Le phénomène du fanatisme est plus large que l'islamisme, sauf que ce dernier est l'abcès du moment. «Comment devient-on fanatique?» Une question urgente et brûlante à laquelle le psychanaliste français d'origine tunisienne Gérard Haddad se propose de répondre dans son dernier ouvrage. «Dans la main droite de Dieu», sous-titré «psychanalyse du fanatisme», est un essai de 124 pages que l'auteur a présenté vendredi dernier à la Bibliothèque nationale. Annoncé par Hatem Bouriel, Gérard Haddad prend la parole afin d'expliciter le contenu de son livre, appelé à se développer, apprend-il d'emblée à l'audience. «Une version plus longue et plus approfondie est en préparation, et le livre va bientôt être traduit en arabe à Beyrouth», affirme l'auteur. Lessing écrivait dans l'un de ses récits: «Dieu s'adressa à un rabbin et lui proposa : dans ma main droite j'ai la vérité absolue ; dans ma main gauche, j'ai l'instinct de la vérité. Choisis, s'il te plaît. Et le rabbin répondit : Oh Dieu, la vérité absolue est ta propriété, à moi, accorde-moi l'instinct de la vérité». C'est de là que vient le titre du livre de Gérard Haddad qui déduit que le fanatique a choisi la main droite et vit dans le confort de la certitude. Le psychanaliste distingue quatre formes de fanatismes: le nationalisme, le racisme, le fanatisme idéologique et enfin le fanatisme religieux. Ce dernier est, selon l'auteur, étranger aux religions du Livre, monothéistes, car elles sont dans leur origine basées sur la tolérance. C'est quand on veut que notre religion soit «La religion» qu'il y a fanatisme, définit Gérard Haddad. «Le rêve de la tabula rasa est un rêve malade car le passé est important», décrit-il. Quant aux causes du fanatisme, elles sont dues à la mélancolie qui frappe les peuples et à la misère économique et sociale. Les personnalités les plus sujettes au fanatisme sont, selon l'analyse de «Dans la main droite de Dieu», celles de groupes d'individus malades de leur narcissisme. «C'est une humiliation qui touche des groupes culturels donnés dans les fondements de leurs cultures qui mène au fanatisme», avance l'auteur. Selon l'analyse du psychanalyste, le fanatisme est donc une pathologie de groupe. Parmi les exemples qu'il évoque, celui du peuple allemand dont la défaite au bout de la Première Guerre mondiale a engendré l'avènement de l'idéologie nazie (1933-1945) ou celui de Kasserine où les femmes travaillent alors que les hommes ne travaillent pas. Ces derniers porteraient le poids de l'humiliation provoquée par la collectivisation forcée instaurée en 1962 par le ministre de l'Economie de l'époque, Ahmed Ben Salah, où ils sont passés de propriétaires terriens à de simples ouvriers. Par ces exemples, il illustre le fait que le phénomène du fanatisme est plus large que l'islamisme, sauf que ce dernier est l'abcès du moment, comme le qualifie Gérard Haddad. L'auteur de «Dans la main droite de Dieu» a une approche et une réponse personnelles au fanatisme. L'homme, croyant qu'il est, se bat contre ce phénomène car il ne laisse aucune place au doute. Pour Gérard Haddad, le fanatique se trompe dans son obsession du sens alors que la vie est un non-sens. «Allah ne fait pas des lendemains qui chantent. Il a fait un monde avec ses lois et nous a laissés nous débrouiller avec», pense-t-il. On ne peut donc pas aspirer à une vérité absolue. Dans ce sens, son essai a vu le jour pour mieux comprendre et combattre le fanatisme. Toutefois, le psychanalyste qualifie ce combat de perdu d'avance, car, dit-il, «le fanatisme est une maladie chronique de l'humanité, qui flambe à certains moments de l'Histoire».