Le tourisme alternatif est devenu le nouveau cheval de bataille du ministère du Tourisme, avec l'impératif de trouver de nouveaux produits répondant à une clientèle de plus en plus exigente, et qui recherche plus que le tourisme balnéaire classique. C'est dans ce cadre que le ministère du Tourisme a multiplié les programmes de coopération avec différents organismes, afin de répondre à cette nécessité. Même avant la révolution, le sujet de la diversification des produits touristiques était souvent mis sur la table. Les intervenants étant conscients que le balnéaire ne suffisait plus et qu'il fallait capter une autre clientèle qui sera prête à dépenser plus et à augmenter les entrées du pays en devises. La Tunisie possède un potentiel important et des richesses inexploitées, le tout étant de savoir comment mettre en avant les atouts du pays et proposer des produits qui répondent à la demande de la clientèle. A cet effet, le ministère a dû ouvrir plusieurs chantiers dans le but de mettre à niveau les infrastructures hôtelières (reclassification des hôtels selon les normes internationales, formation du personnel et développement de la qualité de service, imposition de normes aux maisons d'hôtes, gîtes, etc. …). Mais, il faut dire que depuis la révolution, les crises se sont enchainées et le gouvernement a été plus dans une logique de sauvetage que de réforme et réflexion stratégique. Ceci dit, le ministère du Tourisme a poursuivi ses efforts pour promouvoir la destination Tunisie et s'est allié avec divers organismes, pour la réalisation de programmes à cet effet.
Business News a rencontré Mouna Mathlouthi Ghliss, directrice générale de la coopération internationale au sein du ministère du Tourisme et de l'Artisanat, qui expliqué l'avancement de certains projets et leur finalité. Dans ce cadre, la DG a évoqué la coopération avec l'Agence de coopération internationale du Japon (Jica) qui s'est faite sur six ans (2010-2015) et qui visait le renforcement des aptitudes promotionnelles du tourisme saharien sur le marché asiatique. Un don de 7 millions de dollars a été alloué au projet et qui a permis notamment la création d'un site web en langue japonaise, des brochures, des photos, la participation à des salons, l'organisation de voyages de presse et d'eductours, etc. Outre la mise en place de circuits thématiques pour les Japonais et les asiatiques de manière générale, avec au menu des formations sur leurs attentes, leurs cultures et leur définition de l'hospitalité. L'objectif étant de séduire la clientèle asiatique à travers le produit saharien local et leur offrir une nouvelle expérience.
Le projet destination Dahar a été, pour sa part, réalisé en coopération avec les Suisses. Il s'agit d'un projet de tourisme durable au sud-est du pays et qui concerne trois gouvernorats (Tataouine, Médenine et Gabès). Il est financé par le secrétariat d'Etat suisse à l'Economie (SECO) pour un montant avoisinant les 13 millions de dinars (4,2 millions de francs suisses). Lancé en 2013, ce projet sur cinq ans a été mis en œuvre en étroite collaboration avec les intervenants tunisiens au niveau local et national, notamment le ministère du Tourisme et l'Office national du tourisme tunisien (ONTT), qui ont apporté une contribution en nature. L'objectif à court terme du programme est de mettre sur pied un organisme de gestion de la destination touristique DMO (Destination Management Organisation) dans le Sud-est tunisien autour d'un produit touristique unique basé sur le patrimoine. A long terme, il veut contribuer à l'attractivité du Sud-Est tunisien et à l'amélioration des revenus et conditions de vie de la population locale à travers de nouvelles approches de tourisme durable, diversifié et inclusif.
