Le mois saint marque à Kairouan un changement de rythme dans la vie des citoyens. Autant on est sobre pendant la journée, autant on est de bonne humeur le soir entre les prières d'Etrawih et les longues veillées agrémentées de confiserie de toutes sortes. Les rues et les places ne péchent guère par la monotonie. Il s'y passe toujours quelque chose. Ici, un spectacle d'animation socioculturelle, là des causeries religieuses, des conférences théologiques suivies par des rencontres dans les différents cafés. En outre, il suffit de regarder les vitrines de pâtisseries et des échoppes de zlabia et de mkharek pour se rendre compte que la gastronomie est dans la cité aghlabide un art qui compte parmi les plus importants, l'expression d'une civilisation, la manifestation d'un besoin spirituel et social. Là, au cœur de la Médina, le plaisir terrestre et l'émotion religieuse se rejoignent dans un vibrant allegro. Notons dans ce contexte que si certains citoyens choisissent de s'approvisionner de ces différentes échoppes, beaucoup de femmes friandes de traditions culinaires et de réjouissances gastronomiques préparent à domicile des mets succulents à partir d'un certain nombre d'ingrédients. Alors, on échange avec les amies et les voisines quelques recettes pour mieux réussir telle ou telle préparation et pendant les longues veillées ramadanesques chez soi ou chez les parents et les beaux-parents, passent et repassent les plateaux chargés de gâteaux, d'entremets, de confiseries et de pâtisseries qui ne sont que préludes à la joie profonde de raconter, de rire et de mieux sentir la chaleur humaine. Variétés de pain Parmi les fantaisies alimentaires ramadanesques, on citerait volontiers l'abondance des variétés locales de pain croustillant et parfumé et pour lequel les Kairouanais conservent de grandes traditions dans la fabrication. En effet, il existe jusqu'à nos jours certaines familles qui préparent durant le mois saint leur propre pain (tabouna, galette, sini'ya ou pain au blé dur). Mais la plupart des gens s'approvisionnent auprès des boulangers artisans qui font preuve chaque années de beaucoup d'imagination et dont les apprentis respectent les normes de fabrication du pain, de la préparation de la pâte, de la cuisson et des conditions de vente. Et pour la collation du s'hour on prépare le mesfouf melangé de fruits secs et de raisins. Alors, les gens oublient pour un mois le peu du mauvais cholestérol et profitent des différentes gourmandises.