En privilégiant la rentabilité financière à la visibilité, la Fédération crée de la frustration chez les supporters. Les sponsors pourraient, eux aussi, réclamer des comptes. A partir de la saison prochaine, une seule chaîne de télévision aura le droit de retransmettre les matches de la Ligue 1 de football professionnel. Contre toute attente, le bureau fédéral de la FTF vient de prendre cette décision lors de sa dernière réunion. Jusque-là et tout au long de la saison dernière, trois chaînes avaient le droit de retransmettre les matches. En optant pour une pareille décision, la Fédération de football laisse entendre qu'elle s'inspire de l'idée qui fait de plus en plus son chemin en Europe et dans les grandes nations de football. L'idée qui divise justement le monde de la télévision en deux catégories. Ceux qui ont les droits des événements sportifs, et ceux qui scrutent. Ces derniers devraient se contenter du droit à l'information qui consiste à montrer une minute et trente secondes des matches du jour, une fois par heure. En compensation, ils devraient développer encore loin l'une de leurs premières vertus : le talk et les plateaux de télévision, le plus souvent destinés à replacer le verbe devant l'image. Il faut dire que nos chaînes de télévision, et notamment nationales, n'ont pas changé grand-chose à leurs habitudes. En manque d'inspiration, de diversification, d'efforts et d'idées, elles n'ont jamais dépassé le stade des reportages, commentaires et débats. Préférant renforcer les équipes de ce qu'on a pris l'habitude d'appeler, à tort ou à raison, de consultants sans jamais parvenir à retenir l'attention des spectateurs. Quelle que soit l'importance de l'événement, la manière de présenter et de couvrir est quasiment la même dans toutes les télévisions. Très peu d'innovation et encore moins de différenciation, on zappe pour tomber chaque fois sur la même chose. L'exemple de «Dimanche Sport» est très significatif. Tous ceux qui se sont succédé à sa production et à sa présentation n'ont rien apporté de nouveau. La synthèse des matches est la même, presque éternelle, et nous fait penser à celle d'un passé lointain. La manière d'aborder les sujets et leur transition est des plus courantes. Ce qui fait que les consultants répètent la même chose sur les mêmes sujets, sans différenciation d'angle et sans apporter quelque chose de nouveau par rapport à ce qui a été déjà dit. Pire, ils commentent et analysent des matches qu'ils n'ont pas vu. Le téléspectateur n'est pas dupe. Il sait pertinemment qu'il leur est impossible d'assister à plusieurs matches à la fois pour en faire, par la suite, un sujet de réflexion, d'analyse et d'autopsie ! Bien malin celui qui comprendra ce qui se dit, ou encore à quoi on voudrait en venir!... Chaînes en clair : un non-sens économique L'acquisition de droits télé est devenue pour les chaînes en clair en Europe un non-sens économique. Confrontées à la hausse vertigineuse des tarifs des retransmissions sportives, elles abandonnent de plus en plus le terrain aux bouquets payants. Aujourd'hui, pas une chaîne en clair ne gagne de l'argent en diffusant du sport. C'est pour cela que M6 et TF1 ont fait le choix de jouer en deuxième division en remplaçant les soirées football par des séries américaines à succès bien moins chères à acquérir. Mais en parvenant à sauvegarder leur place à l'Euro. Le phénomène est en train de prendre place dans les chaînes tunisiennes. Les deux chaînes nationales, habituées à diffuser massivement du sport, se donnent une mission de service public en permettant au plus grand nombre l'accès au sport gratuit. Avec un grand format de programmes sportifs par an dans plusieurs disciplines, elles se définissent comme le plus grand terrain de sport en clair. Mais jusqu'à quand ? La dernière décision du Bureau fédéral, limitant la transmission des matches de Ligue 1 à une seule chaîne de télévision est de nature à bouleverser la donne. Le football tunisien est, en effet, sur le point d'atterrir sur les chaînes payantes. Plus encore, et suite à la mondialisation du sport, la télévision nationale court même le risque de ne plus profiter des «événements protégés». Le sport, de façon générale, et le football, en particulier, ne peuvent plus être assurés d'être diffusés durablement en clair. L'enjeu financier est devenu énorme. Les responsables des chaînes en clair doivent se rendre à l'évidence : le football est devenu plus une affaire de fans prêts à mettre la main au porte-monnaie pour regarder leur sport favori qu'un large carrefour d'audience. Les chaînes payantes l'ont bien compris. Chaque fois qu'elles le peuvent, elles raflent donc la mise. Pris dans une course folle aux plus belles affiches. Sans états d'âme, les organisations et les instances sportives sont passées maîtres dans l'art d'organiser leurs appels, de multiplier les combinaisons et les lots, de manière à obliger les chaînes à surenchérir. En privilégiant la rentabilité financière à la visibilité, elles créent cependant de la frustration chez les supporteurs qui n'ont pas les moyens de débourser de l'argent pour s'abonner aux chaînes payantes. Les sponsors pourraient, eux aussi, réclamer des comptes. Au Maroc, les chaînes de télévision privées n'ont pas droit de cité dans les retransmissions des matches. Cela ne peut être que l'exception qui confirme la règle. Car l'ère du sport pour tous à la télévision vit bel et bien ses dernières heures.