Des enfants qui ont abandonné très tôt l'école et qui se retrouvent dans un programme du ministère de la Femme, de l'Enfance et de la Famille qui les éclaire pour trouver un chemin autre que celui de la dérive. «J'ai arrêté l'école parce que mes parents n'avaient pas les moyens de m'acheter des livres et des cahiers. J'allais au cours avec plein d'entrain. Les enseignants et même le directeur ne supportaient plus que je vienne à l'école sans fournitures scolaires et ont fini par me renvoyer. J'ai vécu cela comme une injustice. Mon plus grand souhait est de reprendre l'école de nouveau. Je ne veux pas apprendre un métier, je veux étudier d'abord parce que les études vous apprennent des choses sur la vie», c'est le témoignage de Hédi, un garçon de 13 ans qui vient de la région de Gafsa. Comme lui, 60 autres enfants, venant de régions mal loties de Tunisie et ayant quitté l'école prématurément, ont séjourné au centre de loisirs et de vacances pour enfants à Hammamet. La plupart d'entre eux n'ont jamais vu la mer et n'ont jamais vu un centre de loisirs et des gens qui leur parlent de leur avenir. Un séjour qui s'inscrit dans le programme national pour l'encadrement psychologique des enfants pour les protéger de la violence et de l'extrémisme, programme initié par le ministère de la Femme et de la Famille. Ce volet du programme concerne précisément les enfants qui ont quitté très tôt l'école et qui se retrouvent livrés à toutes sortes de dérives vu qu'ils sont issus de milieux très défavorisés et de régions frontalières très difficiles. La journée du vendredi a été dédiée au bilan de ces 5 jours, chaque fois offerts à une cinquantaine d'enfants, voire plus, ramenés des quatre coins de Tunisie et encadrés par des spécialistes dans des ateliers de communication, de création, et de développement personnel. Lors de cette journée-bilan, la ministre de la Femme, de l'Enfance et de la Famille était présente pour visiter ces différents ateliers et écouter ces témoignages forts des enfants. «Notre objectif est que chaque enfant qui a quitté l'école doit sortir avec un projet de vie, dit Mme la ministre Samira Merai. Deux options s'offrent à lui : reprendre le chemin de l'école et là, en collaboration avec le ministère de l'Education, nous allons réintégrer les enfants qui le désirent à l'école. Les autres seront orientés vers la formation professionnelle mais avec un objectif très précis et un suivi particulier. Ces enfants doivent choisir eux-mêmes le métier qu'ils veulent faire car c'est très important pour garantir le succès de ce programme». Nous avons rendu visite à ces ateliers en relevant à quel point ces enfants, qui se sentent pour une fois considérés par des professionnels de l'animation et par des psychologues, adhérent à ce programme qui leur éclaire un peu le chemin. «Je suis venu ici parce que j'ai quitté l'école, dit Youssef qui vient de Sidi Bouzid, je ne savais que faire ! De plus, il y a beaucoup de tensions entre mes parents et moi. Au cours de ces ateliers on m'a appris à tracer un plan d'ici 2020 et à avancer petit à petit par objectifs : je dois d'abord apprendre un métier, ensuite, je dois avoir une bonne relation avec mes parents et mon entourage. Je dois avoir toujours de l'énergie positive et résoudre les problèmes sans violence». Des animateurs très motivés et qui semblent très engagés dans ce projet comme Amor Bannani, directeur du centre informatique pour l'enfant à Kasserine, qui dirige l'atelier du développement personnel et qui nous confie : «Ici, nous aidons les enfants à identifier leur situation et la regarder en face. Au début, ils trouvent un diagnostic très négatif : ils ont quitté l'école, ils sont face à un grand vide culturel qui les démotive et ils passent leurs journées dans des cafés. Cet atelier, qui porte le nom de ‘‘pas à pas je retrouve mon chemin'', leur apprend à déceler les points positifs qu'ils ont pour dépasser leur situation négative. On leur apprend ensuite à prendre la décision de changer leur vie en valorisant leur personnalité avec une vision progressive d'ici 2020. L'enfant se voit d'ici 2020 avec une très bonne situation». A travers les autres ateliers, nous découvrons des talents d'acteurs, de chanteurs, et plein d'autres qui ne demandent qu'à éclore. Presque tous regrettent d'avoir quitté l'école mais d'autres, au bout de ces ateliers, ont identifié un métier et comptent bien le faire. Un modèle de réussite a été présenté à ces enfants. Il s'agit du jeune Seif. C'est ce qu'on appelle un self made man qui a quitté l'école pour des raisons familiales et qui s'est engagé sur «le mauvais chemin» avant d'apprendre le métier de mécanicien et d'en faire une grande source de revenus. «Si j'ai un jour un enfant, je ferai tout pour qu'il ne quitte pas l'école, dit-il, moi, j'ai eu la chance d'avoir appris et pratiqué un métier que j'apprécie, c'est un métier que j'ai appris à la force du biceps et qui me permet aujourd'hui de vivre dans la dignité. Je suis là pour partager mon expérience avec ces enfants qui viennent de toute la Tunisie et qui se cherchent encore». Des enfants qui se cherchent encore, des enfants dont le témoignage est souvent très poignant, des enfants qui ne demandent qu'à être aidés pour trouver un chemin et vivre sans être à la charge de personne.