L'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi refuse de se prononcer sur la constitutionnalité de la loi créant le Conseil supérieur de la magistrature. En décidant de transmettre au président de la République le projet de loi organique sur le Conseil supérieur de la magistrature, sans prendre de décision sur sa constitutionnalité ou sur son inconstitutionnalité, l'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi (qui sera remplacée par la Cour constitutionnelle dont la loi a été déjà adoptée par le Parlement) vient de créer un précédent juridique ajoutant à la confusion caractérisant les rapports qu'entretiennent les différentes instances instaurées après la révolution avec les départements ministériels trouvant que leurs compétences font double emploi avec les attributions accordées à ces mêmes instances. Autrement dit, en refusant de se prononcer sur le sort constitutionnel du Conseil supérieur de la magistrature, l'Instance instaure une polémique de trop: le président de la République a-t-il le droit de promulguer la loi en question ou est-il obligé de la renvoyer de nouveau à l'Assemblée des représentants du peuple pour réexamen et réadoption en tenant compte des remarques déjà émises par l'Instance qui a déclaré à deux reprises la loi anticonstitutionnelle ? Un déni d'exercice des pouvoirs Certaines sources ont sauté le pas et affirment que le président de la République a la possibilité de signer le projet de loi, de le promulguer et d'autoriser sa publication dans le Journal officiel de la République tunisienne (Jort). Sauf que ces sources ne précisent pas sur quelles dispositions juridiques elles s'appuient pour soutenir que Béji Caïd Essebsi peut prendre une telle décision. L'approche développée par le Pr Abdelmajid Abdelli, enseignant de droit public à l'université El Manar, est totalement différente. Il assure : «Rien dans la loi portant création de l'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des lois n'autorise le président de la République à promulguer un projet de loi au cas où l'instance ne se prononcerait pas sur sa constitutionnalité ou sur son inconstitutionnalité. Dans tous les cas, l'Instance est obligée de prendre une décision. Malheureusement, la loi sur l'Instance est muette quant à la procédure à suivre au cas où les membres de l'Instance ne tomberaient pas d'accord sur la décision à prendre et en cas d'égalité des voix, celle du président ne compte pas double. C'est ce qui s'est produit au sein de l'Instance qui a pratiqué un acte de déni d'exercice des pouvoirs qui lui sont attribués et a préféré, semble-t-il, renvoyer la balle dans le camp du président de la République. A mon sens, les membres de l'Instance ont oublié que leurs décisions ne peuvent être contestées par aucune autre instance. Ils se sont démis de leurs pouvoirs, créant un mauvais précédent pour la future Cour constitutionnelle». Que doit faire maintenant le président de la République ? Le Pr Abdelli est catégorique : «Le chef de l'Etat est tenu de faire retourner le projet de loi au Parlement qui doit le réexaminer et le transmettre à l'Instance qui doit obligatoirement prendre une décision, soit déclarer le projet constitutionnel au cas où ses observations seraient respectées ou anticonstitutionnel au cas où les députés ne répondraient pas aux exigences de l'Instance. En tout état de cause, le président de la République ne peut promulguer la loi tant que l'Instance ne se prononcera pas définitivement».