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Quel avenir pour l'économie tunisienne après la révolution?
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Publié dans La Presse de Tunisie le 01 - 06 - 2011

Quelles sont les causes économiques de la révolution? Quels sont les problèmes et défis économiques pendant la période de transition? Quels sont les défis économiques de l'après-révolution à moyen terme? C'est sur ces questions que proposait de se pencher la dix-neuvième rencontre concernant la révolution de la liberté et de la dignité, organisée par la Fondation Temimi pour la recherche scientifique et l'information le 28 mai à son siège à Tunis.
Edifiante et instructive à plus d'un titre aura été cette rencontre qui a réuni un parterre de politiciens, diplomates, juristes, hommes de médias et autres experts. L'ouverture a été faite par une brève présentation assurée par le Pr Abdeljelil Temimi et du thème de la rencontre et de l'invité de marque en la personne de M. Mustapha Kamel Nabli, gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), devant, d'abord, intervenir sur les conséquences et les défis de l'avenir économique de notre pays après la révolution et, ensuite, répondre aux interrogations de l'assistance.
L'intervention du gouverneur de l'Institut d'émission s'est donc articulée autour de trois axes principaux, à savoir les causes économiques de la révolution, les problèmes et défis économiques pendant la période de transition et les défis économiques à moyen terme de l'après-révolution.
S'agissant du premier axe, l'orateur a relevé qu'en s'appuyant sur des expériences internationales, on peut avancer trois types d'explications pour l'éclatement d'une révolution.
Les véritables causes de la révolte
Le premier faisceau de causes est de type économique à court terme. L'Occident a avancé la thèse de l'augmentation des prix des produits de base, de la cherté du coût de la vie et de la baisse du pouvoir d'achat, mais l'orateur récuse cette thèse soulignant qu'il n'y a pas eu durant les années 2009-2010 des hausses importantes de prix des matières essentielles. Deuxième cause invoquée, dans ce cadre, le chômage. Certes il y a des doutes concernant la véracité des statistiques en la matière, mais selon le gouverneur de la BCT, le taux de chômage en Tunisie a toujours oscillé durant les dernières vingt-cinq années entre 14 et 15%, peut-être il y a eu une progression de un ou deux points durant la dernière année, mais cela ne peut expliquer à lui seul le soulèvement. Troisième cause économique en rapport direct avec le chômage est la crise financière mondiale qui s'est déclarée à la mi-2007. Elle a eu certes des répercussions négatives sur la croissance économique de la Tunisie, mais comparées à nombre d'autres pays, il est à constater que lesdites répercussions ont été relativement limitées : «En Turquie ou au Mexique, il y a eu une récession économique, mais on n'a pas assisté pour autant à des révolutions populaires dans ces contrées».
Le deuxième faisceau de causes est de type économique à moyen et long termes. A ce titre l'orateur a évoqué le problème du chômage dont la structure ou la spécificité s'est radicalement métamorphosée. Tout au long des dix ou quinze dernières années, le chômage concerne désormais essentiellement les diplômés de l'enseignement supérieur. C'est une évolution de taille, surtout que l'augmentation de ce type est exponentielle, alors que le taux de croissance économique, lui par contre, n'a pas connu d'évolution majeure, ne dépassant jamais la barre des 5%, ce qui ne peut résorber cette demande d'emploi plus pointue.
Enfin le troisième faisceau de causes est de nature politique. Ce qui a trait au système politique en place, à la gouvernance, aux libertés, etc. A ce propos, l'orateur a signalé que les entorses aux droits de l'Homme, la montée de la dictature politique et de la répression, la diffusion de la corruption qui touchait tous les domaines de l'activité,… ces phénomènes ont connu une sensible évolution durant la dernière décennie.
L'enracinement des Technologies de l'information et de la communication (TIC) chez les jeunes et moins jeunes a également beaucoup joué pour organiser le militantisme politique. A ce titre, l'utilisation des réseaux sociaux (Facebook, Twitter) a grandement facilité la diffusion des injustices et des abus et a structuré la grogne populaire (organisation des manifestations,…).
Donc, à mon sens, c'est la résultante de ces trois types de causes qui a favorisé l'éclatement de la révolte populaire en Tunisie et à cette période précise.
Prenant l'exemple de la corruption dans le domaine bancaire et financier, le gouverneur de la BCT a relevé que l'évaluation des concours octroyés aux familles et clans proches du président déchu a permis de recenser à fin 2010 quelque 3.000 MD dans le cadre de ces crédits (dont une part a été d'une manière respectant l'orthodoxie financière et une autre obtenue par le biais de méthodes peu orthodoxes : intimidations, abus de pouvoir,...). Il a été en outre constaté que ces pratiques redoublaient d'une année à l'autre durant les dix dernières années. D'ailleurs, ce fléau a touché également de plein fouet la frange des jeunes diplômés de l'enseignement supérieur, puisque la corruption et les interventions sont devenues la règle pour l'obtention d'un emploi.
