Une nouvelle approche de développement se basant sur une répartition équitable des ressources financières et des fruits de la croissance entre les différentes régions sera mise en place par l'Etat après une consultation élargie avec toutes les parties prenantes, y compris les autorités régionales, les experts et le tissu associatif. Des comités régionaux regroupant les différentes composantes de la société ont été constitués pour définir les projets prioritaires des régions en privilégiant les projets privés à valeur ajoutée et à forte employabilité et en exploitant de façon optimale les richesses qui se trouvent dans chaque région. Lors de la conférence régionale sur le développement, les responsables de l'administration, les experts et les composantes de la société civile ont formulé leur appréciation au sujet des projets prioritaires de l'Etat. M. Hamadi Jebali, chef du gouvernement, a indiqué que le premier gouvernement légitime après la révolution s'attelle, dans une conjoncture exceptionnelle par laquelle passe le pays, à mettre en place une nouvelle feuille de route claire pour le développement des régions dans le cadre d'une stratégie répondant aux attentes et objectifs de la révolution. Et parmi ces attentes, l'orateur a cité une répartition équitable des richesses et un équilibre régional. «La Tunisie a besoin de nous tous aujourd'hui: représentants de l'opposition, experts et société civile, a-t-il indiqué. Il s'agit de conjuguer les efforts en vue de mobiliser toutes les énergies du pays et d'inaugurer une nouvelle étape d'édification de la Tunisie». Plusieurs défis doivent être relevés L'orateur a souligné l'impératif de préconiser des solutions urgentes pour satisfaire les demandes de la population et notamment des jeunes de l'intérieur de la République dont la patience a atteint ses limites. Ces solutions doivent réduire, en premier lieu, le chômage et de baisser le taux de la pauvreté dont les proportions sont plus élevées que ce que les autorités de l'ancien régime déchu essayaient de faire croire. D'où la nécessité « de mettre en place des programmes précis et efficaces pour réduire le chômage, notamment parmi les jeunes diplômés de l'enseignement supérieur», promet M. Jebali. Et de prévenir que «les activités économiques ont connu un recul avec un taux de croissance négatif de -1,85% à la fin de l'année écoulée». A l'origine de cette dégradation de la situation, un mouvement de revendication légitime mais qui s'est élargi. Le chef du gouvernement a indiqué que plusieurs défis doivent être relevés au cours de la prochaine période, à commencer par la réalisation d'un taux de croissance le plus élevé possible et d'assurer sa pérennité. Il s'agit aussi de diminuer les disparités entre les régions en luttant efficacement contre la pauvreté et le chômage. «Toutes les parties sont invitées à participer au débat dans le domaine du développement», souligne l'orateur avant de formuler quelques idées. L'objectif étant de passer à un schéma de développement qui a montré ses limites et son incapacité de répondre aux aspirations du peuple à un schéma de développement efficace capable de satisfaire un certain nombre de besoins et principalement la lutte contre le chômage. «Il faut passer d'une économie de sous-traitance à un meilleur positionnement dans les réseaux de production, estime M. Jebali. C'est une condition pour améliorer le taux de croissance et le niveau de revenu. La Tunisie dispose des compétences de haut niveau en mesure de prendre en charge les activités innovantes et à haute valeur ajoutée». Le gouvernement compte, par ailleurs, mobiliser les moyens nécessaires en vue d'augmenter la productivité, de développer l'investissement privé, d'améliorer le climat des affaires et d'éliminer les handicaps qui freinent l'initiative privée qui sera libéralisée. Les régions intérieures, riches en ressources non encore exploitées de façon optimale, sont en mesure de devenir de vrais pôles de développement. Le gouvernement est soucieux d'assurer une répartition équitable des richesses et ressources financières. Dans le cadre de cette nouvelle approche participative, des comités régionaux de développement ont été constitués dont les travaux vont aboutir à une consultation nationale en vue de concevoir des projets. Les travaux feront l'objet d'un suivi minutieux dans le cadre du Conseil national du développement et du Conseil national du contrat social. Les recommandations de la conférence nationale seront également prises en considération. Développer la compétitivité de l'économie Le chef du gouvernement a plaidé pour l'institution d'un Etat démocratique, une économie développée et une société solidaire, ouverte et modérée. Mais il faut absolument rompre avec l'ancien schéma de développement pour instaurer un autre favorisant l'égalité dans la distribution des fruits de la croissance. De son côté, M. Jameleddine Gharbi, ministre du Développement régional et de la Planification, a rappelé la stratégie de son département qui se décline en quatre axes, à savoir établir l'équilibre régional, développer la compétitivité de l'économie, créer de nouveaux postes d'emploi et réduire le niveau de la