C'est assez frustrant pour les journalistes qui pensent avoir les qualités et l'expérience nécessaires pour travailler, alors que les chaînes leur préfèrent des consultants pour leur nom ou leur carnet d'adresses Ils ont envahi les plateaux de télévision à la faveur de la médiatisation du sport et de la multiplication des chaînes. Les consultants, anciens sportifs, pas nécessairement de haut niveau, sont omniprésents au détriment des journalistes. Des personnages d'autres professions sont également sollicités, en raison, dit-on, de leur célèbre penchant pour le sport. C'est bien le cas des avocats parachutés dans le métier qui, par une reconversion dont on ignore l'origine, et encore moins le sens et l'utilité, ont aussi fait leur apparition à la télévision. Avec l'arrivée de nouvelles chaînes qui n'ont pas forcément les droits d'image, le nombre d'émissions de débats et de consultants a explosé ces dernières années. Le paysage télévisuel tunisien est aujourd'hui particulièrement propice au développement de l'emploi de consultant. L'idée se fait ainsi de plus en plus pressante: il n'est pas de match télévisé sans sa paire de commentateurs : au journaliste sportif est généralement accolé un consultant, dont le rôle est, comme son nom l'indique, d'être consulté. Consultants déguisés en journalistes La plupart des anciens sportifs sollicités ont cependant du mal à couper le cordon et à prendre du recul sur eux-mêmes. C'est la raison pour laquelle certains d'entre eux ne correspondent pas tout à fait au profil idéal requis. Et dire que dans le milieu du sport, comme d'ailleurs dans le milieu des affaires, le ‘'consulting'' coûte souvent très cher pour un résultat peu convaincant. Il est évident que le réseau des anciens sportifs est un atout non négligeable pour les médias. Un consultant est censé entrer en contact avec un sportif plus facilement qu'un journaliste. C'est un fait. Il peut aussi obtenir des informations que le journaliste n'aura pas. Reste toutefois le problème de l'aptitude, de la compétence, du professionnalisme. Quand on est issu d'un milieu, il y a des techniques qu'on maîtrise plus que les autres. Symbole de consultant omniprésent : dans le passé, certains sportifs avaient l'impression de faire une faveur aux chaînes de télévision en acceptant d'y être invités. Maintenant, la donne a fortement changé. La vocation de consultant sportif est devenue une espèce en voie de prolifération dans des émissions sans journalistes, ce qui nous pousse à recenser chaque jour les aberrations sportives dans les médias tunisiens. Ce qui explique aussi, et en partie, pourquoi les anciens sportifs peuvent agacer le téléspectateur. Comité de vigilance médiatique, une urgence On n'est pas contre le principe du consultant, mais il faut que ce dernier parle et agisse comme un ancien joueur, et pas comme un journaliste. Or, plus les consultants s'installent, plus ils adoptent les codes des médias. Ils y sont de plus en plus formatés. Seulement, ils ne sont pas journalistes, ils ne sentent pas l'évènement comme tel. Honnêtement, c'est assez frustrant pour les journalistes qui pensent avoir les qualités et l'expérience nécessaires pour travailler, et finalement les chaînes leur préfèrent des consultants pour leur nom ou leur carnet d'adresses. En principe, chacun sait ce qu'il doit faire. Le journaliste guide, le consultant consulte. Certes, ce dernier est meilleur sur le plan sportif. D'ailleurs, les journalistes ont beau côtoyer des sportifs tout le temps, ils n'en sont pas. Un consultant sait forcément mieux ce qui se passe dans la tête des sportifs. L'une des grandes difficultés de la télévision résulte de l'interruption du match pendant les quinze minutes de la mi-temps. Obligée de montrer de l'image coûte que coûte, la télé a souvent pris l'habitude de se contenter de gros plans sur des supporters ou des banderoles, ou encore des intermèdes musicaux. Certaines chaînes, plus ou moins à forte audience, résolvent ce problème avec un long tunnel de pub, mais pour d'autres, la difficulté est plus contraignante. On imagine alors un autre scénario qui a trait à ce qui se passe dans les vestiaires pendant la période où le jeu est arrêté. La responsabilité de commenter et d'interpréter incombe automatiquement au consultant. Fort de sa connaissance du football, son principal rôle est d'imaginer ce qui se conçoit en ce moment-là dans les vestiaires. Il est appelé ainsi à fournir des supputations quant aux éventuels messages des entraîneurs à leurs joueurs, les changements envisagés, ou encore les méthodes à confirmer. Comme on peut le déduire, la fonction de consultant est conditionnée par un passé professionnel dans le milieu du football. Sa reconversion peut avoir été faite en tant que joueur, mais aussi en tant qu'entraîneur. Il ne s'agît pas de ce fait de ‘'recruter'' un anonyme. Cette condition ne peut pas cependant être suffisante: un minimum de réussite sportive est nécessaire pour pouvoir crédibiliser le consultant. Ce qui pousse à une interrogation: y a-t-il un risque pour, qu'un jour, le consultant finisse par remplacer le journaliste? Les émissions 100% consultants ne fonctionnent pas. S'il n'y a pas d'évènement particulier et qu'ils n'ont rien à dire, on pourra en inviter autant qu'on voudra, mais les consultants n'auront toujours rien à dire. Une chose est cependant nécessaire : la création d'un Comité de vigilance médiatique susceptible de remettre de l'ordre dans un métier de plus en plus accessible aux intrus!...