Vingt et un Egyptiens de confession copte ont été égorgés par le groupe terroriste Daech en Libye. Ce n'est que l'épisode le plus récent d'une série d'horreurs perpétrées par le groupe terroriste : meurtre d'un pilote jordanien, décapitation de journalistes occidentaux… Pourtant, la réponse internationale tarde à arriver et celle des pays du voisinage libyen et irakien encore plus. Après le meurtre horrible commis par Daech, les condamnations et les communiqués pleuvaient. En ce qui concerne la Tunisie, la présidence de la République a rendu public un communiqué pour condamner l'acte terroriste. Le ministère des Affaires étrangères a également publié un communiqué pour dénoncer « l'horrible crime terroriste » perpétré en Libye.
Outre les communiqués, la Tunisie a procédé à des mesures militaires. En effet, le lieutenant-colonel Belhassen Oueslati, porte-parole officiel du ministère de la Défense, a annoncé un déploiement militaire le long des frontières terrestres et maritimes séparant la Tunisie et la Libye. Les unités militaires seront renforcées par des unités des Douanes et de la Garde nationale pour prévenir toute infiltration d'armes ou de terroristes sur le territoire tunisien.
La réponse égyptienne à cet acte terroriste a été plus conséquente. Des raids aériens ont été menés à l'aube par l'armée de l'air égyptienne. Certaines positions de l'Etat islamique en Libye ont été bombardées. Cette réponse rappelle celle de la Jordanie suite au meurtre de son pilote. En effet, des raids aériens avaient été menés en territoire irakien en guise de représailles.
Evidemment, ces réponses tiennent plus de la réaction à chaud que d'une planification minutieuse dont l'objectif serait l'éradication du groupe terroriste Daech. Pourtant, la naissance de cette organisation en Irak et sa présence en territoire libyen sont relativement récentes. Toutefois, aucune action concertée entre les pays directement touchés par le groupe Daech n'a vu le jour. Aujourd'hui, ces terroristes sont aux portes de la Tunisie et les pays voisins de Daech n'ont pas encore mis en place de stratégie permettant de mettre fin au phénomène.
D'un autre côté, l'Etat islamique a profité du bourbier libyen pour s'implanter en Afrique du nord. Un pays divisé où la violence règne. Un pays ravagé où deux gouvernements se disputent la légitimité du pouvoir. Même les réactions aux frappes aériennes égyptiennes étaient radicalement opposées. Un gouvernement a salué les raids égyptiens et l'autre a condamné ce qui a été décrit comme une agression contre la souveraineté du territoire libyen.
Les pays du voisinage libyen, même avant l'avènement de Daech dans ce pays, ont toujours été incapables de conjuguer leurs efforts pour juguler le danger terroriste venant de Libye. La Tunisie et l'Egypte ont dû traverser des périodes d'instabilité politique rendant quasi impossible toute concertation ou projet d'intervention diplomatique dans la situation libyenne. L'Algérie, le Niger, le Tchad et le Niger ne peuvent se concerter autour d'une stratégie sans l'appui égyptien, en premier lieu, et tunisien dans un second temps.
Parallèlement, une telle stratégie ne peut se concevoir sans prendre en considération la portée des intérêts qui s'entrechoquent dans la région. La couverture de la chaine Al Jazeera des frappes aériennes égyptiennes en dit long sur la position qatarie dans la région. La chaine a diffusé une photo d'enfants morts en prétendant qu'il s'agit de victimes tombées lors des raids aériens égyptiens. Il s'agissait en fait d'une photo d'enfants marocains décédés à l'hôpital de Casablanca.
L'équation libyenne comprend plusieurs facteurs qui doivent être pris en considération si l'on veut mettre en place une stratégie pour confronter l'inquiétante progression de Daech. Lorsqu'il était chef du gouvernement, Mehdi Jomâa avait explicité une esquisse de stratégie reposant sur trois axes. Il y a trois flux qui doivent être asséchés si l'on veut mettre un terme au terrorisme et à Daech par la même occasion. L'assèchement du flux financier qui implique la surveillance des comptes suspects et par la même, l'identification des sources de financement du terrorisme. Le deuxième flux est celui humain. L'objectif est de contrecarrer les recrutements et l'embrigadement des jeunes pour les faire adhérer aux réseaux terroristes. Cet axe comprend le contrôle des mosquées ainsi que la lutte contre la pauvreté et la précarité qui fournissent, le plus souvent, un champ de recrutement favorable aux terroristes. Le troisième axe de cette stratégie consiste à mettre fin au flux logistique qui abreuve les réseaux terroristes. Tout ce qui concerne les armes, les explosifs et les munitions que les réseaux terroristes utilisent pour leur expansion territoriale ainsi que dans leur combat contre les forces de l'ordre de différents pays.
Depuis près d'une dizaine d'années, la lutte contre le terrorisme se cantonnait à l'identification de cellules dormantes ou de personnes à risque installées dans plusieurs villes. A ce moment là, les experts expliquaient que la difficulté de ce combat résidait dans le fait que l'ennemi était invisible. En général, il s'agissait de personnes parfaitement intégrées qui décident un jour de passer à l'action. Ce schéma a été observé lors des attentats du 11-Septembre 2001, les attentats de Madrid et en d'autres occasions.
Aujourd'hui, en ce qui concerne Daech, la zone géographique est, relativement, clairement définie. C'est d'ailleurs pour cela que la Jordanie et l'Egypte ont procédé à des frappes aériennes en guise de réaction à l'assassinat de certains des leurs. Cette délimitation géographie devrait être un facteur facilitateur dans l'optique d'une lutte armée contre Daech. La composante militaire doit s'inscrire dans une stratégie à plusieurs axes fixée par tous les intervenants dans le bourbier libyen.