Ce nouveau concept vise à mettre en place une structure qui réunit tous les intervenants du secteur touristique dans une région donnée (guides, agences de voyages, restaurants, salons de thé, structures d'hébergement, autorités régionales du tourisme) pour la mise en place de services complémentaires, afin de fournir une expérience aboutie aux visiteurs. Au menu formations (cuisine, hygiène, accueil, service,…) et financements pour la mise à niveau des acteurs du tourisme. A cet effet, la société d'exécution Swisscontact a été mandatée pour faire le diagnostic, évaluer les besoins, contacter les experts, mettre en place les formations nécessaires et financer certaines mises à niveau. Ainsi, la stratégie d'intervention permettant d'insuffler des changements structurels notamment via le développement et la diffusion à large échelle de méthodes et d'offres de formation, de marketing territorial et de modes de gouvernance inclusifs, destinés surtout aux jeunes et aux femmes. D'ailleurs dans la région précitée, 26 structures d'hébergement ont été régularisées, faisant d'une pierre deux coups, les mettre aux normes et assurer leur entrée sur le marché officiel. Les différents efforts consentis ont abouti à la création de la structure DMO qui a été publiée au Jort N°58 du 14 mai 2018 sous le nom de : Fédération tourisme authentique destination Dahar (FTADD).
L'expérience a été un tel succès qu'elle vient d'être renouvelée pour une DMO Djerba-Ksar Ghilane. Ce nouveau projet a démarré le 1er septembre 2019 et s'achève le 31 décembre 2023 (52 mois). Le budget alloué est de l'ordre de 13 millions de dinars (4,26 millions de francs suisses), financé aussi par le secrétariat d'Etat suisse à l'Economie (SECO). Le projet vient à peine d'être mis sur pied et donc la DMO n'a pas encore vu le jour.
Convaincu de la pertinence des DMOs et de leur impact positif sur l'ensemble du tissu économique d'une région donnée, le ministère du Tourisme veut élargir le concept à d'autres régions, en tant que nouvel outil de promotion du tourisme. Les DMOs permettront de développer des produits attractifs et deviendront des acteurs-clés pour la durabilité et la promotion de destinations. Ils mettront ainsi en œuvre des initiatives liées au tourisme, au patrimoine et/ou au respect de normes environnementales. Et grâce à la formation, la qualité de l'offre touristique et de certains services sera améliorée. En parallèle, la législation et le cadre réglementaire seront adaptés aux besoins des prestataires pour faciliter le développement du tourisme alternatif.
Tounes Wijhetouna est un programme sur 6 ans (2019-2024) dont le coût total est estimé à 50,5 millions d'euros, financé par un don de l'Union européenne (45 millions d'euros), le ministère allemand de la Coopération économique et du Développement, via l'Agence de coopération allemande pour le développement (GIZ) (5 millions d'euros) et l'Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (Onudi) via la Coopération italienne (500.000 euros). Le projet s'inscrit parfaitement dans la vision du ministère du Tourisme et de l'Artisanat pour le développement d'un tourisme inclusif et durable à travers, notamment, la revitalisation des régions intérieures. Le projet contribue essentiellement à la diversification de l'offre touristique de la Tunisie par le développement de nouveaux produits touristiques et la création de routes thématiques, présentant un fort potentiel touristique. Il favorise les synergies entre les différents acteurs des filières agroalimentaires, artisanales, du patrimoine culturel et de la promotion touristique afin d'obtenir de nouvelles destinations touristiques régionales et de mettre en valeur les spécificités et les richesses des régions.
