Aujourd'hui, demain et après-demain, les magistrats reviennent au-devant de la scène en décidant de porter le brassard rouge et en retardant le démarrage des audiences d'une heure. Ils protestent contre les mauvaises conditions dans lesquelles ils exercent leurs fonctions et contre la sourde oreille que leur oppose le gouvernement à propos de la majoration de leurs salaires qu'ils estiment en deçà du minimum pour pouvoir travailler «en toute indépendance et intégrité en tant que représentants d'un pouvoir censé défendre les libertés et les droits des justiciables». Les membres de l'Association des magistrats tunisiens (AMT) qui pilotent le mouvement de protestation prévu aujourd'hui argumentent : «Le nombre des affaires traitées par les magistrats est passé de 5.000 en 2010 à 25.000 en 2015 et l'on a déjà atteint les 29.000 affaires en 2016. En plus, les affaires dites du terrorisme se comptant par milliers sont confiées aux magistrats travaillant au sein du pôle judiciaire spécialisé. Ils se comptent sur les doigts d'une seule main et ne disposent pas de la logistique nécessaire à l'accomplissement de leur tâche comme on l'attend d'eux. Même le chef du gouvernement et le ministre de la Justice reconnaissent qu'on ne peut pas attendre grand-chose de magistrats qui se partagent un bureau de quatre juges et qui ne disposent même pas d'armoires pour ranger leurs dossiers». Le juge Anas H'midi, vice-président de l'AMT, considère qu'«il est temps que les Tunisiens soient édifiés sur les conditions réelles dans lesquelles nous travaillons, lesquelles conditions influent sur le rendement des juges et enlèvent toute crédibilité auprès de l'opinion publique à l'action que nous menons dans des tribunaux qui souffrent de l'absence des normes internationales en la matière». Le résultat est inquiétant quand on sait que même la Cour de cassation, considérée comme l'autorité judiciaire suprême, est «dans une situation inacceptable, alors que le tribunal de première instance de Tunis situé à Bab Bnet est menacé d'effondrement. Et pourtant, on nous annonce qu'il existe un programme de coopération internationale en vue de réformer la justice et de rénover les tribunaux. Malheureusement, on ne voit rien venir». Dernier point de mécontentement des magistrats : «La non-augmentation des salaires des juges bien que toutes les autres corporations aient été majorées depuis la révolution. En octobre 2015, on a soumis à la présidence du gouvernement une note détaillée sur nos revendications matérielles et on attend encore la réponse», conclut-il.