Isie, Haica, ARP, Cour constitutionnelle et d'autres instances sont des mécanismes qui doivent à la constitution de 2014 leur raison d'être et leur légitimité incontestée. Mais, sont-ils, vraiment, indépendants, loin de toute tutelle, quelle qu'elle soit ? Cette question de l'autonomie se pose, doublement, et avec beaucoup d'acuité, au niveau aussi bien administratif que financier. C'est que l'ordre juridique découlant de l'ancienne constitution de 1959 avait consacré l'hégémonie du pouvoir exécutif sur le système politique tunisien, étant longtemps soumis à une centralisation excessive de l'appareil de l'Etat. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas, mais il y a toujours risque de revenir sur des acquis qu'on croyait, légitimement, constants et garantis. C'est dans cet esprit qu'un atelier a été, conjointement, organisé hier matin à Tunis par l'Instance supérieure indépendante des élections (Isie ) et le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), avec pour thème «L'autonomie administrative des pouvoirs et des instances constitutionnelles indépendantes ». Cette rencontre fait suite à un rendez-vous précédent qui a eu lieu le 29 octobre 2015 sur l'autonomie financière. Comme l'a, d'ailleurs, évoqué M. Chafik Sarsar, président de l'Isie, il y a des points communs à ce niveau, sur lesquels le débat est lancé, afin de pouvoir agir sur le projet de loi régissant les instances constitutionnelles indépendantes qui vient d'être approuvé par le Conseil des ministres. Un autre projet de loi sur l'autonomie administrative et financière de l'ARP est aussi en cours d'examen par la commission du règlement intérieur, de l'immunité et des lois électorales. Un groupe de travail au sein du gouvernement est aussi en train d'élaborer un nouveau projet de loi sur la fonction publique. Dans son allocution de l'ouverture, M. Sarsar n'a pas omis de relever que la question de l'autonomie pose réellement problème. Car, d'après lui, il n'est pas possible, aujourd'hui, de continuer à se soumettre à un cadre juridique et législatif dépassé, vu que la nouvelle constitution n'est pas encore mise en vigueur. Problèmes liés à l'Isie Qu'en est-il de l'Isie ? Son président a tout dit : « Nous avons quelques problèmes liés à son autonomie financière, à savoir, essentiellement, l'absence du statut particulier de nos agents dont le projet, soumis depuis juillet 2014, n'est pas encore promulgué. Ce qui représente un vrai obstacle face au recrutement définitif des agents». Aussi, faut-il mettre en application le décret relatif à la mise à la disposition des agents publics pour l'Isie et mieux organiser les procédures de détachement des cadres et la régularisation de leur situation dans les administrations d'origine. N'empêche, estime-t-il, l'Isie a réussi à préserver ses prérogatives et son pouvoir décisionnel. Mais, prévient-il, les difficultés vécues en 2014 ne devraient, en aucun cas, se reproduire lors des prochains rendez-vous électoraux, dont notamment les municipales prévues en mars 2017. A ce propos, le représentant résident adjoint du Pnud en Tunisie a indiqué que « nous mesurons avec beaucoup d'importance la notion d'autonomie, en tant que gage de confiance et de crédibilité». Débat autour d'une notion L'on se demande, donc, quel contenu pour la notion d'autonomie administrative des pouvoirs et instances constitutionnelles ? C'est ainsi que s'intitule la première séance dont le modérateur était Dr Yadh Ben Achour, professeur de droit constitutionnel. Avant de céder la parole à son collègue Néji Baccouche, lui aussi professeur à la faculté de Droit de Sfax, qui a attiré l'attention de l'auditoire sur une donnée juridique à ne pas oublier : «aborder l'indépendance institutionnelle ne doit plus exclure une valeur aussi sublime que l'unité de l'Etat ». Et d'ajouter qu'en dotant une certaine entreprise d'une personnalité morale, celle-ci risque de perdre son autonomie. « Il se met dans son tort celui qui croit le contraire», affirme-t-il. Car, selon lui, la personnalité morale ne fait qu'affaiblir ses pouvoirs et la rendre dépendante. Pour les instances constitutionnelles, c'est une autre paire de manche. Ainsi, leur fonctionnement s'exerce au nom de l'Etat, et il correspond à son unité sacrée. Dr Baccouche est du même avis. Sauf que la notion d'autonomie administrative n'existait pas, auparavant, elle fait son apparition après la révolution, et particulièrement dans la nouvelle constitution. C'était, à ses dires, un véritable tournant juridique qui voudrait rompre avec l'ancien régime totalitaire, dans une nouvelle tendance de démocratisation des pouvoirs publics. « L'Isie, on ne doute point de son indépendance. Reste que les mécanismes exécutifs de son autonomie financière ont besoin d'être renforcés... ». Mme Kalthoum Badreddine, présidente de la commission du règlement intérieur, de l'immunité et des lois électorales à l'ARP, est revenue sur l'autonomie administrative de l'ARP dont le projet de loi est en cours d'examen par ladite commission. De même, un exposé a été fait sur le projet de loi relatif à l'autonomie administrative des instances constitutionnelles. La deuxième séance a été consacrée à l'autonomie des instances dans la perspective des révisions apportées aux cadres juridique et réglementaire.