La présence anarchique de groupes de supporters dans nos stades inspire beaucoup d'inquiétude sur la façon dont le football est dirigé. Toute l'institution est aujourd'hui en danger. Le football, comme on le vit aujourd'hui, aurait quelque part perdu une partie de son âme et beaucoup de son innocence. Dans un monde où les vrais responsables sont devenus minoritaires, les courageux aussi, on assiste au procès du football avec beaucoup de sous-entendus démagogiques. Le fanatisme, l'inconscience pourraient tout détruire si on ne les étouffe pas dans l'œuf. Après les scènes intolérables de Radès lors du dernier derby, où des groupes de supporters clubistes s'étaient adonnés, en l'absence du public adverse, à une bataille rangée, saccageant dans la foulée tout ce qui était à leur portée, ne reculant devant rien et défiant toutes les règles et tous les principes de jeu, que seront les prochains lendemains de football? On a beau s'inscrire dans une politique de vigilance et de prévoyance, imposant comme première étape le huis clos, puis limitant par la suite l'accès au stade au public local, on n'a jamais réussi à éradiquer le fléau de la violence. Pour avoir fermé les yeux sur tout ce qui se passe, l'inertie d'un appareil, dépassé par les événements, a tacitement autorisé tous les dérives et les dérapages de différents genres. C'est dire à quel point les dirigeants sportifs d'aujourd'hui, qui ont un rôle d'encadrement et de sensibilisation, n'ont aucune conscience de la réalité. Comme tant d'autres activités sportives, le football est avant tout un repère de moralité. Si la société moderne ne se montre pas capable de prévenir et de combattre la violence sous toutes ses formes, la société du football est cependant appelée, par sa nature d'instrument de fête, par sa volonté d'offrir à ceux qui viennent vers elle une plage de loisir, à ne pas être le reflet de ce que l'on vit partout et chaque jour dans nos activités sociales et professionnelles. Nous pensions qu'au moins le football est différent, qu'il nous propose sans scories ce qu'on lui demande et ce qu'il est capable de donner. La priorité serait une vraie réflexion sur la gouvernance du football. Il faut s'interroger sur la place qu'il occupe dans la société, sur les rapports entre sport et résultats, un problème très tunisien qu'il faudra exorciser une bonne fois pour toutes. On est au bout du système associatif appliqué au football. Ça ne marche plus, il faut évoluer car les enjeux sont devenus aujourd'hui incommensurablement plus importants. Mais quelles que soient les recommandations à prendre en considération, quelle que soit la nature des solutions proposées, quelle que soit la valeur des investissements qui en découlent et certainement le prix à payer, on ne doit pas oublier que le football n'est pas une activité économique comme les autres. S'il reste capable du meilleur comme du pire, il implique encore et toujours des valeurs, des vertus, une culture. S'il est aujourd'hui de plus en plus question d'instruire le procès généralisé du système tunisien, notre devoir serait également de pointer ce que nous considérons comme des erreurs, des manquements ou des dérives. Il ne s'agit pas de suivre ici le courant des hostilités dans lesquelles se délectent les commentaires et les accusations lancées, à tort ou à raison, par les différents intervenants. Simplement, il y a de ces responsables et dirigeants sportifs qui s'érigent en protecteurs, en paratonnerres au nom de l'intérêt supérieur de leurs clubs, soit l'escamotage du fond par la forme, ou l'occultation du majeur par le mineur. Ils se trompent. Ils deviennent les catalyseurs d'une inutile paranoïa, le moteur d'une potentielle fébrilité et, au final, l'incarnation d'un dérapage incontrôlé. On se demande quels numéros d'illusionnistes le grand cirque va nous réserver dans les jours à venir. Mais en attendant, les acteurs du football tunisien seraient bien inspirés d'élever les débats et d'avancer tous dans le même sens. On aura toujours le droit d'aspirer à un football qui ne soit pas inspiré des polémiques. Alors régulons et mettons en œuvre correctement la spécificité sportive. Il y a des instances statuaires, qu'elles soient saisies des débordements, qu'elles agissent en conséquence, qu'elles appliquent la loi, qu'elles régulent la vocation et la marge de manœuvre des groupes de supporters Leur présence anarchique dans nos stades inspire beaucoup d'inquiétude sur la façon dont le football est dirigé. Toute l'institution est aujourd'hui en danger.