La crise a trop duré, certains sont pour, d'autres contre. La suspension de diffusion et la fermeture de ces chaînes mettent à mal tout le paysage médiatique tunisien, dans la mesure où, d'une part, le citoyen a le droit constitutionnel à l'information et toute fermeture d'un média pourrait contrecarrer ce principe et, d'autre part, on ne pouvait laisser ces médias diffuser dans l'illégalité et échapper à l'application de la loi. Cela fait plusieurs années qu'on entend parler du dilemme des médias illégaux. Faisant l'objet de tiraillements politiques et causant une source de tension dans le paysage médiatique, le bras de fer engagé entre ces médias illégaux et la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (Haica) a fini par la fermeture et la suspension de diffusion de ces organes de presse. La crise a trop duré, certains sont pour, d'autres contre, la suspension de diffusion et la fermeture de ces chaînes met à mal tout le paysage médiatique tunisien, dans la mesure où, d'une part, le citoyen a le droit constitutionnel à l'information et toute fermeture d'un média pourrait contrecarrer ce principe et, d'autre part, on ne pouvait laisser ces médias diffuser dans l'illégalité et échapper à l'application de la loi. Y-a-t-il donc une autre solution ? Si ces médias ont, avant le 25 juillet, jouit d'une couverture politique empêchant l'application des décisions de l'autorité de régulation, désormais ils sont, seuls et sans appui, face à la Haica qui a promis d'appliquer la loi sans exception. En effet, il y a quelques jours, l'Instance a décidé de passer à l'action, les matériels et équipements de diffusion de la chaîne de télévision tunisienne Nessma et de la radio Al Quran- Al Karim ont été saisis, en recourant aux forces de l'ordre pour procéder à la fermeture et à l'arrêt de diffusion des deux médias. Pour la Haica, cette saisie intervient en application d'une décision, prise le 11 octobre courant, relative à la saisie des équipements de diffusion de ces deux chaînes, qualifiées d'« illégales », transmettant leurs programmes sans licence de diffusion. Justifiant sa position, la Haica a rappelé avoir infligé des sanctions financières et envoyé plusieurs avertissements aux chaînes concernées pour cesser de diffuser en attendant la régularisation de leur situation. Sauf que ces médias ont fait fi de ces appels et avertissements et ont poursuivi leur diffusion sans tout arrangement de régularisation de situation. Le cas Nessma TV Malgré les appels lancés à travers de nombreuses correspondances et réunions, depuis 2014, Nessma refuse, toujours selon la Hacia, de régulariser sa situation. La société Nessma est invitée à changer de vocation (société anonyme (S.A) au lieu de société à responsabilité limitée (S.A.R.L), et à se plier aux normes d'exploitation de la matière publicitaire. Ces deux conditions étant requises par le cahier des charges en vigueur. Il est également question de voir la situation de Nabil Karoui et ses actions dans cette chaîne, étant un patron d'un parti politique, chose interdite selon les normes de la Haica qui s'oppose à toute exploitation politique et idéologique des médias. Car, en effet, Nabil Karoui, en tant que candidat à la présidentielle de 2019, n'a pas cessé de peaufiner son image, ainsi que celle de son parti pour séduire le plus grand nombre d'électorat, par des pratiques interdites par la loi. Sauf que la chaîne de télévision indique qu'elle diffuse dans « la transparence totale, conformément aux lois en vigueur », précisant que « ses sources de financement sont claires avec des documents authentifiés ». La chaîne de télévision privée ajoute qu'à l'instar de toutes les entreprises, elle fait régulièrement l'objet de missions de contrôle et d'audit effectuées par les services relevant du ministère des Finances. Nessma TV considère « qu'elle est en situation légale et que rien ne justifie légalement et logiquement qu'elle soit empêchée de continuer à diffuser ses programmes ». D'autre part, il y a le cas de la radio Al Quran-Al Karim qui avait persisté à diffuser « hors du cadre de la loi ». Considérée comme une radio pirate par la Haica, la station radio serait politiquement exploitée par son propriétaire, le député Saïed Jaziri qui, selon l'instance de régulation, a utilisé la radio pour diffuser un discours haineux et des incitations à la violence. Hannibal TV montre patte blanche ! Outre ces deux médias, la chaîne privée Hannibal TV est également appelée à régulariser sa situation. Le 29 octobre, soit deux jours après la fermeture de Nessma TV, Hannibal TV a suspendu, volontairement, la diffusion de ses programmes jusqu'à la régularisation de sa situation. Dans un communiqué rendu public, la chaîne de télévision s'engage à tenir et à honorer ses engagements envers la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (Haica), les structures professionnelles et l'opinion publique et à se plier au cahier des charges pour le lancement et l'exploitation d'une chaîne de télévision privée. « Hannibal TV s'engage, également, à régulariser sa situation dans des délais raisonnables » fixés par la Haica, lit-on dans un communiqué du Conseil d'administration de la chaîne. Certes, il est du ressort de la Haica d'appliquer la loi à tout média contrevenant. Elle est même habilitée, conformément au décret-loi 116, à fermer les médias illégaux pour protéger le public de tout contenu inapproprié ou exploité politiquement et idéologiquement. Sauf que la fermeture de ces médias pose vraiment problème à plusieurs niveaux et constitue une source de tension dans le paysage médiatique et notamment audiovisuel. Il n'en demeure pas moins que le sort de plusieurs journalistes, techniciens et employés soit mis en jeu. Existe-t-il une autre solution ? Comment peut-on, en effet, gérer ces médias hors-la-loi sans priver leurs publics de leur droit à l'information et aux contenus informationnels ? Faut-il revoir toute la philosophie de la régulation des médias audiovisuels privés ? Quoi qu'il en soit, ces médias auraient dû certainement se plier aux dispositions en vigueur et aux cahiers des charges fixés par l'instance de régulation. En même temps, la Haica, dont la légitimité pose également problème après la fin de son mandat, mais surtout la nouvelle instance de régulation qui devrait être mise en place, doit penser à une nouvelle gouvernance des médias audiovisuels privés en appliquant la loi sans pour autant priver les publics de leur droit constitutionnel à l'information. Ces médias pourraient, par exemple, se limiter à la diffusion de contenus bien précis et de quelques problèmes en s'engageant à la régularisation de leur situation conformément à un calendrier fixé par la Haica.