La centrale syndicale est passée hier à l'action en vue de s'opposer au projet de loi sur la retraite. De nombreux meetings ouvriers ont été organisés dans plusieurs régions avec pour objectif de dénoncer «le revirement du gouvernement qui veut imposer la prorogation» Les relations entre le gouvernement et l'Union générale tunisienne du travail (Ugtt) sont au bord de l'implosion, et même la dernière rencontre Béji Caïd Essebsi-Houcine Abassi n'a pas réussi à atténuer la tension régnant entre les places de La Kasbah et Mohamed-Ali, dans la mesure où le gouvernement et l'Ugtt campent toujours sur leurs positions initiales à propos du projet de loi relatif au relèvement de l'âge de départ à la retraite. Le gouvernement tient à ce que l'opération soit obligatoire alors que les syndicalistes veulent que les fonctionnaires décident d'eux-mêmes, soit faire valoir leurs droit à la retraite ou choisir de rester quelques années de plus (deux ou cinq ans) au sein des administrations ou des entreprises publiques où ils exercent. Hier, l'Ugtt a mobilisé ses troupes dans les régions et a tenu une série de meetings ouvriers sous la présidence des membres du bureau exécutif pour «dénoncer la décision unilatérale du gouvernement consistant à imposer un relèvement obligatoire de cinq ans aux fonctionnaires de la fonction et du secteur publics en âge de départ à la retraite». Le ton général qui a marqué les discours développés par les membres du bureau exécutif était on ne peut plus simple et clair : «Le gouvernement Habib Essid a renié son engagement selon lequel le relèvement de l'âge de départ à la retraite ne sera pas obligatoire. Il a donné sa parole au secrétaire général de l'Ugtt. Malheureusement, quand le projet de loi a été soumis au bureau de l'Assemblée des représentants du peuple, nous avons découvert qu'il n'est plus question que les fonctionnaires choisissent de partir ou de rester puisqu'ils seront obligés de prolonger». Et les syndicalistes d'ajouter : «Il est inquiétant d'observer que ce n'est pas la première fois que le gouvernement ne respecte pas ses engagements. Plusieurs ministres font de même et font fi des accords signés et refusent d'accorder les augmentations convenues avec les syndicats généraux ou de faire participer les représentants de l'Ugtt aux réunions relatives aux promotions ou aux mutations». Dans le même sillage, ils reviennent aux crises qui secouent depuis des mois le secteur de la santé où la grève générale prévue pour le 18 mai est encore à l'ordre du jour à la suite de la tension régnant encore au sein de l'hôpital Habib-Bourguiba à Sfax. Idem pour les professeurs de l'enseignement secondaire refusant de remettre les notes à l'administration tant que leurs collègues de l'éducation physique ne percevront pas les majorations salariales auxquelles ils ont droit. De son côté, Mohamed Khelil, ministre des Affaires religieuses, ferme la porte du dialogue devant les syndicalistes de son département et a procédé à la suspension de plusieurs de ces cadres de leurs fonctions. On se plaint auprès de l'OIT «Les positions intransigeantes du chef du gouvernement et des ministres connus pour leur désobéissance systématique aux ordres de Habib Essid nous ont obligés à recourir à l'Organisation internationale du travail (OIT) pour y déposer une plainte contre le gouvernement», souligne-t-on du côté de la place Mohamed-Ali. Les mêmes sources ajoutent : «Le secrétaire général de l'Ugtt a rencontré le président de la République Béji Caïd Essebsi lui demandant son arbitrage et on attend les résultats de son intervention. Au sein de la centrale ouvrière, on est conscient qu'il n'est pas de notre intérêt de négocier avec un gouvernement où chacun de ses membres applique sa propre politique». L'Ugtt : «Un projet unilatéral» L'Union générale tunisienne du travail (Ugtt) a organisé, hier, des rassemblements ouvriers devant les sièges des unions régionales du travail de Sfax, Kairouan et Jendouba pour pousser le gouvernement à renoncer au projet de loi relatif à l'augmentation de l'âge de départ à la retraite dans la fonction publique. Le secrétaire général adjoint chargé de la couverture sociale, de la santé et de la sécurité professionnelle, Abdelkarim Jerad, a déclaré à la TAP que ces mouvements de protestation s'inscrivent dans le cadre de l'activation des décisions de la commission administrative nationale tenue les 4 et 5 mai. Il a ajouté que ces décisions visent à inciter le gouvernement qui, a-t-il dit, a entamé la révision des systèmes de protection sociale, à honorer ses engagements. Le responsable syndical a réaffirmé l'attachement de l'Ugtt à retirer ledit projet de loi soumis, actuellement, à l'Assemblée des représentants du peuple le qualifiant d'un projet «unilatéral» et à le remplacer par un projet consensuel entre le gouvernement et l'Ugtt. Selon Jerad, le projet consensuel stipule l'augmentation facultative, de deux ou de cinq ans, de l'âge de départ à la retraite selon la volonté de l'assuré social, à condition que la décision de ce dernier soit communiquée deux ans avant l'atteinte de l'âge de retraite, conformément à l'accord antérieur convenu avec l'ancien ministre des Affaires sociales, Ahmed Ammar Youmbai. Il a ajouté que l'actuel ministre des Affaires sociales est revenu sur cet accord et présenté, en coordination avec le conseiller du chef du gouvernement chargé des affaires sociales, une proposition orale à la commission spécialisée au sein du parlement, qui prévoit l'augmentation obligatoire de l'âge de départ à la retraite et la modification du calcul de la pension de retraite qui entraîne une baisse du montant perçu par les retraités. Selon Jerad l'attitude du gouvernement porte atteinte à la continuité de l'Etat et à la crédibilité du dialogue social en Tunisie.