Tounes Wijhetouna comporte plusieurs composantes. Parmi elles, la diversification et renforcement de la qualité de l'offre touristique pour un budget 17,5 millions d'euros et qui sera exécuté par la GIZ et Swisscontact. Ce volet vise à développer des segments spécialisés comme l'écotourisme et le tourisme culturel pour permettre au tourisme tunisien de se positionner sur les segments haut de gamme, à forte valeur ajoutée, de préserver un environnement fragile et de valoriser l'image de la destination Tunisie. L'accompagnement de chaînes de valeurs/clusters liées à l'écotourisme et au tourisme culturel conduira à soutenir des projets économiques susceptibles de valoriser, dans le cadre de circuits touristiques, le patrimoine matériel et immatériel, les produits du terroir, l'agritourisme, le bio-tourisme et surtout l'emploi. En outre, le projet mettra l'accent sut le renforcement des chaînes de valeurs dans les domaines de l'artisanat et du design pour un budget 9 millions d'euros et qui sera réalisé par l'Onudi. Ainsi et pour faire évoluer l'artisanat, plusieurs chaînes de valeur seront appuyées, au bénéfice d'entreprises artisanales, d'artisans et de designers. Un appui à des chaînes de valeurs sélectionnées pour leur potentiel en termes de création d'emplois et de commerce sur le marché national et international. En parallèle, il y aura un travail sur la valorisation du patrimoine culturel dans l'offre touristique, pour un budget 16,5 millions d'euros et qui sera réalisé par France Expertise Internationale. Et qui comprendra notamment la rénovation d'une quinzaine de bâtiments remarquables, et l'aménagement de parcours dans des centres anciens (Médinas), l'appui aux porteurs de projets, notamment pour les projets intégrés aux bâtiments rénovés, un réaménagement et une mise en valeur du musée de Carthage et de la place de l'Unesco, ainsi qu'un appui technique (gestion, accueil des visiteurs, muséographie, scénographie) outre la mise en place d'un centre d'interprétation valorisant les richesses du site de Carthage auprès du public.
Dans le cadre de ce projet, plusieurs actions ont été entreprises. Mouna Mathlouthi Ghliss énumère à Business News : * Refonte du système de classement des hôtels touristique en Tunisie (depuis décembre 2019) * Schéma directeur de parcours cyclables et pédestres et plan signalétique à Carthage (depuis avril 2020) * Soutien au développement d'une route cinématographique (depuis juin 2020) * Echange et soutien des jeunes entreprises innovatrices "Grow Together" pour le développement de solutions numériques dans le tourisme (depuis août 2020) * Développement de produits touristique à la Medina de Tunis (depuis août 2020) * Développement de produits touristiques à Tozeur (atelier prévu en septembre et reporté) * Réalisation d'une formation continue pour la main d'œuvre en chômage technique * Enquête de terrain jusqu'à fin 2020 pour les régions sélectionnées pour la mise en place d'un DMO. Les régions sélectionnées sont Carthage/Médina Tunis, le Kef, la Mahdia et Zaghouan. * Etc.
Dans le cadre des routes thématiques, on travaille sur le développement de la route cinématographique qui capitalisera les atouts de la Tunisie en termes de lieux de tournages dans les régions de Tunis, Nabeul, Monastir, Kairouan, Tozeur, Nefta, Gabès, Tatouine et Médenine. La route invitera les touristes locaux et internationaux à découvrir la Tunisie sur les traces des films cultes. L'objectif est de soutenir les responsables des sites, les opérateurs touristiques et les PME dans le voisinage des sites à développer des produits liés à la thématique des films afin de créer une dynamique économique dans les régions, créer des emplois, et assurer une offre touristique aux voyageurs cinéphiles. A noter que trois autres routes seront développées avec l'assistance de la GIZ à savoir la route gastronomique et produits de terroir, la route du tourisme plein air et sportif et la route culturelle.
Pour finir, la directrice a tenu à évoquer le projet en cours avec l'USAid (Agence des Etats-Unis pour le développement international) qui s'étalera sur six ans à partir de 2021. Pour le moment, le budget n'a pas été fixé, mais Mme Mathlouthi Ghliss a affirmé que le montant sera assez conséquent. Il permettra selon elle de disposer de ressources importantes pour le soutien des porteurs de projets, la formation, la mise en place de circuits thématiques, outre l'attraction d'autres investisseurs et/ou le recours à d'autres techniques de financement. Pour l'instant, le projet est à ses débuts mais s'annonce prometteur.
Seul, le tourisme balnéaire n'est plus viable, d'où l'impératif de mettre en place de nouveaux produits. Plusieurs partenaires de la Tunisie ont répondu présents pour la mise en place de divers projets qui vont permettre une montée en gamme des produits et services touristiques ainsi que d'offrir une expérience différente à une clientèle plus exigeante à la recherche de dépaysement, de découvertes et de produits atypiques.