Par Abdelhamid Gmati Cacophonie, informations contradictoires, rumeurs, à la suite du raid américain sur Sabratha, en Libye. A mentionner, d'abord, que ce bombardement répond à tous ceux qui accusaient les médias tunisiens d'avoir exagéré la menace d'une intervention internationale, notamment américaine, en Libye. L'annonce du raid faisait mention d'une habitation visée. Puis on parla d'un camp d'entraînement de terroristes. La défense américaine nous apprit que ce raid visait des terroristes soupçonnés de préparer des attentas contre des intérêts occidentaux, notamment américains. Le lendemain, la même source spécifiait qu'il s'agissait d'empêcher des attentats contre la Tunisie. On aura compris que cette dernière déclaration avait pour but d'amener les Tunisiens à soutenir les prochaines interventions américaines visant 118 sites occupés par Daech. Les sources libyennes ont parlé de 40 victimes et 6 blessés, dont une majorité de Tunisiens, deux Serbes et un Jordanien de confession catholique. Le nombre des victimes a augmenté à 50, « tous Tunisiens » avec deux diplomates serbes tenus en otages par les terroristes. Sur nos plateaux de télévision, on s'en est donné à cœur joie avec cette aubaine. Les « spécialistes » ont défilé, les uns prédisant le pire à venir estimant que l'intervention militaire américaine était « inéluctable », d'autres affirmant, au contraire, que rien ne se fera et que le raid américain visait à forcer la main aux Libyens pour qu'ils s'entendent sur un gouvernement d'union nationale. Les animateurs de ces talk shows, se lançant dans le populisme, s'inquiétaient des victimes tunisiennes et reprochaient au gouvernement tunisien de n'avoir pas dépêché un émissaire pour enquêter sur place. Le comble de l'inconscience et de la manipulation. Un émissaire tunisien a-t-il le droit d'enquêter dans un territoire étranger ? Encore faut-il y être invité. Et on apprend que le juge d'instruction du pôle judiciaire chargé des affaires de terrorisme a ouvert une enquête judiciaire sur le raid de Sabratha, tout en précisant que les autorités tunisiennes n'ont toujours pas reçu les corps des présumés terroristes tunisiens tués, ni pris contact avec les blessés. Or la région où a eu le raid est contrôlée par des groupes islamistes avec lesquels la Tunisie n'a aucun lien. De plus, et le président de la République l'a rappelé au cours de son séjour en Suisse : « La Tunisie négocie avec les Etats et non avec les voleurs ». Encore moins avec les groupes non reconnus. Et mardi dernier, des affrontements entre le conseil militaire de la ville de Sabratha et le service sécuritaire soutenant les milices de Fajr Libya et les membres de Daech. Le bilan des affrontements est de 4 morts dans les rangs des combattants du conseil militaire pour le moment, a indiqué le maire de Sabratha. Tout le monde sait que la Libye est déchirée par plusieurs groupes qui s'affrontent et contrôlent plusieurs régions. Et jusqu'ici le pays n'a pas de gouvernement avec lequel on peut négocier. Déjà, on piétine pour connaître le sort des deux journalistes, Nadhir Guetari et de Sofiène Chourabi, disparus en Libye depuis plus d'une année. Le ministre des Affaires étrangères l'a encore précisé mardi dernier : « Les informations sur l'affaire des deux journalistes sont très rares. Cela est dû à la situation en Libye et au fait que la Tunisie se retrouve à traiter avec plusieurs vis-à-vis sur place. L'affaire est complexe et n'engage pas uniquement le ministère des Affaires étrangères. Tous les efforts sont déployés pour récolter toutes les informations possibles sur les otages tunisiens en Libye ». Comment, dans cette situation, peut-on parler d'enquête ? Est-ce pour apaiser les tensions et les angoisses des familles ? Donner des espoirs, lorsqu'on sait que la solution n'est pas évidente, n'est pas la meilleure solution. Cela nous renvoie aux multiples enquêtes entreprises et annoncées en grandes pompes et qui jusqu'ici n'ont abouti à aucun résultat public. On rappellera celles concernant la chevrotine à Siliana, l'attaque contre l'ambassade américaine à Tunis, l'attaque contre le siège de l'Ugtt, les assassinats de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi...Ces enquêtes ont-elles été stériles ? D'aucuns estiment que des embûches de toutes sortes les ont empêchées d'aboutir. Mais d'autres affirment que les résultats souffrent de l'omerta qui couvre plusieurs dossiers. Résultat : les enquêtes en Tunisie semblent être stériles.