Deux morts et deux blessés graves dans les rangs des militaires Appel du ministre de la Défense à la population pour plus de vigilance Colère et manifestations des jeunes, de la société civile et des proches des victimes Tension, colère et inquiétude règnent parmi la population de Kasserine, suite à l'explosion d'une nouvelle mine antipersonnel hier matin dans le village d'Edoghra situé à environ 7 kilomètres du mont Chaâmbi où se sont réfugiés dès le mois de décembre dernier des éléments terroristes d'Aqmi (Al Qaïda du Maghreb). Les opérations de ratissage du Jebel Chaâmbi (déclaré depuis zone militaire par l'armée et la garde nationale) se sont soldées, depuis, par quatre morts et environ une vingtaine de blessés dus à l'explosion de mines antipersonnel artisanales. «L'explosion de la mine artisanale contenant une quantité plus importante d'explosifs que les précédentes a eu lieu hier matin à 7h45 au passage d'une Jeep militaire Toyota de type ordinaire», précise le colonel-major Mokhtar Ben Nasr, porte-parole du ministère de la Défense. L'explosion a entraîné la mort de deux militaires, le sous-officier Sadok Dhaouadi, âgé de 35 ans et originaire de Bizerte, et le caporal-chef Lazhar Khadhraoui, âgé de 30 ans et originaire de Kasserine (El Ayoun). Deux autres occupants de la Jeep, les officiers Rachid Brahmi et Ali Amri sont grièvement blessés et risquent d'être amputés. Fait nouveau: l'explosion de cette mine antipersonnel survenue sur une piste dans une zone d'habitation et hors du parc national du mont Chaâmbi et du périmètre sécurisé par l'armée nationale a été qualifiée par le ministre de la Défense nationale comme «un tournant dangereux, l'explosion ciblant tous les usagers de ce parcours, entre militaires, unités et de la garde nationale et citoyens». Et d'appeler «tous les citoyens à la vigilance et à coopérer avec les forces militaires et sécuritaires afin de protéger le pays et le peuple de ce danger rampant». Rumeurs, entre vérité et intox Face au développement de la situation et au «tournant dangereux» généré par les actes de terrorisme, les rumeurs, entre vérité et intox bruissent dans la région de Kasserine. D'aucuns affirment que «les cadres de l'armée déplorent un manque d'équipements, de moyens et d'effectif: 280 militaires et membres de garde nationale seulement seraient déployés dans une zone de ratissage de 100 km 2». Afin d'être édifiés, nous avons approché le porte-parole du ministère de la Défense, qui a démenti d'emblée les chiffres et tous les dires. «Je ne sais pas d'où viennent ces chiffres, mais il n'est pas vrai que seuls 280 militaires et éléments de la Garde nationale participent à cette opération sur le terrain. Mais je ne peux rien vous dire d'autre, c'est confidentiel. Ecoutez, les gens colportent des rumeurs, font de l'intox et même des analyses pour le moins étranges et alambiquées qui n'ont rien à voir avec la réalité sur le terrain. Sachant que tous ces colportages de rumeurs et autres intox touchent au moral des troupes, à la réputation de l'institution militaire et à la sécurité du pays. Hier, par exemple, des chaînes de télévision locales ont nommé des commandements militaires arguant qu'ils ont été mutés de la région de Kasserine. Ce sont des allégations qui n'ont aucun fondement. C'est pourquoi nous appelons tous les habitants de Kasserine à garder raison, à être vigilants et à coopérer avec les militaires et la Garde nationale qui effectuent leur mission sur le terrain avec patriotisme et abnégation». «Pas de terroristes au mont Chaâmbi... mais des complices» Y a-t-il encore des terroristes au mont Chaâmbi ? Nous avons posé la question au colonel-major Ben Nasr qui répond catégorique : «Les opérations sur le terrain, entre patrouilles mixtes des militaires et des forces de la Garde nationale, les reconnaissances terrestres et aériennes, les embuscades et l'ouverture d'itinéraires démontrent et traduisent qu'il n'y a plus de terroristes au mont Chaâmbi. Sachez qu'il y a eu reconnaissance et utilisation de la même piste où a explosé la mine antipersonnel hier, ce qui veut dire que celui ou ceux qui ont posé la mine sont venus hors du périmètre sécurisé de Jebel Chaâmbi et que les terroristes ont des complices dans la région. A Eddoghra, village où a explosé la mine, il y a des prés, des troupeaux et une activité des villageois, c'est pourquoi j'attire leur attention et je les appelle à la vigilance». Concernant les rumeurs qui courent sur les circonstances de la mort de l'adjudant-chef Mokhtar Mbarki, tué lundi dernier, par erreur, suite à des coups de feu de ses collègues, le porte-parole du ministère de la Défense précise : «Le défunt a pris un chemin autre que celui convenu, il faisait sombre et il ne s'est pas arrêté aux sommations de ses pairs. Maintenant, l'affaire est entre les mains de la justice militaire. Les supputations et interprétations superflues ne feront qu'attiser le feu, monter la tension et saper le moral des troupes et les diviser. Qu'on arrête ces stratagèmes et accusations de haute trahison de l'institution militaire qui accomplit sa mission avec un fort sentiment de nationalisme, de dévouement et d'amour de la patrie». A la question de savoir quelles sont les parties qui sont derrière ces actions terroristes et toutes ces rumeurs et allégations, le colonel-major Ben Nasr répond : «Tous ceux qui n'ont pas intérêt de voir la Tunisie vivre dans la sécurité et la stabilité». Tension, colère et manifestations Face à ces événements dramatiques, «deux marches pacifiques se sont déroulées hier», indique l'agence TAP. La première a démarré devant l'hôpital régional de Kasserine, en direction de Jebel Chaâmbi. «Elle a été menée par des jeunes de la région et des composantes de la société civile, pour mettre le feu à la montagne, mais les unités de l'armée les en ont dissuadé». Une deuxième marche organisée par la famille et les proches de l'adjudant-chef Mokhtar Mbarki, tué lundi dernier accidentellement par des «tirs amis», a parcouru le centre-ville avant de passer devant la caserne militaire et de s'arrêter devant l'hôpital régional. Selon un témoin oculaire, notre collègue de radio-Chaâmbi, Yacine Abassi : «Les manifestants scandaient des slogans dénonçant l'inefficacité de l'armée nationale et des forces de sécurité», se disant prêts «à monter au Jebel Chaâmbi afin de ratisser eux-mêmes la montagne», exigeant, par ailleurs, des éclaircissements dans les plus brefs délais sur les circonstances de tous les événements qu'ils jugent comme étant «obscurs» et proches d'«une pièce de théâtre». Les manifestants, toujours selon notre collègue, ont appelé à trouver rapidement des solutions à ces tragiques événements qui fauchent les militaires et menacent leurs enfants et l'ensemble de la population et à dévoiler les criminels et terroristes. Les manifestants ont également appelé l'Assemblée nationale constituante à tenir une séance plénière extraordinaire afin d'examiner la situation, ainsi qu'à la mobilisation des partis et de la société civile face à ce «tournant dangereux» que connaît le pays.