Par Larbi DEROUICHE La liberté de la presse est la pierre angulaire et la condition sine qua non de toute démocratie. Et personne ne saurait nier que notre sainte révolution nous a permis de gagner, haut la main, le pari de la liberté de nous exprimer. D'ailleurs, on est unanime à penser que, finalement, cette liberté est le seul acquis concret et tangible, nous ayant mis sur les rails d'un processus estimé irréversible. Ceci, malgré les forces occultes cherchant à tirer la formidable machine vers l'arrière, par nostalgie de temps révolus de la désinformation si propices à la rumeur publique extravagante et aux fantaisies de radio trottoir... Et aussi par crainte de la vérité qui risque de les dénuder et mettre à nu leur négligence, leur «déficit» de savoir-faire et leur insuccès dans la gestion de la chose publique. Ces forces qui tirent vers l'arrière sont justement celles qui croient bien faire, en dressant, au besoin, leurs solides barrières devant l'accès à l'information, au mépris des termes de l'article 32 de notre remarquable Constitution. Cette clause fondamentale étant consolidée par le projet de loi déposé sur le bureau du maître du micro et du marteau, au Bardo, depuis le 6 août dernier, avec mention urgence signalée. Ce projet, qui a toutes les chances de recueillir l'unanimité des voix, réglemente l'accès aux dossiers administratifs et aux données officielles, aussi bien pour le maître de la plume et du micro que pour le citoyen lambda. En attendant que le nouvel ordre de priorités accorde à ce texte le droit de passage au vote de l'Assemblée, disons que le frein opposé à la circulation de l'information administrative devient de plus en plus inquiétant et risque de menacer la liberté d'expression dans nos murs, au cas où l'on ne songerait pas à y mettre le holà ! Malgré la généralisation des bureaux de communication, bien «chapeautés» par une élite d'hommes de presse, dans nos administrations et organismes publics, le journaliste trouve encore et plus que jamais des difficultés inouïes pour instruire ses dossiers à temps et comme il se doit. La rengaine de «écrivez au ministre, au PDG, etc.» refait surface. Ecrire, puis attendre la bonne réponse qui ne pointe à l'horizon que lorsque la médiatisation du dossier sert la cause de l'institution et, surtout, le maître de la maison. Sinon, l'homme de presse n'a droit qu'à des bribes d'informations, incolores, inodores et passant parfois à côté de la plaque. Ceci, au cas où l'on n'accorderait pas implicitement une fin de non-recevoir à ses démarches à travers un long silence. Et comme le journaliste est à présent à court de voies de recours et ne cherche pas la bruyante polémique médiatique, mais ne cherche pas plus qu'à travailler et à noircir son papier blanc, il passe au dossier suivant, comptant sur des «maîtres de vannes», plus «éléments». Au grand bonheur de super-chefs récalcitrants, qui crient alors victoire de la désinformation, les mettant à l'abri de la critique et du mauvais jugement. Le hic, c'est qu'au cas où le journaliste compterait sur ses moyens propres et sur des sources parallèles et informelles, ces maîtres des sources officielles crient, du coup, au scandale et décrient l'inaxactitude des données médiatisées ! Que faire alors ? Compter sur notre patience, cette difficile et rare vertu ? Oui, hélas, tout à fait. En attendant des lendemains où la fameuse loi projetée sera votée, pour couper les ailes des maîtres du cache-cache malintentionnés et donner, en revanche, des ailes aux maîtres du micro et du papier.