«Il est devenu inimaginable que les femmes n'aient que des espaces d'expression mineurs. Nous sommes à une ère de remise en question, il est donc temps de poser nous-mêmes ces questions». «Chouftouhonna» (vous les avez vues), c'est le titre d'une manifestation internationale inédite qui se lance sous nos cieux, aujourd'hui 17 mai. Il s'agit du Festival International d'art féministe de Tunis. «Chouftouhonna», un néologisme qui allie verbe en dialecte tunisien conjugué à la troisième personne du pluriel. Un titre qui en dit long sur l'esprit et les objectifs du festival-action qui sera abrité par l'espace culturel Mad'Art. Plus qu'une manifestation artistique, le festival s'inscrit dans un engagement politique qui privilégie l'action directe, celle d'«agir directement afin de prendre par nous-mêmes les droits qui nous ont été retirés de facto», notent les organisatrices dans un communiqué et de poursuivre : «Chouftouhonna n'a pas la prétention de se comparer aux grands festivals qui se tiennent dans le pays, dans la région ou dans le monde. C'est une initiative artistique bien sûr! Mais aussi et avant tout, activiste.» A l'origine de cette initiative, un petit collectif de femmes qui se sont questionnées sur les conditions d'accès à l'art et à la culture pour elles et leurs sœurs dans le contexte actuel du pays. De cette réflexion est née l'idée de fournir aux femmes tunisiennes, mais aussi d'ailleurs, un espace où elles peuvent partager leurs créations et ainsi avoir une voix qui puisse désormais être audible. «En effet, que ce soit dans le chemin vers la production ou bien celui vers la consommation d'œuvres quelles qu'elles soient, celui-ci est semé d'embûches. Ces embûches s'appellent, selon les cas, racisme, religion, patriarcat, élitisme, tradition, éducation, classicisme,... Et de celles-ci découlent discriminations et violences auxquelles nous devons faire face chaque jour. Ces visages, nous avons décidé de les affronter. Le meilleur moyen de lutter contre la peur est le savoir. Et pour atteindre cette connaissance, et à travers elle la confiance en nous-mêmes que nous méritons, art et culture sont des chemins privilégiés qui ont longtemps été refusés aux femmes. Certes, cette époque est révolue et nous en avons conscience, mais les séquelles s'en ressentent toujours et guident encore l'autocensure de nos corps et de nos actions», expliquent ces dernières. Présentes par leurs arts La 1ère édition du festival international d'art féministe de Tunis «Chouftouhonna» se tiendra donc, aujourd'hui 17 mai, à l'espace Lezart au centre culturel de Carthage, Mad'Art. Son ambition est de soutenir et d'encourager la production artistique ainsi que sa consommation par les femmes, indépendamment de toutes sortes de classification, telles que : classe sociale, niveau intellectuel, couleur ou encore handicap. Les organisatrices estiment que l'art et à travers lui la culture sont encore bien trop souvent inaccessibles aux femmes quelles qu'elles soient. Le festival accueillera les travaux d'artistes de plusieurs pays, Tunisie, Algérie, Laos, Palestine, France, Etats-Unis, Liban, Suisse, Egypte, Suède... et englobera plusieurs formes artistiques, telles que : projections de films et de vidéos, expositions (photographies et arts plastiques), performance de peinture en live, lecture, slam, chant,... Quatre artistes tunisiennes et une réalisatrice suédoise composeront le jury de cette rencontre : Dina Abdelwahed, Amira Chebli, Lobna Noomene, Leïla Baccouche et Ester Martin Bergsmark. Ces dernières décerneront des prix aux meilleurs travaux proposés. «Le festival est ouvert à toutes et à tous et œuvre à rendre hommage aux femmes, à leur art, mais aussi à faire réfléchir le public sur les problèmes que celles-ci rencontrent dans une société où elles se retrouvent, malgré leur nombre, minoritaires dans leurs droits et privilèges», lit-on encore dans le communiqué de l'événement. Programme 13h30 : Projection des courts métrages en compétition 14h45: Performances : lectures, chants et arts de scène. 15h45: Exposition d'arts plastiques et photographies 16h30: Performances : lectures, chants et arts de scène. 18h45: Délibération du jury / projection du film Something must break* 20h15 : Remise des prix et mot de clôture * Something must break est un film suédois réalisé par Ester-Martin Bergsmark, membre du jury du festival