pauvreté. La consultation régionale a été menée auprès des comités régionaux en vue de réfléchir sur les projets prioritaires. «Il s'agit de voir la manière de restructurer notre économie pour qu'elle soit compétitive», souligne le ministre. La distribution équitable des ressources entre les différentes régions et localités sera faite sur la base de critères précis. Cette approche participative permet à toutes les composantes de la société et des experts au niveau régional de donner leurs avis sur les projets prioritaires car elles sont les mieux placées pour connaître les besoins de leurs régions. D'où l'importance de cette conférence nationale qui devrait déboucher sur une feuille de route à exploiter dans la nouveau schéma de développement. Dans ce même ordre d'idées, M. Ferjani Doghmani, de la commission du plan et des finances à l'Assemblée nationale constituante, a rappelé que le développement a des dimensions sociales, culturelles et politiques. Selon l'orateur, 13 gouvernorats sont en détresse, ce qui nécessite l'élaboration d'un plan bien réfléchi sur la base d'une meilleure répartition des richesses en vue de créer une nouvelle dynamique de développement régional. M. Doghmani a donné un aperçu sur la situation dans certaines régions qui se caractérisent par une faiblesse de l'infrastructure et l'isolement de plusieurs délégations. Au niveau des ressources humaines, l'esprit d'initiative n'est pas de mise pour créer des projets à valeur ajoutée. En plus, la qualité de vie dans certaines villes et groupements urbains manque de services, ce qui n'incite pas les investisseurs à venir. Les obstacles naturels (absence de terres arables, érosion, disparition des terrains forestiers) rendent l'image encore plus sombre. «D'où la nécessité de fixer des objectifs selon une ségrégation positive, recommande l'orateur. Il faut allouer une part supérieure des investissements pour résorber le chômage». Une certaine visibilité pour investir La consolidation de l'infrastructure avec un meilleur accès des régions par route et par rail, la mise en place des équipements et des moyens de communication, l'implication des composantes de la société dans le cadre d'une approche participative, la dynamisation du travail de l'administration et l'encouragement de l'esprit d'entrepreneuriat constituent autant d'éléments qui peuvent changer l'image des régions. Mais des mesures urgentes doivent être prises sur la base d'un diagnostic de la situation des régions qui ont besoin de projets à valeur ajoutée et à forte employabilité. «Une vraie décentralisation devrait être installée au niveau régional en donnant plus de prérogatives aux conseils régionaux», estime l'orateur qui est favorable à la création de districts de développement regroupant trois à quatre gouvernorats. En outre, les moyens de financement doivent être activés pour fournir des microcrédits à conditions faciles et avec les incitations d'usage. Les administrations régionales et les offices sont appelés à avoir un rôle plus efficace, quitte à effectuer un audit à leur niveau pour atteindre les résultats escomptés. M. Hichem Elloumi de l'Utica estime nécessaire de minimiser le coût de la révolution et «c'est une responsabilité partagée pour débloquer la roue de l'économie». C'est que les investisseurs, tunisiens ou étrangers, ont besoin, selon lui, de sécurité, de paix sociale et d'une certaine visibilité pour investir. Et de proposer en urgence un débat autour d'une table entre l'Utica, l'Ugtt et l'Etat en vue de trouver une solution à ces sit-in et grèves. «Il faut aboutir à une certaine paix sociale», souhaite-t-il. D'autant plus que les entreprises souffrent d'un problème de financement et de liquidités et les banques sont réticentes. L'orateur a parlé aussi du commerce informel qui a été développé par le régime déchu et qui se maintient encore. Un débat national sur le secteur informel est également proposé par ce chef d'entreprise qui est favorable à «un appui conjoncturel» compte tenu de la crise de la zone euro. M. Robert Feige, de la Banque européenne d'investissement, a mis en exergue la situation que vivent certaines régions que le régime présentait sous une autre image plus reluisante. «Nous découvrons que la situation est moins bonne que nous le souhaitons», regrette-t-il. Les autorités tunisiennes ont demandé à cette institution d'élaborer une étude en vue de faire le diagnostic de la compétitivité économique en focalisant le travail sur la place de l'emploi. L'étude a déjà effectué le diagnostic et les propositions seront formulées ultérieurement. L'étude a concerné quatre volets, à savoir la compétitivité, l'environnement des affaires, l'emploi, le développement régional et la pauvreté. Le travail aboutira à une feuille de route qui fera l'objet d'un séminaire. Selon les résultats de l'étude, la croissance est considérée comme faible et la productivité a atteint un niveau inférieur comparée à des pays émergents comme l'Egypte, le Maroc et la Thaïlande. Le solde de la balance des paiements et le revenu sont en détérioration. Il s'est avéré aussi que les entreprises offshore sont plus compétitives que les entreprises travaillant pour le marché local.