Par Abdelhamid Gmati La Tunisie dépassera cette crise. Le président de la République, Béji Caïd Essebsi, a voulu tranquilliser les Tunisiens et leur redonner espoir. C'est son rôle. Et il l'a fait non sans avoir proposé un résumé de la situation. Tout en légitimant les manifestations et les revendications populaires, il a pointé du doigt les causes et les auteurs de la violence et des dérapages qui les ont accompagnés. Il a ainsi affirmé que «des partis politiques reconnus et d'autres non reconnus sont derrière les troubles qui se sont propagés dans plusieurs régions du pays. Tout a été filmé et les pilleurs et fauteurs de troubles sont connus des services de la police». C'est là que le bât blesse. Il semblerait donc que «le démon numide», dénoncé par Ibn Khaldoun puis par Bourguiba, refait son apparition. Une tendance, apparentée à un tempérament qui a jalonné l'histoire du Maghreb, et qui mène à la querelle, à la discorde, à l'individualisme destructeur. Le constat a été fait par le ministère de l'Intérieur qui affirme qu'«Il y a des parties qui sont derrière les attaques contre certains établissements étatiques et privés». Le chargé de communication au sein du ministère précise «qu'il y a des parties qui sont en train de donner des pneus et de l'argent aux protestataires. Les investigations sont en cours pour dévoiler ceux qui sont derrière la provocation de ces actes de violence et de vandalisme. Toute personne impliquée sera poursuivie en justice». Un responsable à l'Ugtt corrobore le constat et détient des preuves que de l'argent a été distribué à certains jeunes à Kasserine. On a aussi vu une voiture distribuant des tracts incitant à la violence et à la destruction. Il y a, au moins, un parti qui ne s'en cache pas. Ridha Belhaj, le porte-parole du parti salafiste intégriste Hizb Ettahrir a publié une vidéo où il revendique la conduite d'une deuxième révolution à partir des incidents de Kasserine et appelle les citoyens à la révolte. Il va plus loin en préconisant l'instauration d'un califat et estime que le terrorisme «n'existe pas réellement ; le terrorisme dont on parle n'est qu'une mise en scène produite par l'équipe qui gouverne». Pourtant le terrorisme est toujours présent : plusieurs mouvements terroristes, profitant des manifestations populaires, ont été constatés à nos frontières et ont été contrés par les forces de l'ordre et l'armée nationale. Des mines antipersonnel, des mines antichar, une ceinture explosive et près de 5 kg d'ammonitrate, appartenant à des terroristes, ont été découverts par des unités de l'armée sur les hauteurs situées à proximité de Kasserine. Les services de renseignement détiennent des indices relatifs à une grande opération terroriste dans le pays. Durant tous ces événements douloureux, des politiciens en ont profité pour envenimer la situation, déversant leur fiel sur le gouvernement, les partis au pouvoir et les députés de l'ARP. Il y en a qui ont préconisé des élections législatives anticipées, espérant pouvoir revenir au pouvoir dont ils ont été délogés par le précédent scrutin. Il faut dire que les médias, toujours à la recherche du «sensationnel», continuent à donner la parole à des personnes, ne représentant qu'elles mêmes», qui en profitent pour se donner de l'importance et ânonner des contre- vérités et des «analyses» vaseuses. Des manifestants de plusieurs villes dans le pays ont été conscients du danger et ont formé des groupes pour contrer les brigands et les casseurs et protéger les édifices publics et privés. Des actons citoyennes à saluer. Mais il faudrait aussi que les pouvoirs publics s'opposent vigoureusement à ces adeptes du «démon numide». Tout simplement, en les identifiant, ce qui est facile, et à appliquer la loi qui interdit les appels à la violence, à la destruction, à la révolte, à la haine.