Pris dans les bourbiers syrien et irakien, les Etats-Unis et leur coalition ne se hasarderaient pas à ouvrir un troisième front en Libye où l'on se contentera, à titre dissuasif, de bombardements aériens ponctuels sur les cibles terroristes de Daech. Entre-temps, Al-Qaïda jubile... Dire que le raid aérien lancé, vendredi dernier, par les Etats-Unis sur l'un des fiefs daechistes à Sebrata est le prélude à une intervention militaire en Libye, c'est aller trop vite en besogne. C'est se plier au jeu des faux calculs. L'on sait, en effet, que dans les annales des guerres, il est de coutume qu'une intervention s'opère autrement. C'est-à-dire avec des dizaines d'avions de combat qui attaquent ensemble, en visant simultanément plusieurs objectifs de l'ennemi. Et rebelote, demain et après-demain jusqu'à l'achèvement de la «mission» qui pourrait prendre des jours, voire des semaines, si ce n'est plus. Or, pour le cas de la dernière attaque de Sebrata, un seul avion a accompli la tâche, une seule cible a été touchée et il n'y avait plus, depuis, d'autres sorties aériennes en phase de bombardement. Tout cela pour dire que c'est là justement un remake de ce que faisaient, jusque-là, les drones US qui s'enhardissaient, de temps à autre, à éliminer des caïds terroristes, non seulement en Libye, mais aussi dans les pays à haute tension intégriste tels que l'Afghanistan, le Pakistan, le Yémen, l'Irak, la Syrie, la Somalie... Et ce n'est pas un hasard si le raid de Sebrata a pulvérisé de dangereux jihadistes dont le tristement célèbre Abou Talha qui s'est avéré être notamment le commanditaire des attentats du Bardo et de Sousse. D'ailleurs, dans ce jeu de traque qui les «amuse», ces redoutables drones ont, à ce jour, éliminé une centaine de caïds takfiristes de par le monde. L'appétit venant en mangeant, ils continueront, à coup sûr, de sévir en Libye où ils ont, il est vrai, d'autres cerveaux terroristes à épingler à leur tableau de chasse. Et cela revient à dire que les Etats-Unis persisteront très vraisemblablement à privilégier le recours aux drones dans ce pays, en attendant des jours meilleurs. C'est d'autant plus vrai que ces avions furtifs dont l'extraordinaire efficacité n'est plus à démontrer, sont déjà soutenus au sol libyen par des centaines d'éléments de l'élite des GI's spécialistes dans le travail d'espionnage et de collecte d'informations sur le mouvement de l'ennemi. Pour des experts américains en défense, cela suffit pour rendre improbable une intervention militaire terrestre en Libye. Thèse d'ailleurs soutenue, du moins pour le moment, par le président Obama. Il est vrai que l'Oncle Sam est déjà pris dans les bourbiers syrien et irakien où sa tâche, prise au départ pour une simple formalité, est devenue de plus en plus ardue, avec, au passage, une montée vertigineuse du coût de l'intervention estimé à des dizaines de millions de dollars par jour. Avec des dépenses si folles, et une situation de plus en plus confuse et complexe en terres syrienne et irakienne, on voit vraiment mal comment les Américains se hasarderaient à ouvrir un troisième front en Libye où ils ne seront pas, cela s'entend, conviés à une promenade de santé. Le malheur des uns fait le bonheur des autres... Reste à dire que le dernier raid US à Sebrata a fait des malheureux et des heureux. En effet, s'il a torpillé l'une des bases les plus solides de Daech en Libye et tué des lieutenants d'Aboubakr Al-Baghdadi, il a, sans doute, fait la joie d'Al-Qaïda dont on connaît la haine viscérale qu'il voue à l'EI. Une haine alimentée par une rivalité sordide qui a dépassé les frontières libyennes pour toucher les autres contrées du monde où est implantée l'internationale intégriste.