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Tribune | Tourisme tunisien – Gare aux anesthésiants : Le réveil sera douloureux...
Publié dans La Presse de Tunisie le 09 - 01 - 2023


Par Moez Kacem *
« Un essoufflement avec persistance des problèmes qualitatifs aigus », ce sont les symptômes prolongés du tourisme tunisien en voie de convalescence progressive en période post-Covid-19 !
Après deux années très rudes, le tourisme tunisien récupère une bonne partie de ses performances dans un scénario qui dépasse même notre scénario optimiste, élaboré en début d'année et qui prévoyait la récupération de 60% des touristes venus en 2019 (année avant la crise Covid-19).
Que disent les chiffres ?
Aujourd'hui, on finira l'année à -34% en termes d'arrivées internationales, ce qui est satisfaisant de point de vue dynamique de la demande. Moyennant une capacité d'exploitation inférieure à celle de 2019 et totalisant 174.917 lits, l'hôtellerie tunisienne a pu se bomber le torse en réalisant près de 19 millions de nuitées. Sur le plan mondial, la situation est presque similaire, où les destinations ont pu récupérer 66% de leurs performances avant la crise sanitaire (selon les chiffres de l'OMT- Agence des Nations unies pour le tourisme).
Ces chiffres, quoiqu'ils paraissent rassurants, ne peuvent pas cacher plusieurs faiblesses dont certaines s'avèrent structurelles. Il est absurde de se contenter de quelques indicateurs génériques pour parler « d'objectifs atteints » ou de crier victoire. Peut-être, il est important de rappeler la célèbre citation de Bill Gates «le succès est un mauvais professeur. Il pousse les gens intelligents à croire qu'ils sont infaillibles».
En analysant de près les chiffres du tourisme tunisien, nous pouvons vite nous apercevoir que la composition des marchés continue à changer, favorisant ainsi les Maghrébins (presque 70% des entrées) au détriment des Européens (17% uniquement). De leur côté, les TRE assurent quasiment la même quote-part que les Européens. Ceci s'est reflété sur les recettes en devises et bien évidemment sur la stagnation du taux de couverture du déficit commercial par le tourisme, jadis considéré comme un secteur du cash pourvoyeur de devises.
L'évolution des recettes du tourisme en devises demeure relativement moins importante que celle en dinars. Ceci est dû essentiellement à l'effet du taux de change. Il est connu que les marchés maghrébins, qui dominent le tableau des entrées internationales, ne sont pas de grands pourvoyeurs de devises et que le change, dans la majorité des cas, se fait sur les frontières auprès du marché informel. Pour le marché algérien, à titre d'exemple, l'allocation touristique annuelle s'élève à 102 euros, un montant dérisoire qui pousse les Algériens à se débrouiller sur le marché informel et par conséquent ils ramènent directement des dinars tunisiens pour subvenir à leurs dépenses durant leurs séjours.
Egalement, il y a lieu de souligner la dégradation continue de la durée moyenne de séjour, un indicateur qui renvoie, en partie, sur l'attractivité de la destination, aggravée en 2022 par la hausse des tarifs chez les opérateurs touristiques. En moyenne, une flambée des prix estimée de 20% à 25% a été ressentie par les touristes incluant à la fois les tarifs des billets d'avion en sus des tarifs hôteliers.
D'où la nécessité de mener des actions d'envergure afin d'assurer une montée en gamme, capable de changer le positionnement marketing actuel de « destination la moins chère en méditerranée ».
Revisiter nos choix ''stratégiques''
Dans chaque crise, il y a une opportunité mais surtout des leçons à tirer. A mon avis, parmi les plus grandes leçons à retenir :1-ne jamais dépendre des marchés internationaux et des opérateurs étrangers pour assurer une large part de l'activité touristique ; 2- le marché domestique dispose d'un grand potentiel de développement qu'il suffit de stimuler, d'encadrer et d'assister dans sa course vers la maturité.
Cependant, j'estime qu'on a raté l'opportunité offerte par cette crise planétaire en renonçant à entamer une restructuration profonde du secteur qui nécessite de réviser le cadre juridique et réglementaire, mettre en œuvre les normes de classification, revisiter le dispositif de formation et adopter un nouveau catalogue métiers, changer de modèle de développement du tourisme en allant vers un modèle territorial au lieu du modèle enclavé dans des zones, ratifier la convention open sky, promulguer un cadre hyper-incitatif aux investissements.
Dans ce même cadre, le ministère de tutelle a élaboré une stratégie 2035, mais ce choix me paraît non judicieux pour plusieurs raisons, notamment :
Aucun désaccord entre les professionnels et les institutionnels sur les grands choix stratégiques du tourisme tunisien entrepris auparavant et renouvelés dans le cadre de la vision 2035 ;
Les diverses feuilles de route précédentes (stratégie 5+1, Stratégie 3+3, stratégie à l'horizon de 2016, Assises du tourisme 2017..., toutes ont été inspirées de la stratégie réalisée en 2010 par le cabinet Roland Berger et qui a confirmé les grands choix explicités par la stratégie de la Banque mondiale et celle de la Jika) ;
Les prescriptions des Assises du tourisme tunisien en 2017 n'ont pas vu le jour et restent d'actualité étant donné l'hibernation de l'activité de 2020 et 2021.
A cet égard, il aurait été plus pertinent d'opter pour quelques études des marchés que nous considérons stratégiques et rentables afin d'identifier les comportements des touristes à l'achat et leurs nouvelles préférences post-Covid-19. Ceci serait très pertinent dans l'adaptation de l'offre et l'amélioration de la qualité des prestations.
