Face à une situation économique précaire, la Tunisie est appelée à trouver des solutions structurelles en vue d'améliorer le rendement de l'économie nationale, générer de nouveaux postes d'emploi et attirer plus d'investissements de qualité Des réformes doivent être opérées au niveau de l'économie et de l'administration pour atteindre un taux de croissance de 5%, voire plus. Un tel objectif ne peut être atteint que par l'augmentation de l'investissement, l'amélioration de la productivité et le développement dans les régions intérieures. Les perspectives de l'économie tunisienne ont été examinées lors du Forum du futur placé sous le thème «Des choix fondamentaux économiques et sociaux en vue de consolider la démocratie en Tunisie» organisé hier par l'Association tunisienne des économistes à Tunis. La manifestation a été organisée en présence de plusieurs représentants de la société civile et des partis politiques. M. Mustapha Kamel Nabli a donné un aperçu sur les résultats du modèle de développement appliqué par la Tunisie au cours des années qui ont précédé la révolution. Malgré quelques indicateurs positifs, certaines lacunes ont été constatées, notamment au niveau du développement régional. «La Tunisie n'a pas réussi à réaliser une croissance durable de 5% annuellement, estime-t-il. La situation s'est dégradée après la révolution pour reculer à 0% en 2015. Pour cela, la question du développement est devenue essentielle pour l'avenir du pays». Renforcement de la croissance La Tunisie a donc besoin de renforcer la croissance pour réussir d'autant plus que les potentialités sont disponibles. Toutefois, il est nécessaire d'engager 3% des réformes fondamentales au niveau de la gestion de l'économie et des affaires sociales. La Tunisie a connu des changements démographiques profonds qui vont avoir des impacts sur les perspectives du développement au cours de la prochaine période. Selon les estimations des Nations unies, la croissance démographique en Tunisie va diminuer pour atteindre moins de 0,3% sur la période 2035-2040. La croissance des personnes actives — à la recherche d'un emploi ou en exercice — a atteint son niveau le plus élevé au cours de la période 1991-1995, soit 2,9% par an, avant d'être ramené à 1,2% par an au cours des dernières années. «Les estimations montrent que la Tunisie passe actuellement par un changement important au niveau du marché de l'emploi à cause des facteurs démographiques», constate l'orateur. Selon un premier scénario établi, la croissance ne dépasserait pas les 3% par an au cas où la productivité serait au même niveau que celle d'avant 2011. Au cas où la productivité serait au même niveau que celui de la période 2011-2015, soit moins de 1%, la croissance ne dépasserait pas les 2%. La Tunisie est appelée à mettre en place une stratégie pour le développement économique afin d'éviter une faible croissance au cours de la période à venir. Augmenter la productivité M. Nabli propose l'augmentation du taux moyen de la productivité à plus de 2% par an. Le deuxième scénario recommande, d'ailleurs, l'augmentation du nombre des personnes actives en exploitant au mieux les capacités disponibles et en impliquant les femmes et les jeunes qui sont en dehors du circuit économique. En fait, la participation des femmes actives n'est que de 28%, ce qui constitue un taux faible en comparaison avec d'autres pays. L'objectif proposé est d'atteindre un taux de 40% à l'horizon 2040. Il serait possible ainsi d'ajouter près de 240 mille personnes actives supplémentaires, ce qui représente une croissance de 0,5% par an. L'orateur propose d'intégrer dans le monde du travail les catégories qui n'ont pas eu leur chance au cours de la période passée parmi les femmes et les jeunes. Aussi, des réformes devraient être menées dans les domaines de l'éducation, de l'enseignement supérieur et de la formation professionnelle. Il s'agit aussi d'améliorer la qualité des capitaux humains pour les intégrer davantage dans le marché de l'emploi. Pour ce qui est de l'augmentation de la productivité, M. Nabli estime nécessaire d'opter — en plus de la qualité du capital humain — pour la qualité et la quantité de l'investissement et l'accumulation des capitaux. Actuellement, en tout cas, la productivité demeure faible en comparaison avec les expériences réussies. L'investissement, un facteur décisif Le taux de l'investissement dans le PIB est considéré comme moyen puisqu'il a atteint au début des années 1990 le niveau de 26% avant de chuter à 22% sur la période 2006-2010. L'accumulation des capitaux est restée, quant à elle, faible puisqu'elle a atteint les 2,3% et 3% par an. Ces taux de l'investissement de l'accumulation des capitaux restent insuffisants pour consolider la productivité. Les expériences comparées relèvent que la réussite de la croissance économique nécessite un taux d'investissement de 36% voire plus. Le secteur privé est le moteur essentiel de l'investissement avec une contribution de 80% selon ces même expériences réussies. D'où la nécessité d'engager des réformes au niveau de l'investissement tout en augmentant le niveau de l'épargne et en développant les mécanismes du financement et du secteur financier d'une façon générale. La productivité globale devrait également être revue en soignant les différents facteurs qui ont des impacts sur son rendement. L'orateur a proposé la réforme des institutions de l'Etat et notamment l'administration et la consécration de la décentralisation, l'amélioration des relations professionnelles et du marché du travail, l'intégration dans l'économie mondiale, la réforme du commerce extérieur et du système de change sans négliger les réformes sectorielles dont le secteur de l'agriculture, de l'industrie, du tourisme et autre. Pour des solutions urgentes Lors du débat, les intervenants ont soulevé plusieurs questions, dont celle qui concerne le développement régional. En effet, selon un intervenant, «il est nécessaire d'identifier, aujourd'hui, des solutions urgentes pour les régions afin d'offrir des postes d'emploi aux jeunes qui manifestent leur protestation dans plusieurs gouvernorats de l'intérieur du pays». Parmi les propositions formulées, celle qui concerne les équilibres financiers de l'Etat qui se sont détériorés. L'objectif de l'Etat doit être axé aussi sur la diminution du déficit budgétaire qui a atteint un niveau inquiétant. L'un des intervenants a proposé de passer d'une économie de moyenne gamme à une économie plus compétitive, en faisant appel aux cadres diplômés de l'enseignement supérieur même si ceux-ci ont un coût plus élevé. L'autre proposition consiste à valoriser le travail dans les entreprises et l'administration, car depuis la révolution, l'amour du travail bien fait n'est plus une priorité des personnes actives. Les représentants des syndicats et du patronat doivent se mettre d'accord pour augmenter la productivité de l'entreprise et asseoir une paix sociale durable. Répondant aux questions, M. Nabli a indiqué que les solutions urgentes sont nécessaires, mais pas suffisantes. Il faut plutôt trouver des solutions structurelles pour l'économie nationale afin d'améliorer son rendement, favoriser l'investissement et les exportations. Des réformes devraient être engagées dans plusieurs secteurs pour atteindre les objectifs de croissance.