A moins d'un report de dernière minute, la grève annoncée pour ce jeudi par les syndicats des forces de sécurité intérieure est certainement malvenue, au moment où le pays est en pleine guerre contre le terrorisme. Evitera-t-on l'escalade ? Escalade : le mot est lâché pour traduire une réalité, une triste réalité, à savoir que le bras de fer opposant les syndicats des forces de sécurité intérieure à leur tutelle ne semble pas faiblir. Au point de déboucher sur une énième grève annoncée pour aujourd'hui. Dans un pays en pleine guerre contre l'internationale intégriste et donc exposé à des menaces terroristes de plus en plus sérieuses, cela fait évidemment mal, très mal. C'est-à-dire qu'au lieu de redoubler d'effort et de vigilance et de resserrer davantage l'étau autour des jihadistes, on lâche fatalement prise, l'espace de 24 heures qui pourraient, le sait-on vraiment, s'avérer lourdes de conséquences ! Pourquoi en est-on arrivé là ? Qui a tort ? Qui a raison ? Refuse-t-on, quelque part, la désescalade ? Si oui, au nom de quelle (s) motivation (s) ? Toujours est-il que, dans tous les cas de figure, c'est tout un pays, tout un peuple qui devront en pâtir et en payer les frais, à l'heure où le vigoureux plan national de lutte contre le terrorisme exige une veille de tous les jours et une vigilance de tous les instants, tout en mettant en garde contre la moindre distraction. Aller en grève, c'est donc aller à l'encontre de ces recommandations que l'exceptionnelle conjoncture que traverse le pays a rendues vitales et obligatoirement applicables. Et pourtant, à bien y voir, nous estimons que la grève d'aujourd'hui aurait pu être évitée, les revendications des syndicats des forces de sécurité intérieure étant dans l'ensemble franchement légitimes. En effet, un agent de l'ordre qui fait les 12 heures (parfois plus) sur 24 à ses risques et périls, ne mérite-t-il pas d'être compris et mieux soutenu moralement ? Deux poids, deux mesures ? Quand le corps de la police et surtout celui de la Garde nationale perdent près de 200 agents sur le champ de bataille terroriste pour que vivent les Tunisiens, ces corps-là n'ont-ils pas droit à davantage de compréhension, c'est-à-dire à une meilleure motivation sur les plans financier et social ? Et quand on conclut, depuis le 10 novembre dernier, un accord entre les parties syndicales et le ministère pour désamorcer la crise, il est pour le moins bizarre de constater que des clauses de cet accord n'ont pas été, à ce jour, respectées. «Nous sommes en train de finaliser tout le contenu dudit accord», précise une source du ministère de l'Intérieur. Hélas, sans plus de détails. Mais, les protestataires du camp opposé ne l'entendent pas de cette oreille. Eux qui vont jusqu'à parler de la politique des deux poids, deux mesures. «Est-ce normal ?», interroge un agent de la Garde nationale, visiblement écœuré par «la persistance à priver les forces de sécurité intérieure des mêmes avantages matériels dont bénéficient les militaires». Cela va de la classification des grades à l'égalité des salaires, en passant par la prime relative au travail aux frontières. Cela n'empêche pas, professionnellement parlant, soldats et gardes nationaux de faire bon ménage à nos frontières avec la Libye et l'Algérie où ils s'acquittent des mêmes tâches, avec la même détermination et la même abnégation. Cela dit, les revendications ayant engendré la grève de ce jeudi ne s'arrêtent pas là. On réclame aussi l'adoption d'une loi sur l'indemnisation des agents victimes du terrorisme, l'amélioration des conditions de travail, le renforcement des équipements, l'attribution des primes de risque et de pénibilité, ainsi que la protection des forces de sécurité intérieure contre ce qu'elles appellent «les luttes d'intérêts politico-médiatiques». Reste à dire que si les sit-inneurs de ce jeudi ont «promis» de continuer à assurer leurs services, il est à espérer que cette grève ne sera que partiellement suivie, l'intérêt national et l'amour de la patrie devant impérieusement prévaloir.