La semaine dernière, le président Béji Caïd Essebsi s'était quasiment emporté en présence des responsables des partis réunis à Carthage. Visiblement exaspéré, il avait frappé la table de sa main et déclaré : «J'ai le nom du futur chef du gouvernement». Mais cela est resté, depuis, lettre morte Et voilà. M. Béji Caïd Essebsi, président de la République, avait promis de clore le dossier de son initiative de gouvernement d'union nationale avant l'Aïd. Il a réuni les parties engagées dans le dialogue (neuf partis et trois organisations nationales) la veille de l'Aïd. Pour leur dire : «Ma tâche est finie, la balle est dans votre camp». Une manière de leur refiler la patate chaude en quelque sorte. Annoncée le 2 juin 2016, l'initiative présidentielle piétine en fait. On avait annoncé le nom du futur chef de gouvernement avant l'Aïd. Il n'en fut rien. Et le gouvernement courant juillet. Et c'est encore hypothétique. Habib Essid, chef du gouvernement, s'agrippe. Il n'a pas présenté sa démission, comme prévu. Et il sait pertinemment qu'une éventuelle motion de censure parlementaire à son encontre serait mort-née. Entre-temps, ses séides au sein de Nida Tounès, principal parti de la majorité gouvernementale, sont montés au créneau. Fustigeant au passage l'absence de prérogatives constitutionnelles de l'initiative présidentielle et l'accaparement de Nida par M. Hafedh Caïd Essebsi, dont la seule qualité serait d'être le fils du Président. Les partis et organisations engagés dans le dialogue autour du gouvernement d'union nationale se sont mis d'accord, nominalement, sur les priorités gouvernementales. Au début, ils avaient convenu de débattre et des priorités et de la réorganisation gouvernementale proprement dite. Cette dernière question a été éludée. Et l'on s'est contenté de signer un texte commun hors cérémonial. Et pour cause, l'adhésion aux priorités devrait être validée par les bases et directions respectives de chaque partie. Côté contenu, c'est, encore une fois, de généreuses déclarations d'intention. Des intitulés aussi nobles les uns que les autres sans programme avec étapes, timing et deadlines. Dans le sillage de la mauvaise tradition de la classe politique tunisienne plutôt encline aux intitulés et slogans généralistes qu'aux programmes spécifiques. A bien y voir, cela se recoupe largement avec les déclarations d'intention de M. Habib Essid dans son discours d'investiture, en février 2015. Ce qui n'a pas empêché son gouvernement d'échouer lamentablement, à bien des égards. Reste la question du nom du futur chef de gouvernement. Certains privilégient toujours la reconduction du gouvernement de M. Habib Essid, moyennant remaniement substantiel. D'autres avancent des noms d'anciennes figures, tel M. Fadhel Khlil, ancien ministre, gouverneur et ambassadeur sous l'ancien régime, ou de figures bénéficiant d'une certaine popularité dans l'opinion, tel M. Neji Jelloul, l'actuel ministre de l'Education. Les spéculations vont bon train. Le travail des coteries aussi. En tout état de cause, on est encore dans le flou intégral. Les questions des priorités en suspens, de la réorganisation gouvernementale renvoyée aux calendes grecques et du chef du gouvernement objet de toutes les spéculations compliquent la donne. On n'est guère sorti de l'auberge de la discorde et des manœuvres de coulisses. Chacun y va de son intérêt étroit et de ses calculs de boutiquier. Nida Tounès et Ennahdha, principaux partis de la majorité gouvernementale, avancent en rangs dispersés. Nida est divisé. Ennahdha maintient deux fers au feu. Elle fait miroiter autant la reconduction du gouvernement Essid que l'adhésion à un nouveau gouvernement. Le projet de gouvernement d'union nationale piétine. La semaine dernière, le président Béji Caïd Essebsi s'était quasiment emporté en présence des responsables des partis réunis à Carthage. Visiblement exaspéré, il avait frappé la table de sa main et déclaré : «J'ai le nom du futur chef du gouvernement». Mais cela est resté, depuis, lettre morte. C'est dire qu'en politique, il ne faut guère vendre la peau de l'ours avant de l'avoir attrapé. La dimension temps est essentielle. Et rien n'est plus dissolvant pour toute initiative d'envergure, ou supposée être comme telle, que de traîner en longueur. Certes, il faut savoir donner du temps au temps comme on dit. Mais le temps s'avère parfois particulièrement contre-productif. Si elle traîne encore davantage, l'initiative présidentielle de gouvernement d'union nationale deviendra à coup sûr une patate chaude pour tous.