Avec plus de 150 marchés aux bestiaux nécessitant une mise à niveau immédiate et environ 150 abattoirs non agréés qui ne font pas souvent l'objet d'une supervision sanitaire et vétérinaire, la filière des viandes rouges est mise à mal par des difficultés chroniques. Il est plus qu'urgent de démarrer les réformes. A en croire les chiffres officiels, les Tunisiens ne sont pas de grands consommateurs de viande rouge. En 2015, la consommation moyenne annuelle était estimée à 11 kilos par habitant contre une moyenne de 68 kilos par personne dans les pays développés. Ce n'est pas que les Tunisiens ne sont pas férus de viande rouge, mais cette denrée alimentaire est très chère et hors de portée des bourses moyennes. La régression du pouvoir d'achat du citoyen lambda est, en effet, la première difficulté à laquelle est confrontée la production des viandes rouges. Bien qu'il s'agisse d'un secteur important, compte tenu de sa contribution à la production agricole, la filière est embourbée dans des difficultés structurelles qui nécessitent une réforme de fond en comble du système de gouvernance. Photographie de la filière La filière des viandes rouges contribue à hauteur de 14% à la production agricole. Près de 80% de la production de viande sont assurés par de petits et moyens agriculteurs qui représentent 90% du nombre total des éleveurs. La quantité de viandes rouges, produite en 2021, a atteint 124.000 t, couvrant 98% des besoins de la consommation nationale. Suite au déclenchement de la crise sanitaire qui a causé une baisse drastique de l'activité touristique, et par ricochet de la demande dans le secteur du tourisme, les autorités ont décidé de suspendre l'importation des veaux d'engraissement, et ce, dans le cadre de la rationalisation des importations. Le cheptel bovin continue sa baisse pour s'établir à 409.000 têtes, alors que les cheptels caprin et ovin suivent une tendance haussière. En 2020, ils comptaient respectivement 793.000 et 4,49 millions de têtes. La commercialisation des viandes rouges passe par deux principales étapes, à savoir les marchés aux bestiaux qui sont au nombre de 150 et les abattoirs. Une nécessaire mise à niveau des abattoirs Depuis des années, le secteur traîne des difficultés et des problèmes qui ne cessent de s'aggraver. Premier écueil, les abattoirs. Non agréés ou approuvés par les autorités compétentes, ils sont tous gérés par les municipalités. Le contrôle sanitaire et l'inspection vétérinaire en abattoirs font très souvent défaut. Un plan de mise à niveau de ces établissements a été élaboré, mais n'a pas été à ce jour mis en œuvre. "Le plan directeur de mise à niveau des abattoirs n'a pas été appliqué", a affirmé Kamel Rejaïbi, directeur général du Groupement interprofessionnel des viandes rouges et du lait (Givlait), dans son intervention lors du webinaire «Les défis des filières lait et viandes rouges», qui a été organisé, récemment, par l'Iace en partenariat avec l'Utap. Selon Rejaïbi, le secteur nécessite des réformes structurelles qui doivent être pensées dans le cadre d'un pacte de partenariat entre les parties prenantes à l'image de celui qui a été conclu entre les secteurs public et privé pour redresser la filière laitière. La société Ellouhoum peut jouer un rôle prépondérant dans l'amélioration de la filière L'interlocuteur a souligné que les réformes en question doivent s'attaquer aux problèmes de la cherté du coût de l'engraissement et de l'alimentation du bétail, la mise à niveau des 150 abattoirs non agréés, mais aussi à la problématique de la restructuration des marchés aux bestiaux qui ne sont pas au beau fixe. Selon Tarek Ben Jazia, président-directeur général de la société Ellouhoum, la filière est minée par des failles qui touchent chaque maillon de la chaîne. Il estime que la société Ellouhoum peut jouer un rôle prépondérant dans la régulation du marché et dans la mise à niveau et le développement de la filière. Le coût élevé de l'abattage réglementaire a poussé les commerçants à pratiquer l'abattage anarchique, souvent en l'absence de supervision vétérinaire, a-t-il précisé. Pour le responsable, un effort d'information doit être, également, réalisé pour que l'éleveur soit constamment informé de l'évolution du marché et pour qu'il puisse gérer son cheptel en conséquence. Slaheddine Ferchiou, président de la Chambre nationale des importateurs et commerçants en gros de viandes, souligne qu'il est nécessaire de réformer de fond en comble la filière. "On ne peut pas laisser la gestion des abattoirs aux mains des municipalités sans aucun contrôle ou suivi", renchérit-il. Il ajoute que les filières lait et viandes sont des secteurs étroitement liés, l'une affectant l'autre, elles sont de plus en plus fragiles et subissent les conséquences des incohérences de leurs systèmes de gouvernance. Pour Ferchiou, la libéralisation et la privatisation de la filière sont une nécessité absolue.