La Tunisie appelle «les frères libyens à poursuivre le dialogue pour assurer une alternance pacifique au pouvoir sous l'égide de l'ONU» Les puissances européennes réitèrent leurs menaces de frapper la Libye au cas où les forces hostiles à Sarraj ne reverraient pas leur position Fayez Al-Sarraj et les membres de son gouvernement, le gouvernement de consensus national, reconnu par la communauté internationale, sont enfin à Tripoli. Leur arrivée s'est effectuée avec l'accord de plusieurs milices locales, bien que Khalifa Ghoueil, chef du gouvernement installé à Tripoli et non reconnu sur le plan international, conteste toute légitimité à Fayez Al-Sarraj et à ses ministres et considère que le gouvernement de consensus est illégal et lui demande de quitter immédiatement le territoire libyen. Les membres de la Coalition internationale qui brandissent toujours la menace d'une intervention militaire en Libye et attendent que le gouvernement de consensus s'y installe et sollicite leur aide se réjouissent pour le monde de l'installation d'Al- Sarraj à Tripoli et scrutent les développements sur le terrain pour voir si Sarraj aura la force nécessaire pour vaincre les réticences qu'il rencontre et profiter des divisions commençant à apparaître dans le camp de ceux qui s'opposent à son gouvernement. En effet, plusieurs factions et partis ont déjà annoncé leur soutien à Fayez Al-Sarraj, à l'instar de la branche libyenne des Frères musulmans et du parti Justice et construction. Toutefois, ces développements sont suivis avec suspicion par les membres de la coalition internationale qui attendent avec impatience de voir le gouvernement d'union nationale prendre les choses en main. Et pas plus tard que mercredi 30 mars, le ministre italien des Affaires étrangères a assuré que «la communauté internationale (un euphémisme pour parler de la coalition atlantiste) n'attendra pas indéfiniment qu' Al-Sarraj domine la situation. Au cas où les divisions continueraient, nous serons obligés de bombarder les positions de Daech en Libye». Le dialogue pour assurer l'alternance pacifique En Tunisie, on se félicite de l'installation du conseil présidentiel du gouvernement d'entente nationale dans la capitale libyenne. Le ministère des Affaires étrangères estime, dans une déclaration publiée hier, qu'il s'agit «d'un pas important dans le processus politique libyen qui vient consacrer les résultats auxquels a abouti le congrès des pays du voisinage libyen tenu à Tunis les 21 et 22 mars 2016». Toutefois, consciente des difficultés que le gouvernement Fayez Sarraj va trouver à s'installer à Tripoli, la Tunisie exhorte «les frères libyens à poursuivre le dialogue et à se concerter afin de parvenir à un consensus sur les meilleures conditions garantissant l'alternance pacifique au pouvoir sous l'égide des Nations unies». L'appel de la Tunisie à la poursuite du dialogue et de la concertation interlibyens participe de sa conviction que le gouvernement Fayez Sarraj a beaucoup à faire même s'il bénéficie du soutien de la communauté internationale. Tout simplement parce que sur le terrain, les choses se passent autrement puisque, comme le soulignent les observateurs, «la majeure partie de la population libyenne est prise en otage entre les deux gouvernements qui se partagent le pays depuis 2014». Mais la question qui se pose est la suivante : qu'est-ce que la Tunisie, plus précisément sa diplomatie, peut faire dans la mesure où les dés sont désormais jetés et que les bombardements par l'alliance occidentale ne sont plus qu'une affaire de jours et «le gouvernement Sarraj ne fera que donner le feu vert à l'intervention militaire». Pour Badra Gaâloul, présidente du Centre international des études stratégiques, militaires et sécuritaires, «il n'est un secret pour personne que le gouvernement Fayez Sarraj a été constitué pour conférer une certaine légitimité à l'intervention occidentale. C'est un gouvernement mort-né et les Libyens ne l'accepteront jamais. Les Libyens sont connus, même bien avant la chute de Kadhafi, pour leur opposition farouche à ce que les étrangers interviennent dans leurs affaires internes et pour leur rejet catégorique des solutions qu'on essaye de leur imposer. Quant à la Tunisie, on peut saisir qu'elle cherche, à travers le communiqué du ministère des Affaires étrangères, à inciter les Libyens à suivre son expérience en matière de consensus et de dialogue. Sauf que nos diplomates oublient que la situation qui prévaut en Libye ne peut être comparée à la Tunisie quand on s'est trouvé condamnés à nous entendre pour faire éviter à notre pays de tomber dans l'inconnu. Quant à la légalité internationale et à la nécessité de respecter ce que décide l'ONU, on sait aujourd'hui que ce sont bien les puissances internationales qui décident des destins des peuples». Badra Gaâloul conclut : «Aujourd'hui, la neutralité et le respect de la fausse légalité internationale n'ont plus de sens. Et puis ayons le courage de le dire: le dossier libyen a bel et bien échappé aux pays de voisinage immédiat que sont la Tunisie et l'Egypte et il a été confié à l'Arabie Saoudite qui en fera ce que les puissances occidentales lui dicteront». Il est à préciser que tout en continuant à brandir la menace de l'intervention armée, certains pays européens ont évoqué la possibilité de poursuivre les politiciens libyens hostiles au gouvernement Fayez Sarraj, principalement les membres du gouvernement de Tripoli, devant le Tribunal pénal international.