Par M'hamed JAIBI Le directeur d'Al Jazira prétend condamner le terrorisme et exprimer sa solidarité avec les Tunisiens victimes de l'attaque de Ben Guerdane, mais confirme une nouvelle fois, sous couvert de son «appui au printemps arabe» et son «refus de la contre-révolution», sa sympathie pour «la propagation du terrorisme». Voulant présenter ses excuses et celles de sa chaîne pour les propos haineux à l'égard de nos soldats, exprimés sur les réseaux sociaux par deux journalistes d'Al Jazira, le directeur de cette chaîne officieuse vient reposer le jeu complexe auquel s'adonnent la Turquie et certains pays du Golfe, en complicité avec diverses puissances, à l'égard du phénomène du jihadisme takfiriste. Alors que les Russes accusent la Turquie de faire mine de lutter contre Daech, tout en prenant pour cible privilégiée ceux qui le combattent, les pays du Golfe, suivis des ministres arabes de l'Intérieur, viennent de désigner prioritairement comme terroriste, le Hezbollah libanais, ennemi juré de Daech. Soyons bien clairs, la Tunisie n'a, dans cette guerre de religion que se livrent désormais sunnites et chiîtes, aucun parti pris de principe, même si une écrasante partie des Tunisiens sont des sunnites modérés malékites ou hanéfites. Et la Tunisie n'a, en rejoignant symboliquement l'alliance militaire autour de l'Arabie Saoudite, dirigée contre Daech, fait que confirmer son engagement contre une organisation terroriste que le monde entier combat et qui se donne pour objectif de raser notre pays de la carte. Quant à ceux qui, comme Al Jazira, veulent identifier le «printemps arabe» à une guerre sacrée menée par des sunnites takfiristes jihadistes contre tous les chiites du monde, il ne peuvent que se tromper d'époque et de boussole. Car le printemps démocratique que certains occidentaux ont légitimement vu éclore en Tunisie, puis en Libye et en Egypte, s'est bel et bien conclu, en Syrie, en une évidente guerre de religion contre le régime alaouite, de confession chiîte. Une guerre mettant en première ligne divers mouvements sunnites terroristes se réclamant du salafisme takfiriste. Dont Al-Nosra et Daech, rejoints par les salafistes takfiristes tunisiens d'Ansar Echaria. Le fait que certains pays occidentaux aient très probablement eu leur part dans le processus daechien ne doit pas détourner notre attention du fait que ces pays, désormais rejoints par la Russie, aient résolu d'en découdre avec le prétendu «Etat islamique». De sorte que l'intérêt des pays arabes est que tous ceux qui combattent l'extrémisme et le takfirisme s'unissent contre Daech. Reste que la Turquie et certains pays du Golfe craignent qu'un tel combat ne favorise les ambitions stratégiques de l'Iran chiite, d'où la volonté de mettre à l'index le Hezbollah, pourtant, par ailleurs, champion de la résistance contre Israël. Et, pourquoi pas, à l'image de l'attitude du directeur d'Al Jazira, favoriser un prétendu «printemps arabe» salafiste takfiriste qui mènerait la guerre, non pas contre le sous-développement et pour la démocratie, mais contre tout risque d'expansion chiîte. Or les chiites sont des musulmans et ne menacent en aucune manière la Tunisie.