Ouverture mercredi soir de Doc à Tunis au 4e Art avec Fuocco Ammare, de Gianfranco Rosi, Ours d'or au festival de Berlin. Et un vibrant hommage à Jilani Gobantini. Un public présent avec force ce mercredi soir à la salle du 4e Art pour assister au démarrage du festival «Doc à Tunis». Sihem Belkhodja, l'initiatrice et la directrice de cette manifestation, prendra la parole pour annoncer que les deux semaines qui suivront Doc à Tunis seront réservées respectivement au Festival de la danse et à la manifestation «Al Kalimat». Mais la directrice du festival rendra également un vibrant hommage à Jilani Gobantini, fondateur d'un nombre important de salles de cinéma, dont «le Colisée». Sa nièce, Wassila Gobantini, très émue par cet hommage et par la standing ovation de la salle, exprimera son attachement passionné pour ce métier et déclarera qu'elle continuera avec son frère Lassaâd à se battre pour sauver et lancer le maximum de salles de cinéma en Tunisie. L'autre hommage sera rendu à Anne-Marie Lucionni, responsable de «Euro-doc» et qui vient de nous quitter il y a quelques semaines. Puis ce fut le tour de Fuocco Ammare, de Gianfranco Rosi. Un documentaire de création qui raconte l'histoire de l'un des drames humains les plus médiatisés ces dernières années, celui des voyageurs clandestins qui débarquent à bord d'embarcations de fortune sur l'île de Lampedusa en Italie. Comment réaliser un tel sujet sans ressasser tout ce qui a été charrié, dit et redit par les journaux télévisés et les reportages ? C'est peut-être la première question à laquelle a dû répondre le réalisateur ! Et il y a bien répondu ! Car le tour de force de ce documentaire, c'est d'avoir inventé un langage cinématographique et un récit assez attachant pour nous permettre de vivre ce drame sans qu'on tombe dans le déjà vu et entendu. En fait, le documentaire raconte le quotidien d'un petit garçon, Samuel, né à Lampedusa, et de sa famille. Une grand-mère au foyer et un grand-père pêcheur qui passe son temps à apprendre à Samuel comment ne pas avoir le mal de mer. C'est tout un pan de la culture sicilienne et de celle des pêcheurs de Lampedusa qu'on découvre à travers le personnage de Samuel. Un garçon du reste très vif et attachant à l'écran. Le dialecte sicilien qu'il parle et la fraîcheur de sa personnalité nous ont véritablement séduits. C'est aussi un enfant qui joue à la guerre avec un tire-boulettes en transformant les raquettes de figue de Barbarie en ennemis virtuels. C'est aussi un garçon qui passe son temps à tirer dans l'air en prenant sa main pour un fusil. C'est peut-être à travers cette allusion à la guerre faite par un enfant qu'on devine les guerres qui ont fait fuir ces milliers de réfugiés qui débarquent à Lampedusa. Les opérations de sauvetage ne sont que des fenêtres à l'intérieur de cette histoire. On a eu peur de tomber dans les sempiternels témoignages de réfugiés face à la caméra, mais là aussi surprise! Cela se présente sous forme de plainte chantée par la voix d'un réfugié et rythmée par celle de ses compagnons. Le témoignage du médecin qui reçoit ces réfugiés est aussi un grand moment d'émotion dans ce film tellement il est exprimé avec sincérité. Ce n'est que vers la fin du film qu'on découvre le visage de la souffrance et du silence entrecoupé seulement par les râles et les pleurs des femmes. Poignant ! Un documentaire qui doit son succès à la manière dont il a été écrit et à la patience de son réalisateur qui a passé beaucoup de temps sur cette île avant de commencer son tournage.