Communiquer avec des enfants âgés entre 8 et 12 ans dans les quartiers populaires est difficile. Des délinquants ont leurs propres codes, langage et mode de vie. Très souvent, ils ont des problèmes. Mais, au final, changer de vie dépend, en premier lieu, de leur propre volonté. Ils ont grand espoir de voir leurs conditions de vie changer vers le bien. Au quartier Ibn Sina, des enfants sont adossés au mur ; ils ont quitté l'école à un âge précoce à cause des difficultés scolaires et d'autres ont des démêlés avec la justice. Pendant les vacances scolaires, ces enfants s'amusent dans un quartier qui manque de tout. Le quartier est situé dans le gouvernorat de Ben Arous, l'une des régions les plus pauvres. La pauvreté et la misère sont visibles dans presque toutes les maisons. Ces enfants sont issus de familles défavorisées. Les conditions de vie y sont rudes autant pour les adultes que pour les enfants. Le chômage et la pauvreté sont visibles. Ces gamins marginalisés depuis longtemps sont en proie aux fléaux du trafic de drogue, de l'alcoolisme, de la délinquance et de la violence en général, après la révolution. Faire parler des enfants de la région, à travers leur vécu, de leur entourage; les aider à communiquer et à dévoiler leurs sentiments et ressentiments ne sont habituellement pas des tâches aisées. Ils cachent leur misère L'organisation onusienne de défense des droits de l'enfant a, d'ailleurs, lancé récemment un projet en faveur des enfants des quartiers populaires pour les aider à communiquer librement. A travers une activité ludique et originale, il s'agit de faire tomber le mur du silence derrière lequel beaucoup d'enfants cachent leurs misères, leurs drames, leur désespoir. Certains enfants sont mal encadrés par leurs parents. Ils passent le plus clair de leur temps dans la rue à jouer au ballon. D'habitude, à défaut d'espaces de loisirs et de structures sportives, les garçons passent les vacances à jouer dans la rue et les filles à s'acquitter des tâches domestiques. «Les filles ne sortent pas beaucoup, nous ne savons pas où aller», expliquent Dhouha et Rimen. Et d'ajouter : «Quant à nos conditions sociales, elles sont précaires, dans la mesure où ma famille est pauvre avec à sa charge quatre garçons et deux filles. On n'a même pas d'habits neufs! Nous, les deux filles, nous portons des pantoufles déchirées de nos quatre frères. Nous sommes marginalisées et écartées». Ces filles se plaignent, de même, de leur situation familiale difficile car leurs parents sont divorcés avec un père handicapé et une mère travaillant dans les maisons en tant que femme de ménage pour survenir aux besoins de la famille où la violence conjugale est le lot quotidien. «Chaque coin et recoin de nos quartiers raconte une tranche de vie. Un nombre incalculable d'images, plus sublimes les unes que les autres, immortalisant des portraits, des situations, des attitudes, des émotions. Il faut que cette situation change, renchérit Dhouha. Notre quotidien est fait de pauvreté, de chômage, de délinquance, de drogue et d'alcoolisme». Dix ans, l'âge de la première cigarette Des enfants fument de plus en plus jeunes. C'est vers l'âge de dix ans qu'ils font l'expérience de leur première cigarette. Dans les quartiers populaires de la cité Ettadhamen, M. Arfaoui avoue que «commencer à fumer très tôt est très mauvais pour la santé. J'en ai fait l'amère expérience. C'est une addiction. Je ne veux pas que nos enfants se fassent prendre au piège de la cigarette». Dans ce quartier populaire, une scène attire l'attention. Assis en cercle au pied d'un mur, des enfants âgés d'à peine onze ans fument à tour de rôle le cannabis, sous le regard indifférent des passants. Hamdi, âgé de 10 ans déclare : «J'ai essayé pour la première fois de les fumer ; je trouve que c'est une évasion dans un autre monde "fly in the sky". Je fume de façon occasionnelle. J'ai des amis de mon âge, par contre, qui n'arrivent plus à se passer de la cigarette ; puis, ils ont commencé à fumer deux, trois, quatre cigarettes par jour». Le facteur environnemental est en grande partie responsable de ce phénomène car ils vivent dans une société où la cigarette et les drogues sont valorisées. Un centre culturel au quartier populaire d'Ibn Sina conçoit, d'ailleurs, des parcours d'intervention et organise des activités susceptibles d'attirer ces enfants et adolescents «en situation de rue». Les événements ont lieu le plus souvent dans les espaces publics. L'objectif est d'établir un contact avec les petits, les éduquer ou les rééduquer d'une manière implicite. «Ces activités sont menées dans plusieurs autres quartiers proches», affirme M. Hassen Younès, responsable des médias dans le secteur de l'enfance. «Dans le cadre du Plan de développement économique et social, nous avons conclu une convention avec l'Etat dans le but de protéger les familles des risques de marginalisation et de prémunir ses membres contre la délinquance, l'échec...». Une femme, rencontrée dans un lieu public, conseille les parents de faire travailler leurs enfants ne serait-ce qu'en les incitant à lire un livre. «Certaines bibliothèques, comme celle de la rue de Yougoslavie, à Tunis, ont ouvert leurs portes, souligne-t-elle. Les parents peuvent accompagner régulièrement leurs enfants pour lire des contes et leur permettre de contacter d'autres amis de leur âge», recommande-t-elle. L'objectif est de s'instruire tout en s'amusant. Les autorités compétentes ont diversifié les activités de loisirs en faveur des enfants du quartier Ibn Sina en organisant à leur profit une piscine artificielle. Malgré le manque de ressources financières, ces gamins gardent l'espoir de voir leur situation et leurs conditions de vie s'améliorer un jour, même si certains sont en rupture relative avec leur famille et passent le plus clair de leur temps dans la rue.