Par Samira DAMI Al'occasion de la manifestation «Sfax capitale culturelle arabe en 2016», Moncef Dhouib, dramaturge et cinéaste, a repris son bâton d'agitateur culturel afin de rééditer, cette fois-ci à Sfax, l'aventure et l'expérience de réhabilitation et de rénovation de temples culturels et autres bâtisses à l'abandon. Ainsi, après avoir reconquis et rendu aux arts et à la culture la salle de cinéma Cinévog du Kram, le voilà qui entreprend non seulement de réaménager trois salles de cinéma désaffectées situées dans le centre-ville de la capitale du sud, mais aussi de transformer d'anciens locaux délaissés et fermés depuis des années en temples culturels. Moncef Dhouib, soutenu par la société civile ainsi que par le gouverneur de Sfax, a déjà lancé deux chantiers. Le premier, dans la cathédrale de la ville de Sfax qui est en train de faire peau neuve, afin d'accueillir un espace culturel multidisciplinaire proposant spectacles de musique et de théâtre ainsi qu'une bibliothèque en numérique. Pourtant, ce projet de transformation, proposé par le ministère de la Culture et par le comité de Sfax capitale de la culture arabe en 2016, a été rejeté en août 2015, par le conseil municipal de la Ville de Sfax. Mais la ténacité et la persévérance de la société civile, du ministère de tutelle et de certains membres du comité de Sfax capitale culturelle arabe, ont vaincu toutes les forces d'inertie. Un premier concert de musique est déjà annoncé pour le 23 avril dans l'ancienne église. Le deuxième chantier se déroule dans les anciens silos de blé de la ville, en passe d'être convertis en village culturel ciblant notamment un public de jeunes. Cet espace, une fois réaménagé, accueillera des manifestations cinématographiques, musicales, théâtrales, picturales et autres ateliers de formation artistique. Le réaménagement de ces silos étant pris en charge par la société civile de Sfax. Pour mener à bon port les travaux d'aménagement, Moncef Dhouib a déclaré «qu'une équipe d'une quarantaine de jeunes architectes et d'ingénieurs de plusieurs spécialités, génie civil, électro-mécanique, et construction métallique, est actuellement à pied d'œuvre». Retrouver la dynamique d'antan Toutefois, les désaccords et la tension au sein du comité d'organisation de «Sfax capitale culturelle arabe en 2016» et les démissions de certains de ses membres, en raison des lenteurs bureaucratiques surtout, impacteront-ils cette action de reconversion d'anciens locaux délaissés en temples culturels ? Une question qui taraude les esprits et à juste titre. Mais Moncef Dhouib semble confiant, estimant qu'il s'agit de transcender la manifestation afin d'œuvrer à long terme en stimulant les activités artistiques dans le but de rendre à Sfax l'animation et la dynamique d'antan. L'important demeure, donc, de créer des espaces culturels afin de sortir la capitale du Sud de la léthargie culturelle qu'elle connaît. Bref, pareilles initiatives démontrent qu'il n'est pas nécessaire de construire de nouveaux espaces culturels très coûteux pour stimuler la pratique et la diffusion des arts et de la culture. C'est pourquoi ce genre d'actions de conquêtes d'espaces culturels devrait être généralisé à l'ensemble du pays d'autant que les lieux existent. Rien qu'à Tunis, certains locaux, tels que l'ancienne STD (société tunisienne de diffusion) devenue un terrain nu, l'ancien hangar de la Steg à La Goulette, l'ancien abattoir de Montfleury, pourraient être transformés en village culturel et autres lieux de diffusion et de pratique des arts. Voilà de quoi dynamiser et stimuler la vie culturelle et offrir, également, des opportunités d'emploi et de création artistique pour un grand nombre d'animateurs et de diplômés des instituts supérieurs d'enseignement des arts et de l'animation (Isad, Ifac, Beaux-arts, Isamm, etc.). Cette reconquête culturelle s'avère plus que jamais un impératif, surtout par les temps qui courent. Car la reconversion culturelle d'anciennes infrastructures et/ou locaux contribue au changement urbain, social, culturel et intellectuel. Cela à travers le renouveau des villes et des quartiers, la formation des jeunes, l'implantation de nouvelles activités artistiques, l'implication du public ainsi que l'ouverture sur plusieurs formes artistiques, donc sur un monde forcément meilleur, car imprégné de nourriture et de valeurs spirituelles.