituante et le 25 juillet 1957 y sera proclamée la République», écrit A. Daoulatli. C'est ce symbole à la fois de la continuité de l'Etat et de l'héritage culturel et identitaire de la Tunisie, qu'ont cherché à frapper les terroristes, le 18 mars dernier. Un livre, comme un hommage à ce lieu qui résume la Tunisie.