Qui dirige le football en Tunisie? Le football doit rester un jeu, un exutoire de passions collectives, sans devenir une obsession incontournable qui occulte l'essentiel et le fondamental. Rien n'est vraiment exemplaire dans notre football, dans le football d'aujourd'hui. Ni l'ambiance dans les stades, ni les rapports humains entre les acteurs( joueurs, clubs, instances), ni le niveau des rémunérations, ni le mode de vie des uns et des autres, ni la gestion des clubs, ni la gouvernance des différentes instances... Le football tunisien connaît sa propre crise de gouvernance. Il fonctionne depuis quelque temps sans la prétendue spécificité sportive qui, après avoir fait face aux dérives et aux dérapages successifs et accablants, ne sert plus que de paravent pour tenter de cacher la prosaïque d'une réalité amère. Il s'agit, au fait, d'une crise institutionnelle qui recouvre plusieurs enjeux apparents et d'autres sous-jacents. D'où les conflits d'intérêt entre les différentes instances et qui nous amènent à nous poser la question de la gouvernance du football tunisien, à savoir : «Qui dirige le football professionnel ?» A travers une métamorphose éclatante et dans un environnement de plus en plus conditionné par la surenchère commerciale sous-jacente, l'esprit de gain, l'achat et la vente, rien ne prédispose aujourd'hui les joueurs à être l'archétype et le modèle de vertu que l'on souhaiterait qu'ils soient. Ils ne sont plus motivés que par un comportement économique et loin de pouvoir véhiculer les valeurs éducatives auxquelles le football était dans le passé particulièrement attaché. Dans un univers déconnecté, d'argent facile et abondant, dans un milieu sportif où il faut se singulariser pour gagner à tout prix, les comportements exemplaires, que ce soit individuels ou collectifs, n'ont plus leur raison d'être sur le terrain. Cette transformation démesurée en termes de comportement et de résultat renvoie à la surexposition médiatique et spectaculaire des compétitions de football, à la pression qu'elle induit sur les acteurs, et à son effet grossissant. Les dérives et les dérivés dans les investissements sportives ont fini par devenir inquiétants. Le football doit rester un jeu, un exutoire de passions collectives, sans devenir une obsession incontournable qui occulte l'essentiel et le fondamental. Réformes et paradoxes Dans les textes et selon les lois, la Ligue, qui représente le football professionnel, est indépendante de la fédération. Celle-ci l'est encore davantage dans la gestion de ses affaires courantes par rapport au Cnot et au ministère. Toutefois, ici et là, les abus de pouvoir et l'ingérence outrepassent les compétences des uns et des autres. La confusion dans les rôles et dans les prérogatives fait que chaque partie ne reconnaît plus l'indépendance de l'autre dans la prise de décision. Par ailleurs, ces conflits entre les différentes instances revêtent aujourd'hui un enjeu politique et électoral, dans la mesure où elles arrivent toutes au cours de cette année à la fin de leur mandat. Dans le même ordre d'idée, il se joue également en ce moment une lutte de pouvoir entre les différentes instances et notamment entre les personnes qui occupent la plus haute sphère de décision. Pourtant, il existe un consensus dans le sport tunisien qui permet à chaque partie d'être autonome en termes de décision et d'être responsable de ses actes sans passer par une délégation. Il est grand temps de mettre en place la réforme sur la gouvernance du football tunisien et concernant le mode de fonctionnement des instances. Le paradoxe est que parfois, certaines réformes déjà engagées ont été contestées en justice. Pour cette raison, les différentes parties prenantes doivent s'engager fermement pour les principes de bonne gouvernance et de transparence, et surtout afficher une tolérance zéro envers tout mauvais comportement, que ce soit dans le cadre sportif ou dans tout autre aspect du football. L'on ne saurait, d'ailleurs, adapter les structures et les procédures qu'en fonction de l'évolution des besoins de la gouvernance du football afin de répondre à la complexité croissante des fonctions et activités. Car il est facile aujourd'hui de spéculer sur la valeur éducative et l'exemplarité du football et de ses acteurs. Nous sommes dans l'obligation de constater, et par conséquent d'affirmer, que le fossé, qui sépare aujourd'hui la pratique et la réalité par rapport aux valeurs, à l'authenticité et à la conformité du football, n'a jamais été aussi grand et aussi large. Le football est à présent définitivement intégré dans la sphère économique et soumis à tous les aléas et les contraintes qui en découlent. Que nous reste-t-il pour tenter de faire vivre les valeurs éducatives que l'on attend du football? Effort collectif ou individuel justifié, respect des règles et des adversaires, intérêt supérieur, convivialité... Il y a toujours une issue...