La manière de jouer de la sélection séduit autant qu'elle met en garde. Mais on s'en réjouit plus qu'on s'en désole. C'est toujours mieux d'attaquer que de subir Le jeu, un repère idéal (ou presque) pour la sélection? C'est ce qui ressort de la dernière prestation contre le Niger. Un adversaire, certes, modeste, mais devant lequel les joueurs tunisiens s'étaient revendiqués en tant que tel. Sur un nombre calculé de phases de jeu abouties, l'inspiration, la créativité, le sens de l'initiative étaient à l'origine de l'ascendant tunisien. De cette victoire riche en couleur, de ce score large dans lequel les joueurs se sont finalement libérés, il y a matière à réflexion. Quoi qu'il en soit, l'équipe de Tunisie peut faire rêver. Dans sa version actuelle, dans son expression sur le terrain, dans le registre de jeu qu'elle revendique, enfin dans ses différentes interpellations, elle est aujourd'hui mieux perçue. Cela par amour aussi bien pour les performances que pour l'attrait des formules d'attaque et de jeu. Sans vouloir jouer le rabat-joie, il faut cependant apporter quelques bémols. D'abord, la défense qui reste vulnérable et fragile en dépit des changements à la fois des acteurs et des postes. Ce qui pourrait être, d'une façon ou d'une autre, comme réducteur qui risque de peser sur la manière de jouer de l'équipe et ses résultats. Evidemment, on peut pointer le fait que cette vulnérabilité est souvent accentuée par les mauvais placements, l'absence de réaction et d'anticipation. Mais c'est peu tenir compte de la complémentarité et de l'homogénéité des joueurs alignés chaque fois. Au final, il devient tout à fait clair que ce compartiment ne s'améliore pas depuis le début de la compétition et au fil des matches. En a-t-il les moyens? Peut-être non, mais un bon rendement défensif, c'est aussi et surtout l'affaire de toute l'équipe. La situation peut devenir particulièrement critique pour une équipe qui espère pourtant aller loin et jusqu'au bout. Au-delà des résultats obtenus en trois matches, la prestation de la sélection révèle diverses surprises. Une bonne : le jeu et l'esprit offensif sont fortement récompensés, à l'instar des cinq buts mis dans les filets du gardien du Niger. Cela plait autant aux puristes qu'à ceux qui revendiquent des restrictions dans le jeu et dans la manière d'évoluer des équipes. Une bien moins bonne: elle encourt des risques certains. Risque de déficience, risque de déséquilibre, risque de prétention. En tout cas, cette manière de jouer séduit autant qu'elle met en garde. Il est vrai cependant qu'on se réjouit plus qu'on se désole. Un nouveau monde, une plus grande dimension Relativisons: les options préconisées par Hatem Missaoui (elles n'auraient peut-être pas emballé Kasperczak, entraîneur en chef) peuvent être discutées, ou encore ne pas forcément correspondre aux réalités du football tunisien. Le jeu d'attaque est difficile: beaucoup de responsabilités, mais aussi de contraintes et d'obligations, y compris dans les matches faciles. Mais, c'est toujours mieux que de subir. Cela ne peut être qu'une réponse aux avis critiquant les déboires du jeu offensif, sa mauvaise interprétation, son attrait relatif, ses perspectives, ses pièges. Même si tous les commentaires et toutes les analyses ne feront jamais le tour ni des multiples réalités, ni des charmes toujours renouvelés des équipes à tendance offensive. Il serait peut-être difficile à l'équipe de Tunisie de se lancer dans cette optique, mais elle en a plus que jamais besoin. On est loin des approches et des modèles exemplaires, des jugements et des appréciations gratuits aussi. Le Chan n'est pas le genre de rendez-vous où l'on devrait s'attendre à voir du bon football, mais il y a des matches qui se révèlent être des classiques, même après avoir été annoncés comme étant ennuyeux. Il serait aujourd'hui opportun de favoriser l'accès de la sélection à un nouveau monde, à une plus grande dimension de jeu. Parfois, les équipes qui réussissent sont celles qui connaissent mieux les contraintes du football ‘'rémunérateur'' que celles de leur propre jeu. Et si l'attaque devenait le style dominant sur lequel pourrait s'appuyer l'équipe de Tunisie? Il faut tenter, ne pas se comporter comme de petits. Oser prendre le match en main. Le jeu d'attaque n'est pas mort. Il est juste mieux pratiqué par des équipes que d'autres. Pour certains entraîneurs, ce style n'en est pas seulement un, c'est aussi une idéologie. «Seul celui qui pratique un beau jeu remporte des titres», ne cesse de proclamer le sélectionneur allemand, Joachim Löw. Quand l'entraîneur argentin Alejandro Sabadella demandait à Messi comment ce dernier voulait-il jouer, il avait répondu: «Avec beaucoup de joueurs offensifs, comme à Barcelone» Voilà qui va apporter un peu de douceur à un flux d'habituels constats moroses, lourds et inquiétants dans le passé. Oui, l'équipe de Tunisie peut faire rêver !