Les agents de sécurité ont mis à exécution hier leur menace de donner de la voix et de l'ampleur à leurs mouvements de protestations sur l'ensemble du territoire, protestations entamées en janvier dernier contre ce qu'ils appellent le non-respect des engagements pris par les autorités de tutelle en faveur de leurs revendications sociales et professionnelles et leur marginalisation au vu et au su de l'ensemble des Tunisiens Comme promis, donc, et après deux reports, ils étaient nombreux, très nombreux hier matin, un millier environ, devant le siège du Palais du Gouvernement à La Kasbah, rassemblés en sit-in ouvert jusqu'à satisfaction de leurs revendications. Parmi ces dernières, la rupture avec le régime de 12h/12 et de 24h/24, et le traitement équitable en termes de prime de risque et de pénibilité avec leurs homologues de l'armée, les militaires. En réaction à l'indifférence de leurs supérieurs, les protestataires ont notamment décidé, outre le sit-in ouvert depuis hier, la non-sécurisation du transfert des matières explosives, des aéroports, des frontières, des audiences des tribunaux, des activités sportives et culturelles, les affaires de contraventions, les dossiers fiscaux, etc. Sauf, ont-ils souligné, les affaires en rapport avec la lutte contre le terrorisme et le crime organisé. Indifférence de la hiérarchie Le syndicat des forces de sécurité intérieure avait, en effet, annoncé dès janvier dernier des mesures d'escalade et reporté à deux reprises ses mouvements de protestation, après avoir rencontré le président de la République afin de solliciter son intermédiation, son arbitrage. Plus de deux mille agents de sécurité avaient manifesté le 25 janvier dernier devant le palais présidentiel de Carthage pour demander l'application d'accords signés entre leur syndicat et le gouvernement (accord du 31 août 2015). Mais rien n'y fit, semble-t-il. Et il est clair que la hiérarchie n'a pas répondu et que le bras de fer n'est pas prêt de se desserrer. Si bien que les agents de sécurité contestataires, venus hier de différentes régions, ont haussé le ton et brandi des slogans hostiles à certains de leurs supérieurs, qu'ils disent « figures du régime de Ben Ali». Nabil Ayari, secrétaire général du syndicat, a, d'ailleurs, vivement dénoncé l'indifférence du ministère de tutelle et menacé de « faire face au retour des forces de la dictature et aux nominations parachutées au sein du ministère de l'Intérieur ». Classe sociale défavorisée Cette agitation sociale des agents de sécurité, qui du point de vue de la légitimité sociale ressemble à d'autres protestations organisées par d'autres corps de métiers, n'a pas été, pourtant, accueillie avec la popularité souhaitée et a été très critiquée. Car pour le commun des citoyens, en cette conjoncture de grandes menaces terroristes, de recrudescence de la délinquance, de la contrebande, du crime organisé voire de la violence tout court, la présence des agents de sécurité ainsi que des militaires sur le terrain, partout et en tout temps, est primordiale, indiscutable, non négociable. Les agents de sécurité, quant à eux, ont des doléances, des besoins, des revendications qu'il faudrait dans tous les cas de figure examiner de près et surtout tenter de satisfaire. Autant que possible. D'abord, parce que la plupart des agents des forces de sécurité appartiennent à la classe sociale la plus défavorisée, tout comme les simples soldats. Puis, parce que le gouvernement actuel compte renforcer les rangs des forces armées en recrutant plus de 20 mille jeunes dans les rangs de l'armée et des forces de l'ordre. Il faut motiver ces jeunes et ne pas leur donner des raisons d'hésiter. Alors, pourquoi les autorités de tutelle refusent-elles de négocier encore et de trouver une véritable issue à la crise ? Les forces de sécurité sont un maillon important et incontournable dans le rétablissement de la paix et de la sécurité. Il faut les soutenir et les motiver. Par ailleurs, ce corps et celui des forces armées sont un symbole de la nation, de sa force et de sa souveraineté.