La balance du pouvoir peut basculer contre l'attente du spectateur. Le festival de Cannes, réputé pour son défilé de films d'auteurs du monde entier, qui ornent chaque année sa compétition officielle, laisse également la place à des productions hollywoodiennes. En plus de l'ouverture, assurée par le dernier film de Woody Allen, « Café society », le festival a accueilli la première mondiale, en hors compétition, du nouveau film de Jodie Foster, « Money Monster », avec Georges Clooney et Julia Roberts en tête d'affiche. En parallèle avec Cannes, le film passe cette semaine au Cinevog et au Colisée. Sa réalisatrice, également productrice et actrice à la carrière couronnée de succès, n'en est pas à son premier passage derrière la caméra. Dans ce film, elle s'attaque au monde sans scrupules de la bourse américaine. «Lee Gates est une personnalité influente de la télévision et un gourou de la finance à Wall Street. Les choses se gâtent lorsque Kyle, un spectateur ayant perdu tout son argent en suivant les conseils de Gates, décide de le prendre en otage pendant son émission, devant des millions de téléspectateurs», raconte ce Thriller social. Le scénario de «Money monster», écrit à trois mains (Jim Kouf, Jamie Linden, Alan Di Fiore), défie les codes hollywoodiens du genre en mélangeant les cartes du suspense et des personnages. On comprend pourquoi le trio Foster, Clooney et Roberts a embarqué dans ce projet qui affiche des positions claires contres certains stéréotypes. La mise en scène de Jodie Foster est classique et efficace, sans réelle prise de risques, avec un bon rythme qui maintient le spectateur en haleine et le suspense intact pendant tout le film. Quant au scénario, il joue autant sur la tension que sur l'humour. L'un de ses points forts est de déjouer les attentes du spectateur, que les thrillers hollywoodiens ont instaurées de film en film depuis des décennies. Les twists n'arrivent jamais là où on les attend. Là où le «miracle» qui dénoue l'intrigue semble sur le point de se produire, c'est le contraire qui arrive, comme pour faire un rappel à la vie, la vraie, avec ses problèmes bien réels, et conférer une touche d'humanisme au film. Concernant les personnages, nous sommes loin du modèle macho livré dans la majorité des blockbusters américains. Les personnages féminins sont en effet positifs, influents et décisifs dans les événements. Elles ont les choses en main, prennent les devants et sortent du carcan de gentilles et belles créatures fragiles, manipulées ou protégées par les hommes. Ces derniers, du séduisant présentateur télé, au preneur d'otage désespéré et victime des magouilles financières, en passant par l'homme d'affaires corrompu et intraçable, ont leurs moments de vulnérabilité, auto-piégés par la ruée vers l'argent et le pouvoir. Ils détiennent tout, les médias, les entreprises, les relations internationales, mais tout va leur échapper afin que la vérité éclate au grand jour, et que la même caméra qui a servi le mensonge et la manipulation sert pour une fois à démasquer la réalité, quel qu'en soit le prix. D'ailleurs, l'un des moments forts du film est la métamorphose en direct d'une émission de télévision sensationnelle en un média d'investigation pointu et justicier. Un film divertissant et pas bête !