Le gap se creuse envers nos concurrents directs
« Dans un environnement qui change, il n'y a pas de plus grand risque que de rester immobile »- Jacques Chirac
La compétitivité du tourisme tunisien a reçu plusieurs coups durs tout au long de ces deux dernières décennies. Outre les crises de tous genres vécues (dont certaines sont spécifiques au contexte national et d'autres internationales), il y a lieu de citer l'hésitation à la ratification de l'open sky avec l'UE. L'importance de cette convention apparaît clairement sur le graphique ci-dessous quand le Maroc (qui l'a signée en 2005, avec entrée en vigueur en 2006) a pu redresser sa courbe des recettes et des arrivées en dépassant les performances du tourisme tunisien pour la première fois de son histoire.
Les retombées de la libération du ciel en termes d'entrées et de nuitées touristiques ont été spectaculaires pour le royaume chérifien dans la mesure où le nombre d'entrées des non-résidents a plus que doublé passant de 2,3 millions en 2000 à 4,9 millions en 2010 pour atteindre 12,9 millions en 2019.
Il est à rappeler dans ce même cadre que le Maroc n'a ouvert son espace aérien qu'en date du 7 février sous conditions strictes. Ces dernières n'ont été révisées vers l'assouplissement qu'au mois de mai 2022. Cependant, l'année courante, le Royaume a pu récupérer presque 70% de ses performances avant crise Covid-19.
Les deux graphiques ci-dessous du Financial Times démontrent la différence claire au niveau de certains indicateurs clés :
Le fort engagement de la compagnie aérienne Royal Air Maroc aussi bien qu'une stratégie agressive d'incitation aux investissements dans le secteur du tourisme ont tous les deux joué un rôle crucial dans le dépêchement de cette relance.
Les programmes de coopération internationale : un appui à l'innovation
Le père du marketing, Peter Drucker, disait "L'innovation systématique requiert la volonté de considérer le changement comme une opportunité". Cette innovation a été recherchée à travers le recours à l'appui de la coopération technique européenne et américaine.
Le tourisme tunisien, pour la première fois de son histoire, a enregistré l'accumulation de tels programmes de coopération internationale, mettant à disposition des enveloppes bien garnies qui doublent l'intégralité du budget officiel du ministère de tutelle et frôlant la barre des 300 millions de dinars.
Conduits essentiellement par la GIZ (programme Tounes Wejhatouna, 51 millions d'euros), le Usaid (programme VisitTunisia, 60 millions de dollars) et Swisscontact (15 millions d'euros), ces programmes manquent d'harmonisation entre les trois bailleurs de fonds où plusieurs actions se trouvent dupliquées, voire réimplantées surtout entre la GIZ et le Usaid (le programme du Swisscontact a ses propres spécificités). Ceci relève de la responsabilité du ministère de tutelle qui devrait tracer les grandes orientations, définir les priorités, approuver les plans d'action et participer activement dans l'évaluation et le suivi des actions (notamment à travers un comité de pilotage).
Les arrangements institutionnels : la malédiction de l'administration
Le tourisme est un des secteurs qui souffrent énormément de cette maladie chronique appelée « faiblesse d'arrangements institutionnels » !
Connu pour son caractère transversal, le secteur du tourisme travaille en étroite collaboration avec plusieurs autres départements. Cependant, le phénomène le plus marquant pour le tourisme tunisien c'est le fait qu'il y a des produits totalement touristiques gérés par des ministères dépourvus de toute expertise en la matière. A titre d'exemple, on trouve la stratégie de l'écotourisme (réalisée et exécutée par le ministère de l'Environnement), la stratégie du tourisme de santé et de bien-être (réalisée et exécutée par le ministère de la Santé publique), le pèlerinage et la Omra (ministère des Affaires religieuses), autorisations de vente des produits alcoolisés (ministère de l'Intérieur), autorisation de gîtes touristiques (ministère de l'Agriculture), tourisme des jeunes (ministère de la Jeunesse), hébergements alternatifs où près de 80% des structures travaillent dans l'informalité la plus totale..., et il y a tant d'autres exemples.
Ceci a conduit à l'allègement du rôle et des attributions du ministère du Tourisme, d'une part, mais aussi à l'éparpillement des produits touristiques et leur mauvaise gouvernance (dans certains cas) d'autre part. Entre ces divers intervenants administratifs, la divergence d'appréhension des concepts touristiques, de ciblage des marchés, de coordination en termes de campagnes promotionnelles, atténuent la «touristification» de la destination et réduisent la rentabilité des produits. A mon avis, il est crucial de revoir cet élément et de rendre à César ce qui appartient à César !
Et pour conclure
« Le tourisme revient plus fort après chaque crise. Il a une capacité surprenante de résilience et quand tout le monde pensait que c'est fini, il se réinvente et continue à séduire les voyageurs ».
Le tourisme tunisien va certainement récupérer intégralement ses performances d'avant Covid-19 à la fin de l'année 2023. Il serait un gâchis de revenir sur la scène internationale avec les mêmes produits, le même slogan et les mêmes cibles..., mais surtout avec un environnement en dégradation continue. Les mots clés à prescrire sur ''l'ordonnance d'une relance'' sont : innovation, intelligence, data, réformes et environnement. Autant de prescriptions pour un tourisme durable et inclusif que nous appelons aussi en Tunisie ''tourisme alternatif''.
Regardons plus loin et plus haut, pensons également aux générations futures. On ne peut se permettre de consommer les produits touristiques de la même manière qu'aujourd'hui. Selon une étude récente du tour opérateur Expédia, 96% des voyageurs ont des préférences à la durabilité et aux expériences immersives. Soyons à l'écoute du marché et gardons un œil sur nos concurrents!
M.K.
(*) Universitaire et expert en tourisme


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