Le désordre atmosphérique dans le Grand-Tunis est dû essentiellement à l'émission de substances toxiques provoquée par les gaz d'échappement des véhicules. Un véhicule sur trois assombrit le paysage de fumée noire Après une mobilisation citoyenne appelant au démantèlement de l'usine de la Siape (Société industrielle d'acide phosphorique et d'engrais) à Sfax, responsable de la pollution de la ville et de son littoral, le gouvernement a décidé la fermeture de l'usine, répondant, enfin, aux doléances des habitants qui ont souffert durant une soixantaine d'années de l'impact de la pollution sur leur santé. C'est un grand soulagement pour les Sfaxiens mais le spectre de la pollution atmosphérique hante d'autres régions urbaines à l'instar de Gabès, Gafsa ou le Grand-Tunis. Des études montrent que la pollution a des effets catastrophiques sur notre santé même à de faibles doses. « Trois millions de personnes dans le monde meurent chaque année sous l'effet de la pollution atmosphérique, soit 5% des 55 millions de décès annuels dans le monde », selon l'Organisation Mondiale de la Santé. Les responsables de cette mortalité sont les polluants qui sont de différentes natures : gaz ou particules ayant des propriétés irritantes et qui peuvent être la cause des maladies de l'appareil respiratoire comme l'asthme ou le cancer. Polluants divers Le désordre atmosphérique dans le Grand-Tunis est dû essentiellement à l'émission de substances toxiques provoquée par les gaz d'échappement des véhicules. Un véhicule sur trois assombrit le paysage de fumée noire. C'est à se demander si ces véhicules passent devant le contrôle technique ou non. Le comble, c'est qu'ils échappent à la vigilance de la police. D'ailleurs, les gaz d'échappement des moteurs diesels sont classés cancérogènes par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) depuis 2012. D'autres types de pollution proviennent de la production d'acide phosphorique qui génère un déchet, nommé phosphogypse, composé notamment d'uranium, de plomb, de polonium et de radium. Pour une tonne d'acide phosphorique obtenue, 5,1 tonnes de phosphogypse sont rejetées. Ces déchets radioactifs sont stockés à l'air libre à Sfax et Skhira, sous forme de terrils plus ou moins bien protégés. A Gabès, en revanche, le phosphogypse est entièrement déversé dans le golfe par un canal à ciel ouvert. La décharge est située entre les ports de commerce et de pêche de Gabès. Mélangé à l'eau de mer, il forme des « boues gypseuses comme le montre si bien le documentaire « El Khanka » de Salah Jedai. Effets pervers Plusieurs cas de maladies et de décès sont liés à ce type de pollution. « L'exposition à des polluants industriels est le motif de consultations répétitives, d'urgences et d'hospitalisations notamment pour certaines bronchopathies respiratoires comme l'emphysème respiratoire et la pneumonie », souligne Dr Hanene Smadhi, pneumologue. Une étude nationale a montré que les polluants industriels ont des conséquences néfastes sur la santé des gens. Il a été enregistré des augmentations de 8 % des maladies respiratoires, de 25% d'hospitalisations liées à l'asthme, surtout chez les enfants, de 15 % de consultations pédiatriques, de 22 % de cas de maladies respiratoires. L'inhalation de 15m3 de dioxyde de soufre entraîne 33% de crises d'asthme, 25 % à 70 % de cardiopathies, 25 % à 70 % de toux nocturnes et 33 % à 50 % de gênes respiratoires, sans compter l'augmentation des allergies. « Les impacts de la pollution sur notre environnement sont multiples : dégradation de l'écosystème, pollution de l'eau et du sol engendrant un impact nuisible sur la santé humaine et particulièrement sur les enfants qui sont plus vulnérables aux effets de la pollution industrielle. Chaque substance industrielle polluante (dioxyde de carbone, dioxyde de soufre, dioxyde d'azote, phtalates, produits organochloriques) a son effet sur la santé humaine » approuve Hamadi Dekhil, directeur du contrôle sanitaire et environnemental des produits (ANCSEP), ajoutant : « La Tunisie respecte les normes internationales et les réglementations en matière de polluants industriels ». Toujours est-il que la dégradation de l'environnement ne cesse d'augmenter, ces dernières années. Il reste beaucoup à faire par les collectivités nationales, les associations non gouvernementales pour assurer un environnement sain et un développement durable pour les générations futures.