Incroyable, cette boulimie publicitaire de ce mois de Ramadan 2010 ! De 19h30 à 23h00, on compte près de 160 minutes d'écrans pub : le tunnel n'a jamais été aussi long. Les annonceurs, privés le reste de l'année de programmes «intéressants», envahissent pendant «le mois sacré des fictions» nos petites lucarnes. Ils interrompent les feuilletons pour intercaler leurs logos. Ils veulent, c'est de bonne guerre, nous faire saliver, pour nous pousser ensuite à mettre dans notre panier des produits parfois inutiles. Ils veulent décider aujourd'hui, de ce que nous allons vouloir demain. Ils savent que, un jour ou l'autre, nous allons apercevoir le produit sur le rayonnage d'un supermarché et que nous allons acheter, juste comme ça, pour goûter… Ils savent aussi que plus nous sommes malheureux, plus nous sommes portés à la dépense. «Les gens heureux ne consomment pas, notre souffrance dope le commerce», comme le dit si bien Octave, le personnage principal du roman de Frédéric Beigdeber, intitulé «99 francs». Si au moins on nous présentait quelque chose de marrant qui nous respecte et qui tente de tirer notre intelligence vers le haut. «C'est une question de politesse quand on interrompt un film à la télé», ajoute Octave. Et, si c'est trop demander, qu'on évite au moins de nous proposer des spots au contenu prévisible, prémâché et parfois même plagié ! Et ces slogans !! Mon Dieu ces slogans, titres ou accroches, dépourvus de sens et d'imagination, et qui prétendent s‘inspirer du langage courant, celui de la rue. Ils sont souvent débiles et débilitants, quand ils ne sont pas choquants et à la limite de l'insolence. La preuve : en 20 ans de pub tunisienne, combien de titres avons-nous retenu à part «Je ne suis pas n'importe qui pour boire n'importe quoi» ? Les départements «créa» des agences de communication, qui travaillent au service des annonceurs, ont intérêt à doper leur imagination, à concevoir des scénarios et des slogans plus originaux, plus intelligents et réellement de proximité. Car on a l'impression que ces concepteurs- rédacteurs de pub ne bougent pas de leurs bureaux, ne marchent pas dans les rues de la ville et ne connaissent pas leurs cibles. Ils les sous-estiment même. Ces créateurs n'ont surtout pas l'air de maîtriser le dialecte tunisien, en vérité si riche, si élégant et si courtois. Rappelez-vous du fameux slogan d'un vieux programme de téléthon, créé par l'artiste Taoufik Jebali : mezel el khir fi eddinia. Il ne pouvait pas trouver mieux, ayant cette passion des mots, manipulant si bien le verbe et sachant surtout se ressourcer dans sa propre culture. Enfin, en cette panne d'imagination qui concerne en fait la pub autant que la fiction, cherchons à savoir quelle chose a contaminé l'autre. «Sana3oud !»