Le secteur des managers privés du spectacle est encore brouillon. Les professionnels eux-mêmes en sont conscients et ne demandent qu'à organiser la profession et la moderniser. En face, des structures étatiques qui continuent à reporter les échéances pour se pencher sur ce dossier. La question est soulevée depuis des années : comment réglementer le secteur des imprésarios et des managers de spectacles? Comment déterminer de manière claire leur façon de travailler avec les différentes structures étatiques, dont le ministère de la Culture essentiellement ? Aujourd'hui, les professionnels poussent un coup de gueule et exigent que cette question d'organisation de spectacles soit réglée une fois pour toutes. Il y a un besoin urgent de réformes administratives et fiscales qui doit voir le jour et aller de pair avec la nouvelle Constitution tunisienne. Le secteur patauge, s'enlise et navigue à vue et les problèmes sont légion. Dans l'impossibilité de les évoquer tous, nous parlerons d'abord de la question de la taxation de 33% qui, selon certains professionnels, serait exagérée. «Cette taxe n'est pas seulement calculée sur le spectacle mais sur tous les autres frais de l'artiste, à savoir son déplacement, son hébergement, etc., dit Ramzi Jebabli, fondateur et directeur du festival Sicca jazz, d'autant plus que, dans le cas d'un festival de jazz comme celui que j'organise, je paie ces taxes sans profiter de retours car une partie de ces taxes est réservée à la promotion de la musique tunisienne et pour la subvention des spectacles inhérents, or le genre de musique qui anime mon festival, à savoir le jazz ou le reggae ne profite pas de ces subventions; autrement dit, je ne peux même pas bénéficier d'un spectacle subventionné par l'Etat, vu la spécificité du festival, alors que je paie ces taxes...». Mais voici qu'une autre question se pose lorsqu'on parle d'un festival comme Sicca Jazz qui se tient au Kef. Y a-t-il des avantages fiscaux accordés aux organisateurs de spectacles comme ceux accordés à l'industrie dans ces régions que la culture est appelée à atteindre ? Des régions où les habitants ne peuvent pas se payer un billet à 20 ou 30 dinars ? Aucun responsable du ministère de la Culture n'évoque cette question lorsqu'il parle de décentralisation. Un autre organisateur de spectacles a évoqué cette question de taxation. «Les procédures et la taxation des formalités réservées aux promoteurs de spectacles internationaux privés sont devenues impossibles à gérer et découragent plusieurs d'entre nous, dit-il. D'ailleurs, le constat est clair, quasiment plus d'événements privés ne sont déclarés au ministère depuis quelques mois. Les ministères concernés (Finances et Culture) confirment le maintien de la pression et augmentent les bases de taxation sur les artistes étrangers». Au-delà d'un décret et d'un cahier des charges que certains décrivent comme éculé, il y a des voix qui s'élèvent pour dénoncer une concurrence déloyale de la part d'un ministère juge et partie. «Le ministère de la Culture devrait prendre plus de hauteur pour légiférer, organiser, soutenir la production et la vie culturelle, détaxer la culture, encourager les investissements, construire ou faciliter la construction de vrais espaces culturels, mettre les bases d'une véritable industrie culturelle et non pas prendre la place des promoteurs dont la profession est reconnue et organisée..., poursuit notre interlocuteur. Ce qu'il faut comprendre c'est que les artistes étrangers sont considérés en Tunisie comme des produits prohibés et soumis à des autorisations administratives... Ils ne peuvent entrer en Tunisie qu'après avoir constitué un dossier comprenant une série de paperasse administrative et s'engager à ce qu'ils ne se produisent pas ailleurs et pour certains à ce qu'ils ne sortent pas de leur texte (pour l'humour et le théâtre) ! Bien entendu, le ministère de la Culture en est exonéré pour ces festivals. A court terme, en Tunisie, il n'y aura que l'Etat qui organisera plus de 90 % des manifestations et festivals. Le constat de la situation actuelle est édifiant».