«Chouftouhonna», c'était surtout de grands moments de rencontre et de partage entre des artistes de tous bords «Chouftouhonna» a fait vibrer, trois jours durant, les différents coins, recoins et autres espaces du Mad'art Carthage aux rythmes des projections, performances, exposition d'art plastique et débats autour de l'art féministe. Ce festival qui en est à sa deuxième édition s'est fixé comme objectif de lutter par l'art contre la discrimination des femmes artistes en s'engageant à leur donner la parole. 116 artistes de 32 pays ont pris part à cet événement qui s'est tenu du 13 au 15 mai. Le public, composé globalement d'avertis, a pu découvrir des œuvres de différentes disciplines artistiques (cinéma, arts plastiques, arts graphiques, photographie, arts scéniques et musique). Il était ainsi question de performances musicales, 20 films, 4 pièces de théâtre, des performances de slam et de poésie, des spectacles de danse, une exposition de photographies, d'art graphique, de sculptures et autres installations vidéos. Le programme a inclu également deux tables rondes, réunissant activistes féministes, sociologues, journalistes et autres associations de différentes nationalités, sur les thèmes : «identification des différents points de vue sur le féminisme» et «Les réseaux et alliances féministes». Un jury féminin composé de la comédienne tunisienne Fatma Ben Saïdane, la compositrice suédoise Karin Dreijer, la dessinatrice tunisienne Nadia Khiari, l'artiste visuelle tunisienne Héla Ammar et la chorégraphe tunisienne Nawel Skandrani. Un septième prix a été accordé par le public a distingué 6 œuvres de différentes catégories : le prix des Arts Vivants pour Compagnie N'mara - Mar'a (France / Algérie), le prix de Photographie pour Amira Karaoued (Tunisie), le prix Art Plastique pour Maria Juchnowska (Pologne/Norvège ), le prix Art Graphique pour Neelu Bhuman – «Love Letter» (Inde/USA), le Prix Musique pour Grammo Suspect - Our love is valid (Kenya), quant au prix cinéma, le jury a décerné deux prix à «The VaCHina» Monologue de Popo Fan (Chine) et «Nourhane, le rêve d'un enfant» de May Kassem (Liban) «Une initiative artistique mais aussi, et avant tout, activiste» Cet événement, comme son nom l'indique «Festival International d'Art Féministe de Tunis», a pour origine un collectif de femmes «Chouf» qui se sont questionnées sur les conditions d'accès à l'art et à la culture pour elles et pour leurs sœurs dans le contexte actuel de la Tunisie et ailleurs. «De cette réflexion est née l'idée de fournir aux femmes tunisiennes, mais aussi d'ailleurs, un espace où partager leurs créations et ainsi avoir une voix qui puisse désormais être audible», notent les fondatrices de «Chouftouhonna». D'aucuns diront que c'est une cause un peu passe-partout, invoquée à tout-va, au point d'en être banalisée. Les membres «Chouf» à l'instar de Khouloud Mahdaoui, Rim Amami et Bochra Triki ont choisi de parler de la création artistique féminine. Partant du constat que la production artistique féminine continue à rencontrer des obstacles dus, entre autres, à la discrimination, la censure sociale et religieuse, le patriarcat, l'élitisme et l'éducation. «Cela mène à des formes de violences auxquelles nous devons faire face chaque jour. » notent-elles et d'ajouter : «Le meilleur moyen de lutter contre la peur est le savoir. Et pour atteindre cette connaissance, et à travers elle la confiance en nous-mêmes que nous méritons, art et culture sont des chemins privilégiés qui ont longtemps été refusés aux femmes. En Tunisie et ailleurs, des femmes ont encore du mal à percer dans le monde artistique. Accablées par les préjugés sociétaux, les tabous politiques et religieux, certaines femmes n'ont pas l'opportunité de s'épanouir à travers leur art. L'objectif de «Chouftouhonna» consiste à encourager les femmes à créer librement et sans aucune restriction.» Des œuvres de qualité «Chouftouhonna», c'était donc trois jours dédiés à la création féminine et autour de la cause féministe. Ce nouveau festival qui fait ses premiers pas (deuxième édition) dans le paysage artistique a pu voir le jour grâce à des fonds internationaux mais aussi grâce à l'implication et le soutien de bénévoles dévoués, nous a régalé, avec un programme de qualité soigneusement concocté par les organisatrices, sans fioritures mais des artistes confirmées et engagées dans leur art. Il était question de courts métrages succulents et inédits à l'instar de «Fractals Revolt», une production libano-iranienne réalisée par Azadeh Faramarziha et «Knives» de l'Egyptienne Reem Alhawry que l'on a pu découvrir lors du premier jour du festival et d'autres belles découvertes cinématographiques. Une exposition d'art plastique qui a réuni différentes techniques et approches proposant d'intressantes écritures picturales : photomontage, techniques mixtes, gravures, sculptures, photographies et autres installations vidéo. Ce fut une occasion de découvrir des artistes tunisiennes qui en ont à dire à l'instar de Selma Essafi qui, dans ses photographies, déconstruit l'espace et se joue d'éléments urbains et architecturaux mais également Nourhene Ghawzel, Najeh Zarbout, Amel Guellaty et d'autres encore. ‘‘Chouftouhonna'' qui, malheureusement, a manqué de s'ouvrir à un public plus large (faute de communication) nous a régalé aussi avec son volet musical. Outre les artistes en compétition, le public est allé, entre autres, à la rencontre de la musique intimiste et passionnée de l'Italienne Rebis qui a proposé un répertoire afrontières avec des morceaux chantés en arabe, en anglais et en italien accompagnée par le son intimiste et charnel d'une guitare acoustique. ‘‘Chouftouhonna'', c'était surtout de grands moments de rencontre et de partage entre des artistes de tous bords, entre autres à travers le marché «Soukouhonna» qui a proposé les créations d'artisanes de toutes les régions de Tunisie. Un festival jeune avec un programme de qualité et de belles découvertes qui gagnerait à avoir plus de notoriété. Bravo et à la prochaine édition.