Cela est un des types de corrélation parmi tant d'autres qui ont concouru à l'éclatement de la révolte populaire du 14 janvier 2011 et l'histoire aura certainement son mot à dire pour déterminer avec exactitude les causes précises ayant conduit à ladite révolte.
Abordant le second axe de cette rencontre, à savoir les problèmes et défis économiques pendant la période de transition, M. Nabli a tenu à avancer d'abord quelques chiffres qui permettent de saisir et de situer l'état des lieux des différents secteurs économiques du pays, quatre mois et demi après la révolution.
La production notamment industrielle a subi une régression substantielle autour de 12% ou 13% durant les deux premiers mois de 2011. Durant cette période, on assisté à une chute du secteur touristique (-50%) — et la crise de cette activité dure toujours—, de celui du transport et des activités connexes et du commerce extérieur. La baisse des recettes a aggravé le déficit de la balance des paiements (notamment au niveau des opérations en capital — IDE, emprunts extérieurs— surtout compte tenu du règlement du service de la dette. Ainsi les réserves de change se sont-elles amenuisées de quelque 3.000 MD depuis fin décembre 2010 à ce jour, s'établissant à 10.332 MD au 20 mai 2011. Toutefois, les exportations manufacturières connaissent depuis le mois de mars une reprise prometteuse et meilleure que prévue. L'activité du marché financier s'est également dégradée‑:‑-18% environ depuis le début de l'année.
Bon comportement du système des paiements
En revanche, il y a un facteur important qui a continué de bien se comporter même au plus haut moment de la crise et dont la performance est quasiment passée inaperçue. Il s'agit du système des paiements qui, en dépit des perturbations et de l'instabilité sociale, a poursuivi sans discontinuité la fourniture de ses services d'une manière régulière et normale. Les distributeurs automatiques de billets étaient et sont toujours fonctionnels, les agences bancaires ont répondu et répondent aux besoins des usagers de banques en monnaie fiduciaire.
Autre point positif : dans de ce climat marqué par l'instabilité sociale, généralement les citoyens optent définitivement pour la monnaie sonnante et trébuchante et privilégient la thésaurisation. Or pour le cas de la Tunisie, il est heureux de constater que ce phénomène n'a duré que deux semaines en janvier dernier dans les premiers jours qui suivirent l'éclatement de la révolte; juste après les choses sont rapidement rentrées dans l'ordre. D'ailleurs l'activité bancaire n'a pas été affectée, loin de là, puisque on a assisté à la progression des concours à l'économie de plus de 5% (5,4% exactement) au terme du mois d'avril 2011.
En définitive, le gouverneur de la BCT conclut que cette étape transitoire a été difficile compte tenu des retombées de la récession sur l'investissement et l'emploi, tout en relevant que heureusement ce n'est pas tous les indicateurs qui sont dans le rouge. Outre le bon comportement des crédits bancaires et du système de paiement, M. Nabli a cité l'évolution des exportations manufacturières (mécaniques et électriques, agroalimentaires, textiles et habillement,…) ainsi que les promesses du secteur agricole.
Analysant les effets de cette morosité économique, l'orateur a avancé des facteurs visibles et d'autres pratiquement invisibles.
Le premier contingent de facteurs comprend —notamment durant les premiers jours qui ont suivi la révolte— le flottement sécuritaire, la détérioration des équipements de production de nombre d'entités économiques, les revendications sociales, la chute de l'activité (production, exportation, investissement, consommation) suite à l'anémie qui a frappé la demande intérieure. Et comme si cela ne suffisait pas, ajoutera le gouverneur de l'Institut d'émission, il y a eu la crise libyenne de par ses retombées directes aux plans commercial, de l'investissement, de l'emploi, de tourisme sanitaire et indirectes (le conflit à nos frontières est de nature à décourager les touristes et les investisseurs étrangers).
Causes occultes ou méconnues
Quant aux facteurs invisibles ou difficilement décelables, l'accent est mis sur les phénomènes d'amplification (notamment des mauvaises nouvelles), du peu de patience et de la rapidité de porter un jugement sur les faits et événements et surtout du manque de confiance, faute d'une vision claire de l'avenir, fruit du climat d'instabilité qui favorise la frilosité et l'attentisme tant des investisseurs que des consommateurs. Ces facteurs psychologiques ont contribué d'une manière rapide —durant les deux premiers mois de l'année en cours— à la morosité de l'activité économique.
Et toute la question est comment favoriser la reprise de l'activité?
