La maison de la Culture déserte, sur le Corniche, des jeunes pressent le pas pour être à l'heure et donner leur spectacle : «Bin el ouedyane». L'entrée de la maison de la Culture de Meknassy présente une scène de désolation : les portes extérieures grandes ouvertes, sans chaînes ni gardiens, les ordures jonchent le sol un peu partout et pour corser l'atmosphère de l'épouvante, une couche de poussière de sable déposée par un vent du Sud, recouvre les lieux. C'est dans ce triste décor que le théâtre de plein air se dresse sans grandeur malgré sa coquette scène qui subit les aléas du temps, sans entretien ni effort de restauration. Pas de peinture ni de badigeonnage non plus. Seuls deux anciens graffitis en effritement ornent des murs voués à l'abandon. On avance de quelques mètres pour déchiffrer les lettres restantes inscrites sur une enseigne, il s'avère après un effort de lecture qu'il s'agit de la bibliothèque. Il était environ 18 heures. La maison de la culture était bel et bien déserte. Malgré le défaitisme ambiant des aînés qui sommeillent, les petits, eux, s'activent, pour apporter une note de vie en musique et en couleur à la cité. En effet, un peu plus loin, sur la «Corniche» de Meknassi, une sorte de promenade, à environ un quart d'heure de marche, des jeunes pressent le pas pour être à l'heure pour donner leur spectacle. Il s'agit du concert «Bin el Ouedyane» (entre les oueds), donné par l‘association fraîchement créée, Art à Meknassy, et présidée par le jeune Mouadh Gammoudi soutenu par de nombreux jeunes dynamiques qui militent pour réconcilier leur ville avec l'art dans ses formes multiples. "Bin el Ouedyane" Ramadan tirait à fin et il ne restait que trois jours de jeûne, et l'association Art à Meknassy voulait apporter avec cette toute première soirée musicale ramadanesque, une bouffée d'air frais en cette journée caniculaire. Juste après la rupture du jeûne, direction la Corniche, cette ancienne décharge publique située sur la route nationale N° 14 Gafsa-Sfax et transformée récemment en jardin a pris des allures de fête foraine grâce aux dons en toute nature de la population locale. Une petite scène y a été aménagée pour l'événement organisé grâce au soutien de la maison des jeunes, la municipalité et la communauté. Sous le déluge des feux d'artifice, qui attiraient grands et petits, la place était rapidement envahie. Les spectateurs sont venus découvrir des artistes et des talents, les leurs. On ne peut mieux être servi que par soi-même, disaient ces spectateurs venus dénicher, en cette 27e nuit de Ramadan (Laylet el kadr), quelques instants de chant, de musique et pourquoi pas de danse réservée à la gent masculine. Sous l'œil vigilant des sécuritaires, la place publique n'arrêtait pas de recevoir les habitants; jeunes, enfants, femmes et hommes de toutes tranches d'âge se sont bien préparés et parés de leurs plus beaux atours pour assister à la fête, surtout que c'était la nuit du Destin. Le jeune chanteur Rayen Rdaoui, de sa belle voix, a commencé à raviver le rythme avec un savoureux mélange de chansons notamment du patrimoine comme Na jit zaiyer, Ya wali Meknas, Ala bab darek, Baba bahri ou Ya fares baghdad. Sous la houlette de Rayane qui s'est adonné à cœur joie au chant, le concert, d'environ deux heures, a réuni dans la chorale Amine Belgacem Gammoudi, Sameh Khaskhoussi, Saber Hattabi et Raki Khaskhoussi, et ce, avec les jeunes musiciens Ghaith Jaouadi à la guitare électrique et Rochdi Chneni à la guitare bass, Rafik Raddaoui à la batterie, Amine Gammoudi, Malek Salhi et Alaeddine Sakhraoui aux percussions ainsi que Thamer Lefii au clavier. Grande forme pour ces jeunes aux origines esthétiques et horizons différents, qui demeurent à découvrir. Reste que le pari est de pouvoir avancer, percer. Pour cela, laisse entendre Ghassen Mahfoudhi, un jeune actif sur la scène culturelle régionale, un coup de pouce des autorités concernées est bel et bien nécessaire surtout que les discours portent sur une politique culturelle misant sur les jeunes et sur la culture auprès de tous notamment dans les régions intérieures longtemps marginalisées ; tel l'exemple de Meknassy, une ville qui a enfanté des virtuoses ayant réussi à investir la scène musicale internationale pour ne citer que le percussionniste Imed Alibi, qui a largement combattu pour la fondation de l'association Art à Meknassy, sa ville natale située dans le gouvernorat de Sidi Bouzid d'où s'est déclenchée la première étincelle des événements du 14 janvier 2011 dont le credo n'était autre que Dignité pour tous.