Il est à constater dans ce cadre que la demande extérieure, mis à part la Libye, commence à retrouver un rythme plus conséquent, notamment celle émanant de l'Europe. Si la crise libyenne venait à être solutionnée, cela aura certainement un impact stimulateur sur le tourisme et l'IDE.
Mais comment regagner la confiance à l'intérieur du pays des investisseurs et des consommateurs, tel est le grand défi, selon le gouverneur de la BCT.
D'abord, la politique économique a un grand rôle à jouer. A ce titre, M. Nabli ne manquera pas de rappeler les portées du programme économique et social initié en avril dernier et qui a institué nombre d'incitations fiscales et de soutien aux entreprises, outre l'effort conséquent en matière d'emploi et d'investissement dans les régions défavorisées.
Ensuite, le volet politique a aussi un grand apport pour consolider la confiance, notamment pour ce qui est de l'exploitation des relations internationales pour raffermir le soutien international. D'ailleurs, dira encore le gouverneur de la BCT, la réunion du G8 a permis d'appuyer fortement l'expérience tunisienne tout en réitérant la confiance des pays les plus industrialisés dans le succès de la transition démocratique de notre pays.
Toujours dans ce registre politique, l'orateur n'a pas manqué également d'insister sur la corrélation étroite —dans les deux sens— prévalant entre l'évolution politique et la transition démocratique, d'une part, et le rétablissement du système économique, d'autre part.
Abordant la question des défis économiques post-révolution à moyen terme, le gouverneur de la BCT a tenu d'abord à rappeler que les qualificatifs vulgarisés durant la période passée tels «la Tunisie, le bon élève» ou «le miracle économique» étaient infondés. «On a été peut-être les meilleurs, mais parmi d'autres pays qui n'ont pas été brillants».
La Tunisie est restée confinée dans un taux de croissance économique qui n'a jamais excédé les 5% et avec un tel taux il est difficile d'atteindre un haut palier de développement économique et social et de résorber le chômage.
Structurellement parlant, l'économie tunisienne s'est certes quelque peu diversifiée, mais les réformes structurelles n'ont pas été suffisantes. La sophistication des productions industrielles et les innovations technologiques ont fait défaut.
S'interrogeant sur les causes qui n'ont pas permis d'atteindre des niveaux de croissance de 7% ou 8% ou plus, l'orateur a souligné le relativement faible niveau de l'investissement (25% du PIB et surtout l'investissement privé qui est resté sous la barre des 15%) ainsi que de celui de l'épargne nationale (aux alentours de 22%). La spécificité de l'investissement est aussi en cause avec un faible niveau d'innovation technologique.
Autre facteur relevé : «La Tunisie est entrée, depuis les années 1960, dans un système de contrôle qui a inhibé la libre initiative (carcans bureaucratiques et autres entraves), cela outre le fait qu'on n'a jamais connu un niveau continu de confiance dans l'avenir», notera l'orateur qui citera dans ce cadre l'expérience collectiviste des années 60, puis l'ouverture économique des années 70, la crise économique du milieu des années 80, la montée du népotisme et de la corruption durant les 15 dernières années, sans oublier les crises sociales de 1978, de 1984 ou de 2008 (bassin minier).
Et c'est connu, cette absence de confiance et ce manque de visibilité ne sont pas de nature à encourager tout investisseur.
Comment donc exploiter l'opportunité de cette révolte populaire pour rompre avec les erreurs du passé? Telle est la question qui s'impose. En réponse, M. Nabli a insisté sur la nécessité de lever toutes les entraves à l'initiative privée, surtout que la jeunesse, en étant le moteur de ce soulèvement populaire, a fait montre d'indéniables capacités et de créativité.
Il faut faire en sorte également à ce que la transition démocratique puisse inciter investisseurs et entrepreneurs à investir et à booster leurs activités. Pour cela, il y a lieu de favoriser la stabilité politico-sociale, garantir les libertés, l'indépendance et la justice de l'appareil judiciaire, l'éradication de la corruption, etc. Cela est de nature à restaurer la confiance dans l'avenir et stimuler l'entrepreneuriat, l'investissement et la créativité.
Cette nouvelle ère ouvre de nouveaux horizons pour sortir de la spirale des faibles taux de croissance économique. Pour ce faire, il est vital d'instituer un nouveau modèle de croissance basé sur l'innovation et qui devrait engendrer une transformation structurelle du tissu productif tunisien, vers une sophistication appuyée, ce qui devrait contribuer à accroître l'intégration au commerce mondial, l'internationalisation des entreprises tunisiennes, l'amélioration tangible du couple productivité - compétitivité, tout en boostant, au final, la croissance économique qui, avec des taux conséquents, pourra ainsi absorber les flux des demandeurs d'emploi nouvelle génération.


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